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Reporter, témoin des faits

Adresse à la Nation du Président IBK (texte & vidéo)

Maliennes, Maliens,
Respectés hôtes du Mali,

Comme moi, vous avez tous noté les actes de contestation portés par une partie de nos compatriotes depuis le mois de juin dernier. Ils expriment sans doute une certaine vitalité démocratique. Mais, ils ne sont pas sans conséquences sur le moral et l’image d’un pays comme le nôtre qui doit, pour sa survie, satisfaire à trois exigences : d’abord reconquérir l’intégralité de notre territoire en éradiquant l’insécurité et le sinistre projet de transformer le Mali en califat ; ensuite vaincre la pandémie de la COVID 19 au double plan de la réponse sanitaire et de la résilience économique ; enfin poursuivre les tâches de développement en droite ligne du projet d’émergence nationale qui n’a jamais cessé d’être ma préoccupation.

Je sais également, chers compatriotes, les angoisses engendrées par la situation. De chacune de vous, de chacun de vous, je mesure les tourments. Ils sont du reste naturels car ils disent le souci de ce cher pays, ce pays que nous avons en partage et qui attache le plus grand prix au bon voisinage et au compromis pour que soit préservée la paix sociale.

Et c’est pour cette paix sociale, convaincu que nous avons du ressort pour rebondir à chaque crise, que dans mes précédentes adresses, j’ai tenu à signifier que j’ai entendu les colères et les interrogations qui sont les causes sous-jacentes de la crise actuelle. Et c’est pourquoi, sans hésiter davantage et ce malgré le coût financier de la mesure et ses possibles effets-domino, j’ai instruit l’application immédiate pleine et entière de l’article 39. Pour les classes concernées, nos enfants ont repris le chemin de l’école. Je rends grâce au corps enseignant et aux parents d’élèves pour leur diligence, leur disponibilité et leur esprit patriotique.

Entendre et soutenir les Maliennes et les Maliens, ceux majoritaires qui dépendent du secteur informel, de même que les couches les plus vulnérables de la population, telle est aussi la raison pour laquelle, le gouvernement a mis fin au couvre-feu décrété au mois de mars dans le but de limiter la circulation du coronavirus dont les dégâts dans le monde ne sont plus cachés à personne.

Je ne m’étendrai pas sur les mesures sociales mises en œuvre, au niveau national, pour atténuer l’impact socioéconomique de la pandémie.

Mes chers compatriotes,

Parce que mon objectif est de ne pas ajouter une crise politique aux graves urgences sanitaires et économiques que nous vivons, et parce que c’est dans mes obligations d’écouter et de comprendre les Maliens, que je poursuis, depuis plusieurs semaines, les consultations avec les forces vives du pays.
Mieux, j’ai proposé, voici maintenant deux semaines, un gouvernement d’union nationale ouvert à toutes les sensibilités, majorité, opposition, société civile. Car je demeure convaincu que c’est au Mali qu’on donne ainsi la chance de bénéficier de l’accompagnement et de l’expertise de toutes les parties.

C’est ici le lieu et le moment de vous informer que ma décision de renouveler ma confiance en le Premier ministre, Dr Boubou CISSE, le 12 juin dernier, s’est fondée sur notre lecture partagée des préoccupations du pays, de ses priorités ainsi que de la stratégie requise par les enjeux du moment, en un temps de turbulences.

Nous nous sommes mis d’accord, le Chef du Gouvernement et moi-même, sur la nécessité de concevoir et de proposer un Accord Politique de Rassemblement National qui s’attellera à la mise en œuvre diligente et mesurable des recommandations du Dialogue National Inclusif. Donc de cet autre grand moment qui a été salué au-dedans comme au dehors comme une totale réussite et qui a rassemblé les Maliens des communes et des cercles, des régions et du District, de tous les segments et de toutes sensibilités.

Cet Accord qui ira jusqu’en 2023, reposera sur les idées-forces suivantes :
– Première idée-force : pacifier et sécuriser le pays dans toute son étendue, afin que nos producteurs ruraux puissent s’adonner à leurs activités, que les échanges interrégionaux puissent redevenir fluides, que les communautés retrouvent le légendaire vivre ensemble qui a fait la réputation de notre pays. Le travail de pacification et de sécurisation sera de longue haleine. Mais il s’agit de ne plus concéder un pouce de notre territoire, de faire reculer l’ennemi et de faire en sorte que le Mali en particulier et le Sahel en général ne soient pas le nouveau sanctuaire mondial de l’extrémisme violent. Il est alors indispensable de s’attaquer résolument à la dissolution de toutes les milices d’auto-défense, de porter à son point d’achèvement le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion et enfin d’accélérer le retour effectif de l’Etat dans les régions Centre et Nord.
Deuxième idée-force : entreprendre les réformes institutionnelles convenues et ce dans un délai de 12 mois, afin de mettre en adéquation les demandes de notre peuple et les engagements du gouvernement, et nous doter de textes appropriés en capitalisant sur trente ans de vécu institutionnel.
– Troisième idée-force : opérationnaliser les régions qui ne le sont pas encore. Ce travail a pris du retard mais il ne saurait continuellement en accuser sans remettre en cause un des fondements de notre stratégie de développement, à savoir la régionalisation, par une décentralisation poussée, voire irréversible, et cela en ancrant les agences de développement où la décision de contrôler leur devenir est laissée aux populations à la base.
– Quatrième idée-force : veiller à une saine distribution de la justice. Et cela dans toutes les juridictions et à tous les échelons administratifs du pays. Nous savons que ce pays crie depuis longtemps sa soif de justice.

Nous savons que la paix est précaire et volatile sans la justice. Et nous savons hélas que l’engouement des populations pour la justice expéditive des pseudo-djihadistes s’explique par le rejet de la justice d’Etat avec les tares qui lui sont connues dont la corruption et la durée des procédures. Cela devra donc recevoir les réponses appropriées.

Maliennes et Maliens,
Hôtes du Mali,

Chaque crise offre une opportunité de rebondir positivement. Celle que nous vivons n’échappe à cette règle.
En écoutant les uns et les autres, en examinant les griefs et en analysant la profondeur des ressentiments, le Chef de l’Etat que je suis, ne pouvait pas rester sourd et inactif.

J’aurais tout fait pour trouver les compromis auxquels chacun est appelé à faire un peu de concession pour sauver l’essentiel.
Mais à l’impossible nul n’est tenu, surtout lorsque la paix sociale est mise en danger et exige que j’intervienne, en tant que garant de la sécurité et du bien-être de chacun et de tous.
Dans les heures et les jours à venir, la Cour constitutionnelle sera remembrée et mise en fonction le plus rapidement possible. Tel le veut le droit, dans le cas de démembrement, les autorités responsables de la nomination des conseillers sont tenus sous un mois de remembrer la cour, ainsi m’est faite l’obligation d’y procéder, ainsi je procèderai « dura lex, sed lex ».

Je suis heureux d’annoncer la venue imminente dans notre capitale d’une mission d’appui, de conseil et d’orientation de Présidents de Cours Constitutionnelles de la CEDEAO.
Elle sera d’un apport inestimable pour la résolution de la crise en cours.
C’est un geste pour lequel nous remercions une fois de plus les Etats membres de l’institution sous-régionale qui a toujours eu souci du Mali.

Reconnaissons-le, sans jeter la pierre à personne. L’arbitrage du dernier scrutin par la Cour a posé problème et continue à poser problème. Beaucoup d’incompréhensions, il est heureux qu’une mission du haut conseil se soit portée jusqu’à la cour pour faire un constat qui est plutôt rassurant.

Les démissions enregistrées en son sein ne jettent-elles pas, cependant, un doute sérieux sur l’auguste institution ? Il nous appartiendra tous ensemble d’y réfléchir. En tout cas, les règles dont elle se sert comme outils devront probablement être révisées.

La situation personnelle des membres du Collectif des candidats malheureux qu’Allah m’a inspiré de recevoir ce mardi, ce dont il s’agit, ce n’est pas seulement cela, c’est de l’avenir de l’élection dans notre pays, de la crédibilité que le peuple accorde à ses institutions qu’il s’agit.

C’est donc de la survie de notre démocratie qu’il est question et je ne puis transiger sur cela.
Que justice soit donc rendue, pour le plus grand bien de la morale républicaine, pour l’honneur de la République et l’image de notre pays !

Mes chers compatriotes,

Il est alors hautement probable que les solutions trouvées par la nouvelle Cour reconstituée résoudront la question de l’Assemblée Nationale.
Vous n’êtes pas sans savoir que la dissolution de l’Assemblée Nationale est une demande portée à mon attention.
Si la paix du Mali devait passer par là et que j’en eusse les moyens constitutionnels, je l’eusse fait sans hésiter une seconde. Et si cela devait se faire sans créer un vide constitutionnel, tout le monde comprendrait que nous n’hésitions pas à le faire.

Pour autant, serions-nous justes ? Il ne saurait y avoir de justice en privant de leurs sièges mérités tous ceux-là qui ont été élus sans contestation et certains dès au premier tour pour tenter de régler le problème que nous ne saurions sous-estimer des candidats qui contestent ouvertement le verdict de la Cour constitutionnelle. On ne corrige pas une faute par une injustice.

Je ne doute pas que l’intérêt national réside dans un parlement immédiatement opérationnel pour mettre en œuvre l’Accord Politique pour le Rassemblement National dont je viens de vous ébaucher les grandes lignes, et qui devra être paraphé sans plus de délais par le Chef de gouvernement et toutes les parties prenantes à l’action gouvernementale, y compris l’opposition, y compris le M5.

Nous sommes en guerre, en pandémie — l’exécutif doit être en place. La décision nationale consensuelle est requise et certains de nos frères doivent quitter la posture, qui est la leur aujourd’hui, de refus. Chacun de nous a le devoir de conforter ce Mali, que nous avons en partage, de le mettre en mission, en capacité.
Les choses sont fragiles. Gardons nous de faire un mauvais usage du temps et des opportunités.

C’est le lieu de m’incliner sur la mémoire de mon frère, le Premier Ministre, Amadou Gon COULIBALY, paix à son âme, que Dieu l’accueille parmi les bienheureux.

Nous avons dit qu’une mission de la CEDEAO était attendue, elle a pour mission de nous aider, de nous permettre de mieux appréhender les souhaits que notre organisation régionale a formulés par la première mission qu’elle avait dépêchée auprès de nous, pour nous ouvrir des voies et moyens de sortie de crise. Nous sommes un pays qui s’est toujours engagé et a toujours respecté ses engagements nationaux et internationaux. Tout cela n’est qu’un complément de tout ce qu’au dedans nous aurions réussi à mettre en œuvre.

Je n’ai jamais désespéré du Mali et des maliens. Aujourd’hui plus que jamais rien d’irrémédiable n’a été commis.
Seule l’incompréhension justifie la posture prise par le M5 à sa sortie de notre audience.

Je n’affichais aucun mépris. Notre pays est basé sur le dialogue. Et demander que nous y recourions est de l’ordre naturel des choses.

J’invite encore les frères du M5 à se ressaisir.
J’invite la majorité à rester ouverte aux échanges avec le M5 — Aux préoccupations et propositions du M5. S’agissant de la lancinante question de l’AN et des réformes au niveau de la Cour. Telle est la seule voie de salut.
La Crédibilité de notre État est respect du droit. Si par malheur nous devrions nous en écarter, dans un monde hyper compétitif, où c’est l’Etat de droit qui est le qualifiant suprême, quels seraient notre rôle et notre place au sein des nations ?

Alors, j’adjure toutes les forces maliennes de se joindre à ce projet, pour le Mali qui n’a pas d’autre ambition que de consolider la marche de notre pays, car j’ai la claire conscience des enjeux, de notre fragilité à être chacun dans son coin, qui n’est pas requis, mais ensemble, pour que notre puissance rassemblée puisse donner le meilleur d’elle-même. Et ce temps-là est arrivé.

Le Mali peut tout. Le Mali est grand, son peuple est grand. Je sais la chance et l’honneur de le servir. Je ne cesserai jamais de le servir, Inchallah. Et je veux le faire avec vous toutes, vous tous, toutes les forces, parce qu’au-delà des contingences, nous sommes frères et sœurs, logés à la même enseigne.

Qu’Allah fasse que cette enseigne brille de mille feux ! Qu’il fasse que notre frère Soumaila CISSE nous revienne sain et sauf et le plus tôt possible ! Que dans sa grande mansuétude, sa miséricorde et sa bonté, il nous accorde un heureux hivernage !

Qu’il bénisse notre chère patrie, le Mali !

 

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