REGARD D’UN ACTIVISTE. Abass Diagana est un fervent activiste et militant des causes nobles. Ce membre fondateur du très célèbre Mouvement Touche Pas à Ma Nationalité (TPMN) a bien voulu se prêter aux Questions de Farafinainfo.com. Et n’a pas manqué de poser son regard averti sur les trois (3) grands faits marquants de l’actualité africaine de la semaine du lundi 27 octobre 2025 au 02 novembre 2025 en Guinée, en Afrique et dans le Monde pour éclairer la lanterne des lecteur.rices de votre site panafricain d’informations générales [ACTU DE LA SEMAINE EN 3 QUESTIONS].
Abass Diagana, un fervent activiste et militant des causes nobles
« La question centrale demeure : cette stratégie de fermeté contribuera-t-elle à renforcer l’autorité de l’État, ou risque-t-elle au contraire d’accentuer les fractures au sein de la société malienne ? »
1)-[MALI]- L’ancien Premier Ministre Moussa Mara est condamné à deux ans de prison pour soutien à des prisonniers politiques. Si vous deviez faire un commentaire sur cette condamnation, que serait-il ?
La condamnation de l’ancien Premier Ministre Moussa Mara à deux ans de prison pour soutien à des prisonniers considérés comme « politiques » soulève plusieurs enjeux importants pour la démocratie au Mali. Elle interpelle d’abord sur l’état des libertés publiques, en particulier la liberté d’expression et la possibilité pour les responsables politiques ou les citoyens de manifester leur solidarité avec des détenus dont la situation est controversée.
Dans un contexte où le Mali traverse une période de transition, avec des tensions sécuritaires et institutionnelles fortes, une telle condamnation peut être interprétée comme un signal visant à restreindre le pluralisme politique et à décourager toute voix critique, même issue de personnalités d’État. Elle pose également la question de l’indépendance du système judiciaire, surtout lorsque les dossiers touchent à des figures publiques ou à des opposants.
Plus largement, cette affaire risque de renforcer la polarisation politique et d’affaiblir la confiance des citoyens dans les institutions. Dans un moment où le pays aurait plutôt besoin de dialogue, de réconciliation et de cohésion nationale, l’usage de l’outil judiciaire comme instrument de régulation des conflits politiques peut s’avérer contre-productif.
Cette condamnation dépasse la seule personne de Moussa Mara, elle interroge la place des libertés civiles et la qualité du débat démocratique au Mali aujourd’hui. En réalité, les priorités sont ailleurs. Si la junte actuelle n’a pas l’intention de garder de façon prolongée le pouvoir, elle doit s’attaquer aux urgences, entre autres la lutte contre l’occupation du Nord par les Jihadistes. Cette affaire reflète un rétrécissement du pluralisme, à un moment où le pays a besoin de dialogue pour faire face à la crise sécuritaire et aux défis sociaux. Cependant, les autorités de transition justifient leurs décisions au nom de la stabilité et de la souveraineté nationale.
La question centrale demeure : cette stratégie de fermeté contribuera-t-elle à renforcer l’autorité de l’État, ou risque-t-elle au contraire d’accentuer les fractures au sein de la société malienne ?
« Il met au jour un problème systémique, lié aussi bien aux modes de nomination, qu’à la chaîne de responsabilité, ou encore à la faible culture de redevabilité dans l’appareil d’État »
2)-[MAURITANIE]- La Cour des Comptes a fait ses comptes. Et son rapport fait (présentement) couler beaucoup d’encre et de salive à Nouakchott pour ainsi dire en Mauritanie. Quel regard portez-vous sur ce rapport et la gestion des hauts cadres mise en cause ?
Le rapport récemment publié par la Cour des Comptes en Mauritanie suscite de vives réactions parce qu’il met en lumière des dysfonctionnements au cœur même de l’administration publique. Le document pointe des irrégularités financières, des lacunes dans les procédures de contrôle interne, ainsi que des pratiques de gestion qui interrogent la transparence et la reddition des comptes de certains hauts cadres de l’État.
Ce qui frappe d’abord, c’est le décalage entre les règles et les pratiques. Les textes sont clairs, les procédures existent, mais l’application reste souvent sélective, parfois contournée, souvent négligée. Le rapport expose une réalité largement connue mais rarement documentée avec autant de rigueur : la faiblesse des mécanismes de suivi et l’enracinement d’une culture administrative où l’exception devient la norme.
Pourtant, il serait trop simple de réduire ce rapport à une dénonciation des « fautifs » du moment. Il met au jour un problème systémique, lié aussi bien aux modes de nomination, qu’à la chaîne de responsabilité, ou encore à la faible culture de redevabilité dans l’appareil d’État. Dans un système où la loyauté personnelle peut compter davantage que la compétence, la tentation d’utiliser les ressources publiques comme instruments de réseaux n’est jamais loin.
La question qui se pose aujourd’hui est celle de l’après-rapport. Car la publication, en elle-même, ne constitue pas une rupture.
Ce rapport est d’autant plus important qu’il émane d’une institution constitutionnelle dont la mission est précisément d’évaluer l’usage des ressources publiques. Sa publication, en soi, peut être interprétée comme un signal de volonté d’assainissement, ou du moins comme un geste vers davantage de transparence.
L’opinion publique mauritanienne, aujourd’hui très attentive et connectée, attend des résultats. La question n’est donc plus seulement ce que révèle le rapport, mais ce que le gouvernement et la justice décideront d’en faire.
La question qui se pose aujourd’hui est celle de l’après-rapport. Car la publication, en elle-même, ne constitue pas une rupture. La vraie rupture résiderait dans les suites :
Y aura-t-il des sanctions administratives ou judiciaires ?
Les mécanismes de contrôle seront-ils renforcés ?
La transparence deviendra-t-elle une pratique régulière plutôt qu’un geste isolé ?
Sans réponse concrète, ce rapport risque de rejoindre la longue liste des documents qui « font du bruit » avant de disparaître dans le silence d’une mémoire institutionnelle courte.
Cependant, l’opinion publique mauritanienne n’est plus docile. Les réseaux sociaux, les médias indépendants et les cercles citoyens exigent désormais des comptes. Le regard de la société s’est affûté. Ce qui hier était toléré, aujourd’hui se discute, se conteste, se documente.
C’est peut-être là le véritable enjeu : la construction progressive, lente et difficile, d’une citoyenneté exigeante.
« En Guinée-Bissau, comme dans plusieurs États de la région, la démocratie a été importée, mais les institutions qui auraient dû la porter n’ont jamais été solidement construites, comme en Mauritanie.»
3)-[GUINÉE-BISSAU]- Le Président Umaro Sissoco Embalo’ affirme qu’une “tentative de coup d’État” a été déjouée, ce vendredi 31 octobre 2025. Est-ce (vraiment) l’échec de la démocratie à l’africaine ?
L’annonce d’une tentative de coup d’État déjouée en Guinée-Bissau, par le président Umaro Sissoco Embaló, s’inscrit dans un schéma politique récurrent en Afrique de l’Ouest : des institutions fragiles, une armée fragmentée et un pouvoir civil dont la légitimité reste contestée.
Mais une question centrale mérite d’être posée :
Sommes-nous face à l’échec de la démocratie à l’africaine ?
La réponse est plus complexe qu’un simple oui.
Primo : Une démocratie sans institutions n’est qu’un décor politique
En Guinée-Bissau, comme dans plusieurs États de la région, la démocratie a été importée, mais les institutions qui auraient dû la porter n’ont jamais été solidement construites, comme en Mauritanie.
Résultat :
Les élections remplacent les transitions, mais ne produisent pas un État.
Les constitutions sont écrites, mais rarement respectées.
Les armées ne sont pas totalement républicaines : elles restent liées à des groupes, des clans ou des intérêts économiques.
On appelle cela une démocratie sans colonne vertébrale.
Secundo : Le militaire reste arbitre du pouvoir et des institutions qui sont ses démembrements
En Guinée-Bissau, l’armée reste le vrai centre de gravité du politique depuis des décennies.
Elle n’a jamais été entièrement soumise au pouvoir civil, ni réformée en profondeur un peu comme le cas de la Mauritanie ; Chaque président y gouverne avec l’ombre de la caserne derrière lui. Tant que l’armée peut faire et défaire les dirigeants, la démocratie reste en suspens, jamais consolidée.
Tertio. La crise est structurelle
Ce que l’on observe aujourd’hui n’est pas un événement isolé. Il s’inscrit dans une dynamique régionale :
Mali
Burkina Faso
Guinée
Niger
Sierra Leone (tentative)
Sénégal (crise institutionnelle récente)
Côte d’Ivoire (tensions de succession)
Mauritanie (blocages démocratiques persistants)
Cette région est en train de reconfigurer les formes de pouvoir : autoritarisme assumé, militarisation du politique, fatigue démocratique des populations. Les peuples ne croient plus aux promesses démocratiques qui n’améliorent ni leur sécurité, ni leur quotidien.
Quarto : L’échec est plutôt élitiste
Il ne s’agit pas de dire que “la démocratie ne marche pas en Afrique”. Ce discours est simpliste et dangereux. Ce qui échoue, ce n’est pas la démocratie, mais plutôt ce sont les élites qui l’ont confisquée.
C’est la mauvaise foi de ceux qui prétendent la gouverner. C’est là que tout se joue, et c’est là que, pour l’instant, le travail reste inachevé.
La tentative de coup d’État annoncée en Guinée-Bissau n’est donc pas un accident de l’histoire : c’est le rappel violent d’une construction démocratique interrompue.
Au finish, nous allons assister à la fin du mois, à l’élection Présidentielle, est-ce, un prétexte pour le Président Embalo’ et son clan de rester et confisquer le pouvoir ? nous espérons que la réalité qui sortira des urnes sera respectée par les institutions aux bénéfices du peuple.
Rédaction de Farafinainfo.com
Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat




