La République de Guinée, un pays minier avéré, impose à ses décideurs publics, l’entière responsabilité de la gestion du patrimoine minier. Il est une évidence que toutes les démarches doivent s’imprégner des multiples interactions liées à l’exploitation et à l’investissement miniers. Les cas d’école foisonnent, les expériences de gestion réussie ou chaotique ne sont pas non plus des chimères. Tous ces éléments outillent en principe nos décideurs pour une organisation d’envergure de tous les investissements miniers et autres sur le sol guinéen.
Le récent cas de Siguiri n’est pas une fatalité et ne doit pas s’inscrire dans une banalité insolente. Chaque situation de crise a une matrice de solutions et d’approches appropriées.
Surtout que nous amorçons un tournant décisif dans l’histoire politique de notre République. Ne laissons pas les faits d’ego piétiner le pragmatisme ultime en la matière dans le dénouement d’une crise.
Les violences enregistrées il y a quelques années à KOLABOUI ont laissé des marques. Un fait à noter, le problème n’a pas été résolu mais il a été seulement déplacé. Cette pratique dans la résolution des problèmes en Guinée est très prisée par les pouvoirs. Rappelons-nous de cette expression « prendre le taureau par les cornes ».
La gestion incongrue d’une crise peut engendrer d’autres phénomènes de violence avec des ramifications complexes, insaisissables et contagieuses.
La proactivité du pouvoir public au travers ses démembrements s’inscrit dans une matrice de décision pour mieux cerner la situation délétère via une lecture de déclenchement de la crise.
La crise peut être déclenchée par :
La suspicion de mauvaise gouvernance ou une exploitation étrangère abusive
Les impacts environnementaux (pollution, déforestation, dégradation exponentielle)
Les contestations communautaires (foncier, emplois locaux, indemnisations)
Les problèmes sécuritaires ou sociaux.
L’action immédiate nécessaire est d’identifier la nature exacte du problème, ses acteurs, son niveau de gravité, et son potentiel engrenage.
Par la suite, procéder à la mise en place d’une Cellule de Crise qui facilitera la création d’une équipe restreinte et mandatée avec des pouvoirs décisionnels précis.
Cette cellule composée des autorités préfectorales, les représentants du ministère des Mines, les Chefs communautaires (reconnus et légitimes), les représentants des jeunes et femmes, les directions des entreprises minières concernées, les spécialistes confirmés en environnement, les forces de sécurité (en observateurs, non en première ligne) avec un mandat structuré.
Ainsi une coordination des actions, une évaluation des risques, permettront de décider rapidement et communiquer officiellement sur la marche à suivre.
D’autant plus qu’une analyse sociocommunautaire va s’imposer en formulant les interrogations ci-après :
Quelles sont les revendications ? Sont-elles fondées ? Qui influence réellement la population ? Y a-t-il une manipulation politique ? Y a-t-il une faute réelle des entreprises ? Quel est l’impact environnemental mesurable ? Quel est le niveau de tension sur le terrain ? Y a-t-il un risque d’affrontement / sabotage ? Le respect des cahiers des charges miniers est-il suivi et les indicateurs sont mesurables ? Le respect des engagements envers l’État et la communauté est-il appliqué ? la dégradation de l’environnementale est-elle observable, tolérable ?
Les actions urgentes de stabilisation visant à stopper l’escalade intègrent les composantes suivantes :
Une communication transparente et continue
Une médiation communautaire
Une suspension temporaire d’une opération controversée (si nécessaire)
Un déploiement d’une équipe d’enquête indépendante.
La mise en place d’un Dialogue Structuré avec un contenu pertinent, un cadre formel de négociation sur les accès équitables aux emplois locaux, la compensation ou la révision des indemnisations, le financement des infrastructures locales, la transparence sur les fonds de développement communautaire, un engagement sur les normes environnementales, le renforcement de la surveillance communautaire des impacts.
Toutes ces démarches doivent être consolidées par l’élaboration d’un plan d’action de sortie de crise ; ce plan doit être clair, chiffré, suivi et public avec à la clé : des actions sociales (écoles, santé, eau, électricité) ; un programme d’emplois locaux, un audit environnemental plus des mesures correctives, une évaluation des compensations foncières, la mise en place d’un Comité Local de Suivi (CLS), le renforcement de la transparence (conférences, rapports publics), un schéma rigoureux de l’exploitation de chaque site.
Pour tonifier les actions prises, un suivi et un contrôle sont incontournables. Et les outils recommandés dans un tel contexte portent sur :
Un tableau de bord mensuel, des indicateurs de progrès (% d’engagements réalisés, le niveau de tension communautaire, les incidents / sabotage, l’avancement des investissements sociaux), la protection de l’environnement, les plans de reboisement bien défini et appliqué, la tenue des réunions mensuelles du comité local.
Une fois les engagements respectés, un rapport final partagé publiquement, une cérémonie symbolique de réconciliation (selon la culture locale), un passage officiel du statut “crise” à “partenariat durable”.
Une forte action de prévention afin d’éviter la réapparition de nouvelles crises en s’appuyant sur la création d’un mécanisme local de gestion des plaintes, d’une plateforme de concertation régulière, des audits annuels transparents, d’un budget de développement communautaire avec une grille de gestion partagée (action structurée et ciblée de l’ANAFIC), d’un plan de communication préventif.
Doussou Mohamed KEITA
Économiste/cadre d’entreprise
