Dr. M.M Diakité : « Un État faible et corrompu ne peut garantir l’unité d’une grande nation. Tôt ou tard, elle finira par… »
REGARD D’UN UNIVERSITAIRE-ÉCRIVAIN. Dr. Mory Mandiana Diakité – écrivain et enseignant-chercheur à l’ISFAD (Institut Supérieur de Formation à Distance) de son état – se prête aux Questions de Farafinainfo.com et pose son regard éclairé sur les trois faits marquants de l’actualité africaine de la semaine écoulée allant du lundi 17 novembre au 23 novembre 2025 en Guinée, en Afrique et dans le Monde pour permettre aux lecteu.rices de notre panafricain d’informations générales de mieux comprendre l’actu de notre continent [ACTU DE LA SEMAINE EN 3 QUESTIONS].
Dr. Mory Mandiana Diakité, Universitaire – écrivain
« Je l’ai dit par le passé à cette même tribune de l’actualité de la semaine en trois (3) questions, que la RDC se trouve dans une situation où la viande est fibreuse, le couteau n’est pas tranchant. »
1-[RD CONGO]- Le gouvernement congolais consacrera près d’un tiers de son budget 2026 à la défense et à la sécurité, soit une hausse de 25% allouée au secteur de la défense. Ce qui n’est pas une nouveauté, car «la défense, la sécurité publique et la justice représentaient déjà 13,12% du budget 2025 », renseigne RFI. Ce qui n’est que normal pour la République Démocratique du Congo qui a (vraiment) du mal à assurer la sécurité de son vaste territoire, n’est-ce pas ?

Effectivement, une augmentation du budget alloué à la défense à hauteur de 30% a été annoncée par la Première Ministre devant les députés réunis en session ordinaire. Pour rappel, dans l’exercice des dépenses budgétaires de l’année passée, la défense, la sécurité publique et la justice représentaient déjà 13,12 % du budget 2025, soit une hausse de 25 %. À en croire aux autorités de ce pays, il ne devrait pas y avoir de grands changements dans l’équilibre du budget. Elles prennent l’exemple de l’année précédente, même si elles reconnaissent des dépassements liés aux dépenses exceptionnelles de sécurité. Mais elles affirment que cette hausse a été en partie compensée grâce à la réduction du train de vie de l’État et au recouvrement des recettes internes. Une position confirmée par le FMI.
Je l’ai dit par le passé à cette même tribune de l’actualité de la semaine en trois (3) questions, que la RDC se trouve dans une situation où la viande est fibreuse, le couteau n’est pas tranchant. Les nations fortes ont été bâties par des hommes forts. Cela a été toujours ainsi. On ne peut pas construire une nation forte dans la démocratie, surtout une nation comme la RDC qui est immensément dotée de ressources fabuleuses dont les terres rares. Il faut un homme fort, intelligent et visionnaire pour pouvoir l’unifier et mettre les jalons pour une paix durable. Imaginez que la Russie soit un État fragile, mais elle se serait fragmentée en plusieurs minuscules États depuis. La vie, qu’elle soit sauvage ou humaine, est régie par la loi du plus fort. Comme l’a dit l’autre : pour être respecté et écouté dans cette vie, il faut être puissant. Soit on est proie, soit on est prédateur. À la différence des animaux, les humains pratiquent intelligemment la prédation. C’est une question de vie ou de mort. Le bonheur de certains provient du malheur des autres. En résumé, je ne crois pas qu’une nouvelle augmentation des dépenses en faveur de la défense permettra à la RDC de reconquérir les territoires perdus et de ramener la paix sitôt. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. C’est autant dire que les mêmes acteurs poseront toujours les mêmes actes.
« Mais cette razzia digne de l’époque préislamique est extrêmement affligeante. La paix au Nigeria demeure fragile, … »
2-[NIGERIA]- 227 élèves et enseignants ont été enlevés dans une école catholique du centre du Nigeria, vendredi 21 novembre, a déclaré dans la soirée l’Association des chrétiens du Nigeria (CAN). « D’après nos informations, 215 élèves et étudiants et 12 enseignants ont été enlevés par les terroristes », dans cette école située dans l’État du Niger, a déclaré la CAN dans un communiqué, à la suite à la visite à l’école du président de l’association pour l’État du Niger, Bulus Dauwa Yohanna. Quel regard portez-vous sur cet imbroglio politico-religieux-terroriste ?

L’enlèvement de 315 élèves et enseignants dans une école catholique vendredi 21 novembre 2025, dans le centre du pays, est simplement scandaleux. Cet enlèvement rappelle celui de Chibok où près de 300 jeunes filles furent enlevées par les jihadistes de Boko Haram, dans l’État de Borno (nord-est), il y a plus de 10 ans. Certaines d’entre elles sont toujours portées disparues. Mais cette razzia digne de l’époque préislamique est extrêmement affligeante. La paix au Nigeria demeure fragile, d’autant plus qu’il est confronté à des groupes séparatistes violents depuis des décennies, notamment le Boko Haram. Des contrées entières de grand pays échappent complètement au contrôle de l’État central dont les populations sont à la seule merci des djihadistes sauvages de Boko Haram. Mais si le Nigeria ne fait pas attention il risque d’hériter le même sort que la RDC. Un État faible et corrompu ne peut garantir l’unité d’une grande nation. Tôt ou tard, elle finira par se fragmenter en des minuscules États suivant la teneur en terres rares. La paix et le développement de l’Afrique sont une menace pour le bien-être pour les pays occidentaux, qui sont aux aguets pour s’ingérer dans les affaires internes des autres suivant leurs intérêts. Ce que les dirigeants de ces pays connaissent, c’est l’intérêt. C’est ce que beaucoup d’intellectuels africains peinent à comprendre encore. Les pays Arabes, parfois des petits États monarques, n’ont que le pétrole comme ressource naturelle, mais ils sont tous bien développés et prospères. Et ceux de l’Afrique noire ? Ils vivent tous dans la mendicité en dépit d’immense ressources naturelles qu’ils regorgent ! C’est simplement regrettable. Je finis par rappeler la sortie du Président américain, Donald Trump, au cours de laquelle il a menacé d’intervenir militairement pour protéger les chrétiens de ce pays. Ce que le Président Trump ignore, c’est que les victimes de la rébellion Boko Haram sont majoritairement de la confession religieuse. Donc, il ne doit pas envahir le Nigeria au nom de la religion chrétienne. C’est un prétexte fallacieux, les raisons doivent-être ailleurs. S’il met en exécution sa menace, il ne le fera pas par amour pour les chrétiens, plutôt pour l’intérêt des américains.
« … la justice a été toujours instrumentalisée à des fins politiques par les pouvoirs en place pour mettre à l’écart les adversaires ou potentiels candidats notamment à l’élection présidentielle. »
3-[GABON]- Sylvia et Noureddin Bongo condamnés à vingt ans de prison au terme d’un procès expéditif à la chinoise. L’épouse et le fis de l’ancien Président gabonais Ali Bongo Ondimba ont été reconnus coupables de plusieurs délits financiers. Ces derniers dénoncent l’instrumentalisation de la justice par l’actuel Chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema. Qu’en pensez-vous ?

Sylvia et Noureddin Bongo ont été effectivement condamnés à une lourde peine et au payement d’une amende de 100 millions de francs CFA (152 000 euros) pour plusieurs délits financiers, au terme d’un procès jugé par nombreux observateurs comme expéditif. Au cours de ce procès, le procureur général, Eddy Minang, a dénoncé un « braquage de la République » et un enrichissement personnel profitant de l’état de santé d’Ali Bongo, victime d’un AVC en 2018. Au titre des préjudices moral et financier subis par l’État gabonais constitué partie civile, la justice a également condamné Noureddin Bongo et sa mère à payer 3,35 milliards d’euros. En réaction à leur condamnation, les deux mis en cause se disent ne pas être surpris du verdict et accusent la justice d’être aux ordres de l’exécutif.
Pour ma part, cette condamnation par contumace des membres de la famille Bongo semble être politiquement motivée juste pour les empêcher de revenir éventuellement sur l’arène politique. Historiquement, dans les pays francophones notamment, la justice a été toujours instrumentalisée à des fins politiques par les pouvoirs en place pour mettre à l’écart les adversaires ou potentiels candidats notamment à l’élection présidentielle. Elle n’est pas utilisée pour renforcer la transparence dans la gestion du denier public, mais pour servir les intérêts des plus forts. Cela ne veut pas dire autant que les deux personnes accusées de détournement dans ce procès sont innocentes. Le système de gouvernance en Afrique est fondé sur la corruption et le détournement des fonds. Le courage et l’honnêteté sont toujours mal récompensés, si fait que chacun accepte de faire le jeu pour se plaire au président en exercice, quitte à sacrifier les citoyens, voire la nation.
Rédaction de Farafinainfo.com
Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat

