Sénégal : Et si nous associons la police et la gendarmerie dans le processus de grâce des condamnés !
Le Sénégal est meurtri par cette affaire d’agression mortelle d’une étudiante par un malfaiteur gracié à la veille de la fête de Korité. Malheureusement, même si cette affaire est douloureuse, des cas similaires sont légion.
Très souvent, après des grâces de masse, on se rend compte que des énergumènes qui ne devaient pas bénéficier de cette magnanimité présidentielle, sont laissés libres, au grand dam des populations. Ils sont souvent des trafiquants de drogue, de médicaments, des gens ayant commis des crimes de sang, des agresseurs notoirement connus…. Conséquence : les forces de défense et de sécurité vous le diront, et les statistiques le démontrent, après chaque grâce de masse, la criminalité augmente, les infractions comme les vols simples et agressions (vols avec violence) grimpent.
Nous le savons tous, le droit de grâce appartient au président de la République (article 47 de la Constitution). Il fait partie de ses pouvoirs discrétionnaires. Aucun texte ne l’encadre. La décision de gracier un condamné n’a pas besoin d’être motivée et n’est pas publiée au journal officiel. Elle est irréversible et n’est susceptible d’aucun recours. Mieux, il n’y a aucune exclusion d’ordre légal. Il n’y a nulle part où il est dit au président de la République que vous ne pouvez pas gracier un criminel, un délinquant à col blanc, un dealer de drogue, un trafiquant de médicaments, un voleur de bétail, un violeur, un agresseur… Le bénéficiaire doit juste faire l’objet d’une condamnation définitive.
Le président de la République peut même se baser sur des considérations qui lui sont propres sans lien avec l’affaire qui a conduit la personne en prison. Ce qui fait que le droit de grâce présidentielle peut même être utilisé par le président de la République comme une arme politique, soit pour faire un chantage à des opposants ou pour s’attirer des retombées politiques.
On le sait tous, il est de coutume au Sénégal que des grâces de masse soient faites à la veille de la fête de l’indépendance (le 3 avril), à la fin de l’année (le 31 décembre), lors des fêtes de Korité et de Tabaski. L’objectif, dit-on, est de désengorger les 37 prisons du Sénégal qui souffrent de vétusté et de surpopulation, mais aussi de donner une autre chance à des personnes qui sont en marge de la loi.
Ce qui peut être une bonne chose, mais pas si c’est au détriment de l’ordre public, des populations. Les personnes qui doivent bénéficier de ces grâces doivent donc être minutieusement choisies. L’implication de la police et de la gendarmerie dans le processus de choix des personnes à gracier nous semble bénéfique pour éviter ces cas récurrents de récidive.
La pratique pour les grâces de masse c’est que les listes sont confectionnées par les Directeurs des 37 prisons que compte le pays et sont envoyés à la Direction de l’administration pénitentiaire. C’est sur la base des propositions des directeurs des établissements pénitentiaires qu’une liste est confectionnée et envoyée à la Direction des affaires criminelles et des grâces, un service du ministère de la Justice. Les vérifications idoines doivent se faire à ce niveau avant que les propositions ne soient transmises au secrétariat de la Présidence pour la préparation du décret de grâce.
Nulle part, la police et la gendarmerie ne sont associées dans le processus alors qu’elles sont les entités qui connaissent les mieux les délinquants pour les avoir traqués pendant des semaines, des mois voire des années avant de les mettre hors d’état de nuire. Si les personnes arrêtées sont graciées, ce sont également la gendarmerie et la police, dont le travail consiste à veiller sur la sécurité des personnes et de leurs biens, qui doivent descendre à nouveau sur le terrain pour les traquer au cas où elles récidivent. Cette tâche n’est dévolue ni à l’administration pénitentiaire, ni aux autorités judiciaires. Il est donc utile, à mon humble avis, d’associer la police et la gendarmerie dans le processus de choix des personnes à gracier. Ne serait-ce qu’à titre consultatif !
Daouda Mine