Les violences ne sont jamais des erreurs – par Kadiatou Konaté

Les violences ne sont jamais des erreurs. Elles sont une affaire de rapport de force entre les victimes et leurs bourreaux.

Pourtant, combien de fois entendons-nous les mêmes questionnements ? Qu’a-t-elle fait ? Qu’est-ce qu’elle portait ? Où était-elle ? Qu’a-t-elle dit ? Comme si la victime portait la responsabilité de l’acte.

Je suis toujours stupéfaite quand j’entends des gens nous convaincre que les violences sexuelles, conjugales, le harcèlement ou l’intimidation sont causés par les victimes.

Ces violences sont une arme de domination. Elles se nourrissent des inégalités de pouvoir et d’un système qui protège les agresseurs. Un tuteur qui viole sa nièce. Un maître qui abuse de son élève. Un mari qui tue sa femme. Un patron qui harcèle sa collègue. Chaque fois, ce n’est pas la “provocation” de la victime qui est en cause, mais l’abus de pouvoir de l’agresseur.

Pour le dernier cas de viol qui a conduit au décès de la petite Sayon, âgée de 10 ans, j’ai lu dans un post un homme qui expliquait que cette enfant avait réveillé les pulsions sexuelles de son tuteur… HORRIBLE ! Ce discours tue.

Très souvent, les agresseurs ciblent celles qui paraissent faibles, innocentes, timides, ou qui montrent leur peur. Mais face à une femme ou une fille qui ose parler, qui refuse d’être manipulée , ou qui sait se défendre, beaucoup reculent.

Malheureusement, ce qui est encore plus aberrant, c’est le silence de la société. On sait bien se taire quand il s’agit de dénoncer un proche respecté, un bon grand du quartier, un chef religieux ou même un simple mari qui semble être bon aux yeux de la famille, afin de sauver leur réputation au lieu de protéger la dignité de la victime. Une manière de sacrifier la victime au profit de leur image.

Nous avons il y a quelques temps accompagné une fille victime de harcèlement sexuel, puis de tentative de viol de la part de son tuteur. Lorsqu’elle a osé dénoncer, personne ne l’a crue au début. Ce n’est qu’en apportant des preuves qu’on l’a prise au sérieux. Pourtant, au lieu de la soutenir, ses parents ont quitté le village pour lui demander de se taire et d’enterrer l’affaire. Parce que l’oncle en question prenait en charge toute la famille et avait accueilli la petite pour ses études à Conakry. Pour eux, elle devait se taire et abandonner le dossier.

Pire, la femme de cet homme a accusé la jeune fille de 16 ans de vouloir « gâter son foyer », alors qu’elle-même était battue quotidiennement par son mari. Il a fallu énormément de pression de notre part pour que la victime soit accompagnée et que la justice soit saisie.

Ces violences ne sont donc jamais une question d’habillement ou de provocation. C’est l’expression d’un abus de pouvoir, entretenu par nos normes sociales et nos silences. Tant que nous continuerons à interroger les victimes au lieu de questionner les bourreaux, tant que ces violences resteront impunies, les agresseurs resteront confortables dans leur impunité, les violences continueront, et les victimes porteront injustement la culpabilité.

En attendant que nos décideurs se réveillent, nous continuerons à compter et dénoncer les viols, les féminicides, les mutilations, dans les villes et jusque dans les villages les plus reculés.

Le changement structurel est avant tout une volonté politique.

Par #KadiatouKonate

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