Pendant que l’élection présidentielle du 18 Octobre prochain polarise l’attention, des Guinéens ne trouvent pas mieux à faire que de nous attabler autour d’un débat déjà clos.
Dans un style rédactionnel plus évasif que juridique, l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, membre d’un Front apathique depuis les élections couplées (législatives et référendaire) du 22 Mars passé, affirme dans un article libellé:« la non-rétroactivité de la loi nouvelle et la limitation du nombre de mandat présidentiel », je cite :« …les juristes qui s’appuient sur la notion de non-rétroactivité de la loi nouvelle pour appuyer leur idée saugrenue de “compteurs remis à zéro” doivent avoir le courage pour ne pas dire l’honnêteté de reconnaître que la règle de la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux n’est pas nouvelle. Elle figure en bonne place dans la Constitution de 2010. Dès lors, on ne peut plus parler de non-rétroactivité de la loi nouvelle puisqu’il n’existe pas justement de loi nouvelle… »
Cette réflexion anachronique, à coloration purement politique, en plus du fait qu’elle souffre d’un manque notoire d’objectivité, est délibérément faite par son auteur dans le dessein de détourner l’attention des guinéens de l’essentiel.
Mais, concrètement, que peut-on désirer de la « thérapie juridique » d’un partisan ?
La question de loi nouvelle ne souffre d’aucune ambiguïté pour la simple raison que :
1-la Constitution du 22 Mars 2020, contrairement à celle de 2010, a été adoptée par référendum.
2-l’article 27 de l’ancienne Constitution visé par cette sortie, a subi une mutation nette: du quinquennat on est passé au sixtennat.
3-les procédures d’adoption, les compétences des Hautes personnalités, leurs modes de désignation, le régime des libertés ont aussi connu de profonds amendements en introduisant fondamentalement le droit à l’environnement.
4-l’ancienne Constitution ou la Constitution de 2010 a été abrogée. Dès lors que la Constitution du 22 Mars 2020 ne fait aucune référence à celle du 7 Mai 2010, peut-on parler de la même Constitution ou de sa continuité ?
Ces éléments de réponse suffisent largement pour réaliser que le texte en vigueur est bel et bien une loi nouvelle.
En outre, il affirme, je cite : « …Si le Pouvoir veut faire un forcing pour obtenir un troisième voire un énième mandat, il peut bien le faire puisqu’il dispose de toutes les ressources nécessaires (argent, forces de défense et de sécurité) pour arriver à ses fins. »
Objection ! Le pouvoir ne fait aucunement un forcing. L’abrogation de la Constitution de 2010 remet le compteur à zéro et donne la possibilité au Président sortant, après ses deux mandats, de revenir comme en Russie.
D’ailleurs, avez-vous les preuves de vos allégations ?
Plus loin, il ajoute :« ….Sur le plan politique en particulier, toutes les fois qu’un président en fonction voudrait désormais éluder la règle de la limitation du nombre de mandats, il pourrait se faire “tailler” un texte qu’il appellera ” nouvelle constitution” pour invoquer par la suite la règle de non- rétroactivité de la loi nouvelle. »
Maître, se faire ’’tailler ‘’un texte dans l’optique de s’agripper au pouvoir sera très difficile pour un Président dorénavant.
Nul besoin ici de vous rappeler que la Constitution de 2010, souffrait d’un manque de légitimité du fait de sa non émanation du Peuple. Ce qui du coup donnait au Président élu, l’opportunité de proposer une nouvelle Constitution, conforment à l’accord de sortie de crise conclu le 15 Janvier 2010 à Ouaga, à laquelle toutes les sensibilités du Pays se reconnaîtront. C’est à cet exercice que s’est attelé le Président de la République, le Professeur Alpha Condé le 22 Mars passé.
À vrai dire, à partir du moment où le Pays est doté d’une Constitution émanant du vaillant Peuple de Guinée, il sera très difficile pour les Présidents qui viendront après l’actuel locataire de Sèkhoutouréyade remettre en cause la question de limitation du nombre de mandat.
Par contre, s’agissant de la non rétroactivité de la loi, je partage pleinement votre point de vue, car la loi c’est pour l’avenir. Mais cela n’a rien à avoir avec une quelconque possibilité ou pas du Président de la République de briguer un autre mandat.
Sayon MARA