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GRANDE TRIBUNE POLITIQUE : Réhabiliter Sékou Touré et la vérité historique de la révolution guinéenne

■ I. La vérité historique contre l’oubli organisé

Il est temps de sortir du brouillard de la falsification historique entretenue depuis des décennies autour du premier régime de la République de Guinée.

Le nom du président Ahmed Sékou Touré, père de l’indépendance nationale, a souvent été associé à la peur, à la répression et à un autoritarisme supposé. Pourtant, une lecture historique rigoureuse et décolonisée révèle un homme d’État visionnaire, profondément attaché à la souveraineté africaine et à la dignité noire.

Sékou Touré a incarné, dès 1958, le refus de la subordination politique, économique et culturelle. Sa démarche fut celle d’un dirigeant conscient que l’indépendance véritable n’est pas un don, mais une conquête qu’il faut défendre sans relâche.

■II. La “Cinquième colonne” : un concept de vigilance révolutionnaire à réhabiliter

Souvent mal comprise, l’expression “cinquième colonne” n’était pas, pour Sékou Touré, un simple slogan idéologique. Elle désignait une réalité politique universelle : celle de l’ennemi intérieur, dissimulé, œuvrant contre les intérêts nationaux au profit des puissances étrangères.

Né durant la guerre d’Espagne (1936), le terme fut adapté à la Guinée postcoloniale pour nommer ceux qui, sous couvert de patriotisme, collaboraient avec les services impérialistes, notamment français, afin de saboter l’État naissant.

Contrairement à une propagande postérieure à sa mort, cette “cinquième colonne” n’a jamais désigné une ethnie. Les archives et témoignages démontrent que les accusations touchaient toutes les composantes du pays. Ce que Sékou Touré condamnait, c’était la trahison nationale, non une appartenance communautaire.

Il est donc inexact de réduire sa vigilance révolutionnaire à une lutte contre un groupe donné : elle visait avant tout la compromission, l’esprit de soumission et la perte de dignité nationale.

■III. Deux faits historiques souvent occultés

Deux réalités objectives méritent d’être rappelées :

  1. Le référendum du 28 septembre 1958

L’analyse des résultats régionaux montre que certaines zones du pays ont enregistré un taux anormalement élevé de “Oui” au maintien sous domination coloniale. Ce fait historique invite à relativiser les accusations d’exclusion ou d’ethnocentrisme : le clivage majeur n’était pas ethnique, mais idéologique – entre patriotes et partisans de la dépendance.

  1. Les bourses d’études à l’étranger

Sur les conseils du président Mao Zedong, Sékou Touré envoya des milliers de jeunes Guinéens étudier dans les grandes universités occidentales, dans le but de constituer une élite technique et scientifique pour le développement national.

Cependant, la majorité d’entre eux ne rentrèrent jamais, préférant servir ailleurs. Le contraste est frappant : tandis que 100 % des étudiants chinois rentrèrent bâtir la Chine nouvelle, la Guinée perdit une grande partie de ses cadres formés.

Ce drame illustre la profondeur du mal qu’il nommait “cinquième colonne” : la fuite des cerveaux et la trahison du projet collectif.

■IV. La guerre froide et les complots : la Guinée dans l’œil du cyclone impérial

Dès 1958, la Guinée devint le laboratoire de la liberté africaine. En disant “Non” à la tutelle française, elle entra dans l’affrontement global entre impérialisme occidental et forces émergentes du tiers monde.

Les documents diplomatiques français, américains et soviétiques en témoignent : la Guinée fut la cible de campagnes de déstabilisation, de sabotages économiques et d’infiltrations politiques.

Dans ce contexte, la vigilance de Sékou Touré n’était pas paranoïaque : elle était stratégique. Son régime, avec ses excès, fut avant tout un système de défense nationale dans un environnement hostile.

■V. La morale révolutionnaire de Sékou Touré : une leçon d’honneur africaine

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Loin d’être un despote, Sékou Touré fut un gardien de la souveraineté africaine. Il prônait une morale politique fondée sur la dignité, le travail et la solidarité nationale.

Sa célèbre maxime « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage » résume une philosophie du courage politique et de la responsabilité collective.

Ce que certains ont qualifié de “culte de la vigilance” était, en réalité, une philosophie de résistance face à la recolonisation économique et culturelle.

■VI. L’échec des “ennemis recyclés” de la Guinée

Les héritiers modernes de la “cinquième colonne” n’ont pas disparu. Ils se présentent aujourd’hui sous des visages nouveaux :

Technocrates sans conscience, politiciens clientélistes, cadres complices de la corruption ou intellectuels à la solde d’intérêts extérieurs.

Mais leur échec est déjà consommé, car la conscience populaire, éveillée par Sékou Touré, continue d’habiter la mémoire nationale.

L’histoire, cette grande juge, commence à rétablir la vérité.

■ VII. Pour une réhabilitation nationale

Réhabiliter Sékou Touré, ce n’est pas nier les erreurs du passé, mais restaurer la vérité historique. C’est reconnaître en lui non un tyran, mais un bouclier, non un oppresseur, mais le gardien d’une indépendance fragile.

Ce devoir de mémoire n’est pas partisan : il s’agit d’un acte de souveraineté morale et intellectuelle.

Tant que l’héritage de Sékou Touré restera mal compris, la Guinée demeurera vulnérable à la manipulation des “cinquièmes colonnes” modernes — celles de la division, de la dépendance et de la corruption.

Aujourd’hui, plus que jamais, la vérité historique doit triompher sur la propagande, et le peuple guinéen doit se souvenir de cette leçon du premier révolutionnaire africain : « Le peuple conscient et organisé est invincible. »

Aimé Stéphane Mansaré

Sociologue

Expert consultant en sciences sociales du développement.

Analyste politique indépendant

DG du CERFOP

PCA de l’IPCJ-Guinée -Guinée Coaching

 

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