Chahreddine Berriah, Journaliste: « … mais dans des Etats dictateurs, le journaliste a peur, il est censuré, il s’auto-censure … »
DOSSIER – Presse Africaine – Chahreddine Berriah, journaliste -écrivain & chef de la Rédaction régionale d’El Watan à Tlemcen (Ouest algérien) – Une signature redoutée par les uns et adulée par les autres. Rencontre avec un journaliste, et pas des moindres. Il a six condamnations à son actif…
Présentez-vous aux lecteurs de Farafinainfo.com ?
Je m’appelle Chahreddine Berriah, journaliste, chef de la Rédaction régionale d’El Watan à Tlemcen (Ouest algérien) et auteur de deux romans « Itinéraires interdits » et « Le réveil des corbeaux» (édités en France).
Comment êtes-vous devenu journaliste ?
Je suis diplômé en littérature française. J’ai commencé par enseigner le français dans un collègue, tout en collaborant avec un journal national. El Watan m’a proposé de me joindre à son équipe en qualité de journaliste permanent en 1992. Ce que j’ai fait, après ma démission du ministère de l’éducation. J’ai été promu chef de rédaction régional en 1999.
Est-ce facile d’être journaliste en Algérie ?
Le métier de journaliste n’est jamais facile, encore plus en Algérie, surtout depuis le règne de Bouteflika. Période où la mafia politico-financière est née. Je collectionne six condamnations liées à mes articles sur la gestion d’un régime dictateur. Je n’ai pas fait de prison, mais les condamnations pour « diffamation », selon le pouvoir sont toujours sur mon casier judiciaire. Aujourd’hui, des confrères sont emprisonnés pour leurs écrits.
Quel regard portez-vous sur la presse en Afrique vous qui voyagez beaucoup dans les pays africains ?
La presse en Afrique, à partir de quelques journaux que j’ai la chance de lire, notamment en Afrique du nord, a encore du chemin à faire. On est loin des enquêtes et de l’investigation dans des pays que tout journal qui se respecte est appelé à réaliser. Ce n’est pas par manque de professionnalisme, mais dans des Etats dictateurs, le journaliste a peur, il est censuré, il s’auto-censure… en général, les patrons de presse courent après l’argent plus qu’après l’information.
Quel est le secret du dynamisme de la presse écrite algérienne ?
Le secret du dynamisme algérien se résume de l’esprit de l’Algérien : la rébellion née de sa révolution contre le colonisateur français, notamment. Le peuple algérien a traversé une longue période où il était sous le joug d’un régime militaire. En 1988, il y a eu une ouverture, date où la presse libre est née. Après 26 ans de parti unique, l’Algérien s’est libéré. A partir de 1992, l’Algérien vit la décennie noire (le terrorisme) où la presse a joué un grand rôle militant, de résistance. Bouteflika est arrivé, la lutte contre le régime dictatorial a continué…
Des quotidiens algérois tirent plus de 100.000 exemplaires tous les jours et même quotidien oranais en fait autant. Seul L’Observateur (Groupe Futurs Médias) tirait à 100.000 exemplaires en Afrique de l’Ouest francophone. Comment pouvez-vous expliquer cela ?
En Algérien, il y a des journaux qui tiraient à 800.000 exemplaires (Echourouk (l’Aube) et Ennahar (Le jour) en arabe. Les tirages ont baissé entre temps. El Watan tirait à 150.000 exemplaires, avec 32 pages. Aujourd’hui, nous sommes à 100 000. Tout simplement, les Algériens sont de grands lecteurs. Une moyenne de trois quotidiens et un hebdomadaire par Algérien.
Quelle est la journée type du Chef de bureau d’El Watan à Oran ?
La journée d’un responsable régional est : il rentre à sa Rédaction à 10h, prépare son menu pour l’édition de demain, dispatche le travail à ses collègues, certains sont déjà sur le terrain, car leur programme a été établi la veille. Il règle des problèmes administratifs, accueille les invités, des interviewés, va sur le terrain, puisqu’il est journaliste aussi. Retour au bureau l’après-midi pour la rédaction si c’est urgent, prends connaissance des productions de ses collègues rentrés du terrain etc… En suite montage des pages. Fermeture de sa Rédaction vers 17h.
La presse algéroise est-elle différente de celle d’Oran ?
La presse régionale est différente de celle d’Alger parce qu’elle s’occupe de l’information de proximité. Celle d’Alger est plutôt centrée sur l’actualité politique. Mais nos journalistes de la région contribue efficacement et en abondance dans les rubriques centrales (culture, économie, sports…)
Interview réalisée par Camara Mamady