Peine de travail d’intérêt général : cette sanction pourrait-elle être infligée à tous les condamnés ?
Dans une sortie en date du 16 décembre 2022, le Ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Monsieur Charles Wright puis qu’il s’agit bel et bien de lui, a affirmé à la maison centrale, je cite : « Toutes les personnes condamnées vont aller travailler dans les champs. »
Depuis cette sortie du Garde des Sceaux, nombreux sont ceux qui continuent de penser que les travaux forcés sans rémunération existent encore dans les textes guinéens. Pourtant, les dispositions se rapportant à cette peine ont été réaménagées dans le nouveau Code pénal guinéen.
En effet, qualifiée de peines corporelles d’esclavage et de travail par nombre de personnes, la peine de détention assortie de travail obligatoire a été réaménagée dans le nouveau Code pénal guinéen. Au lieu de détention assortie de travail obligatoire ou forcé aujourd’hui, c’est plutôt la peine assortie de travail d’intérêt général (TIG).
La question qui fréquente les esprits de plus d’un guinéen depuis cette sortie du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, est celle de savoir si tous les condamnés pourraient être astreints au régime de TIG ? Que prévoient les dispositions du nouveau Code guinéen en la matière ?
L’article 43 du nouveau Code guinéen dispose à cet effet : « Lorsqu’une juridiction prononce contre une personne reconnue coupable d’un délit, une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 1 an, elle peut, suite à la fixation de ladite peine, ordonner que le condamné, au lieu de l’exécuter, accomplira, pour une durée de 200 heures soit 25 jours à 240 heures, soit 30 jours, un travail d’intérêt général non rémunéré au profit d’une personne morale de droit public ou d’une association habilitée à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général. »
Plus loin, l’article 44 du même Code dispose : « La peine de travail d’intérêt général ne peut être prononcée contre le prévenu si celui-ci manifeste son refus ou n’est pas présent à l’audience. Le droit de refuser est rappelé à l’intéressé, après la déclaration de culpabilité et la fixation de la peine ferme. La réponse à la question posée en vertu du présent article est consignée au plumitif d’audience. »
L’article 45 renchérit en ces termes : « La peine de travail d’intérêt général est choisie sur une liste de travaux d’intérêt général dressée par délibération de l’organe compétent de la collectivité territoriale décentralisée du ressort de la juridiction compétente. La liste des travaux d’intérêt général est déposée au greffe des juridictions compétentes en matière répressive au début de chaque année judiciaire et affichée aux portes des Palais de Justice, des immeubles sièges des collectivités territoriales décentralisées et des maisons communes. »
L’article 46, quant à lui, dispose : « La juridiction qui prononce la peine de travail d’intérêt général fixe le délai pendant lequel le travail d’intérêt général doit être accompli dans la limite de 18 mois. Le délai prend fin dès l’accomplissement de la totalité du travail d’intérêt général ; il peut être suspendu provisoirement pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social. Ce délai est 32 suspendu pendant le temps où le condamné est placé en détention provisoire, exécute une peine privative de liberté ou accomplit les obligations du service national.
Toutefois, le travail d’intérêt général peut être exécuté en même temps qu’un placement à l’extérieur ou qu’une semi-liberté.
Les modalités d’exécution de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général et la suspension du délai prévu à l’alinéa précédent sont décidées par le juge de l’application des peines dans le ressort duquel le condamné a sa résidence habituelle ou, s’il n’a pas en Guinée sa résidence habituelle, par le juge de l’application des peines du tribunal qui a statué en première instance.
Au cours du délai prévu par le présent article, le condamné doit satisfaire aux mesures de contrôle déterminées par l’article 139. »
A travers les dispositions susvisées du Code pénal, on se rend bel et bien compte que la peine assortie de TIG n’est applicable qu’aux condamnés dont les peines d’emprisonnement sont inférieures ou égales à 1 an.
Plus important encore, il faut préciser qu’aussi fort soit un ministre de la justice, il ne peut avoir le pouvoir ni la qualité qui lui permettent d’astreindre des condamnés à des peines assorties de TIG. Cela relève exclusivement des domaines de compétence du juge.
Sayon MARA, Juriste