Fellah Kaké : « C’est pourquoi Patrice Talon et la CEDEAO doivent impérativement … »

REGARD D’UN ÉTUDIANT ACTIVISTE.  Fellah Kaké, est un étudiant activiste panafricaniste, qui œuvre pour les causes africaines. Et ne se fait jamais prier pour se prononcer sur la marche de l’Afrique. Et s’est prêté aux Questions de Farafinainfo.com en posant son regard averti sur les trois faits marquants de l’actualité africaine de la semaine écoulée allant du lundi 8 décembre au dimanche 14 décembre 2025 en Guinée, en Afrique et dans le Monde. Ses réponses permettront sans aucun doute d’éclairer la lanterne des lecteu.rices de notre site panafricain d’informations générales de mieux comprendre les événements politico-économiques et sociaux, qui se sont déroulés sur le continent noir [ACTU DE LA SEMAINE EN 3 QUESTIONS].

 

Fellah Kaké, Étudiant activiste panafricain  

 

« Cette tentative a été déjouée grâce à l’intervention des forces dites loyalistes de l’armée béninoise, appuyées ensuite par la CEDEAO, à travers des frappes nigérianes, le tout couronné par l’intervention des forces spéciales françaises venues directement de Côte d’Ivoire.»

 

1-[BÉNIN]- « Nous avons fait front, repris les positions jusqu’à nettoyer les dernières poches de résistance des mutins. Notre pays a vécu aujourd’hui des évènements d’une gravité extrême ». C’est ainsi que le Président béninois Patrice Talon s’est adressé, dimanche 7 décembre 2025, à la Nation béninoise à la télévision béninoise après que la tentative du coup d’État ait été déjouée par les forces loyalistes. Que pouvez-vous dire pour éclairer la lanterne des lecteur.rices de Farafinainfo.com, site panafricain d’informations générales ?

Certes, beaucoup de personnes ont été surprises par l’annonce, à la télévision nationale, de la prise de pouvoir par l’armée à travers quelques officiers dirigés par le Colonel Tigri, qui semblait être à la tête d’un mouvement dénommé CMR (Comité Militaire pour la Refondation). Cette tentative a été déjouée grâce à l’intervention des forces dites loyalistes de l’armée béninoise, appuyées ensuite par la CEDEAO, à travers des frappes nigérianes, le tout couronné par l’intervention des forces spéciales françaises venues directement de Côte d’Ivoire.

L’ensemble de ces forces d’intervention a empêché le CMR d’aller au bout de son objectif.

Quelques heures après l’échec de cette tentative de coup d’État, Patrice Talon s’est adressé au peuple béninois et à l’opinion publique en général pour les rassurer qu’il était en sécurité et que le coup d’État n’était pas effectif, contrairement à ce qui avait été annoncé par les militaires à la télévision nationale.

Il faut comprendre cette situation selon trois axes principaux.

Premièrement

Cette tentative de coup d’État s’inscrit dans la continuité d’une vague de prises de pouvoir par l’armée en Afrique de l’Ouest, conséquence de l’échec de la classe politique, incapable de respecter ses engagements vis-à-vis des peuples ainsi que les principes démocratiques qu’elle a elle-même adoptés. Les cas du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso, du Niger, du Gabon et tout récemment de la Guinée-Bissau en sont des illustrations. Même si tous ces coups d’État ne se sont pas produits de la même manière ni pour les mêmes objectifs, ils traduisent néanmoins l’échec des classes politiques dirigeantes de ces pays.

Deuxièmement

Cette tentative de coup d’État est la conséquence directe de la politique instaurée par Patrice Talon, qui projette à l’extérieur une image de démocratie, alors qu’à l’intérieur du pays, il étouffe progressivement toutes les voix dissonantes. On peut citer notamment l’exclusion des opposants de la prochaine élection présidentielle, l’interdiction des manifestations des partis de l’opposition, ainsi que la manipulation de la Constitution à six mois des élections, notamment avec la création d’un Sénat dont la quasi-totalité des membres serait nommée. Il semblerait d’ailleurs que Patrice Talon se prépare à diriger cette institution afin de conserver une influence déterminante, même s’il respecte son engagement de ne pas se représenter à l’élection présidentielle.

S’ajoutent à cela le passage de la durée du mandat de cinq à sept ans, alors que son candidat semble être le favori, ainsi que la montée de l’insécurité dans le nord du pays avec la présence de groupes terroristes, qui opèrent également dans les pays de l’AES. Le président nigérien Abdourahamane Tiani avait d’ailleurs publiquement dénoncé cette situation. Il y a quelques mois, des dizaines de soldats béninois ont été tués, tandis que Patrice Talon niait encore la présence de ces groupes terroristes. Il convient également de prendre en compte les motifs avancés par les militaires pour justifier leur passage à l’acte.

Troisièmement

Cette tentative de coup d’État s’inscrit dans un enjeu géopolitique majeur en Afrique de l’Ouest, opposant les esprits favorables à la ligne de conduite de l’AES (Alliance des États du Sahel), qui prônent la souveraineté, au néocolonialisme occidental cherchant à conserver un point stratégique après avoir été chassé de plusieurs pays de la région. Le Bénin représente ainsi, dans une certaine mesure, un espoir majeur pour la survie du néocolonialisme occidental dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest.

Le sentiment anticolonialiste et anti-impérialiste se manifeste de plus en plus sur le continent africain, y compris au sein des forces armées, lassées de dirigeants perçus comme soumis aux puissances occidentales et exposant leurs populations à de nombreux risques. C’est pourquoi le néocolonialisme, à travers son relais local qu’est la CEDEAO, s’est précipité pour empêcher que le Bénin ne tombe entre les mains de militaires non acquis à sa cause. À titre de comparaison, une telle mobilisation n’a pas été observée lors du coup d’État en Guinée-Bissau.

Ces trois axes constituent les principaux éléments permettant d’expliquer cette tentative de coup d’État au Bénin.

C’est pourquoi Patrice Talon et la CEDEAO doivent impérativement se remettre en question, car on ne peut tromper tout le monde indéfiniment. Le « printemps » en cours ne semble laisser aucune place au néocolonialisme sur le continent ni aux politiques rétrogrades. Tôt ou tard, ils finiront par céder, car ils ne semblent pas agir avec responsabilité face aux défis actuels.

 

« Il faut également souligner le manque d’adversité réelle, l’élection semblant déjà acquise à Mamadi Doumbouya, qui dispose de nombreux avantages.»

 

2-[GUINÉE]- La campagne pour l’élection présidentielle guinéenne de 2025, qui a démarré timidement, se poursuit résolument, sans tambour ni trompette, sans grande annonce, surtout sans les vieux briscards de la politique guinéenne. Quel regard portez-vous sur les différentes annonces des neuf (9) candidats en course pour la présidentielle en Guinée ?  

La campagne présidentielle en cours en Guinée ne représente pas un grand défi, ce qui explique le faible engouement observé autour de celle-ci. Cette situation peut s’expliquer par le climat politique actuel dans le pays, car les leaders d’opinion sont moins impliqués, notamment en raison de préoccupations liées à leur propre sécurité. À cela s’ajoute l’absence de figures majeures de la scène politique guinéenne, en particulier celles ayant participé à plusieurs élections précédentes, notamment les responsables ou anciens cadres du RPG, de l’UFDG, de l’UFR, etc.

Il faut également souligner le manque d’adversité réelle, l’élection semblant déjà acquise à Mamadi Doumbouya, qui dispose de nombreux avantages.

Malgré cela, on dénombre neuf candidats en lice pour le fauteuil présidentiel, et chacun tente de se démarquer à sa manière. On observe par exemple (Abdoulaye) Yéro Baldé, à sa première expérience en tant que candidat, qui mène des activités sur le terrain à l’intérieur du pays et fait de son mieux avec les moyens dont il dispose. On note également la présence de Mohamed Nabé, lui aussi à sa première candidature, mais qui avait manifesté ses ambitions depuis longtemps, comme en témoignent ses nombreux déplacements à l’intérieur du pays pour installer ses bases. Il mène aujourd’hui une mobilisation à la hauteur de ses capacités.

De son côté, Dr Faya Milimouno, l’un des plus anciens acteurs politiques parmi les candidats et sans doute le plus critique à l’égard du CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement), poursuit sa tournée nationale. Il a d’ailleurs menacé de se retirer de la course si le directeur de campagne de la GMD  (Génération pour la Modernité et le Développement,) Bah Oury,  continue de piétiner son programme.

Par ailleurs, Mamadi Doumbouya, bien qu’absent physiquement sur le terrain, voit ses partisans et ses structures organiser des mobilisations un peu partout dans le pays afin de démontrer qu’il demeure le grand favori de cette présidentielle. Quant aux autres candidats, ils sont nettement moins visibles, au point que l’on a parfois l’impression qu’ils ne sont candidats que de nom.

Tout cela montre à quel point cette élection ne constitue pas un véritable défi, non seulement pour la GMD, déjà au pouvoir, mais aussi pour les Guinéens dans leur ensemble, surtout lorsqu’on se souvient des élections précédentes et de tout ce qu’elles ont pu engendrer.

Toutefois, un élément positif mérite d’être souligné : on ne constate pas de violences dans la campagne, ni de discours haineux ou d’incitations à la violence. Nous estimons également que cette élection ne sera pas émaillée de violences, dans la mesure où le résultat semble largement joué en faveur de Mamadi Doumbouya.

En définitive, on observe des candidats qui sillonnent l’intérieur du pays, tandis que d’autres restent presque invisibles. Bref, tout se déroule comme prévu, puisqu’aucune surprise majeure ne se profile pour l’instant.

 

«Ainsi, lorsque le ministre affirme que toutes les dispositions seront prises pour agir « le moment venu », nous estimons qu’il s’agit simplement d’un discours de façade, car ces mêmes dirigeants n’ont jamais véritablement démontré une volonté sincère de mettre fin aux conflits dans cette région.»

 

3-[BURUNDI]- « Les rebelles de l’AFC/M23 ont pris le contrôle d’Uvira le 10 décembre et occupent désormais la frontière avec Bujumbura. Le Ministre burundais des Affaires étrangères, Édouard Bizimana, revient sur les risques d’une escalade régionale quelques jours après la signature d’un accord de paix à Washington. Le Burundi a le droit de se défendre s’il est attaqué. », rapporte Jeune Afrique. Est-ce un accord de paix qui ne règle pas du tout la question de paix ?

La déclaration du ministre des Affaires étrangères du Burundi montre, une fois de plus, que la véritable paix ne se construit pas uniquement sur du papier. Les dirigeants qui ont signé des accords sous la pression américaine ou sous la volonté du Président Félix Tshisekedi de masquer son incapacité à assumer pleinement ses responsabilités n’ont fait que nourrir de faux espoirs auprès des populations qui continuent de vivre l’enfer dans cette région.

Le Burundi, qui a une lourde expérience de la rébellion — notamment la guerre civile de 1993 à 2005, marquée par des affrontements entre différentes communautés et qui a coûté la vie à des centaines de milliers de Burundais, ainsi que les attaques sporadiques enregistrées dans le pays depuis la crise liée au troisième mandat du président Pierre Nkurunziza en 2015, constituent autant d’éléments qui poussent aujourd’hui les autorités burundaises à prendre des dispositions contre le groupe rebelle M23.

Cependant, tout cela relève davantage de la manipulation politique des dirigeants de la région et de leur manque réel de volonté d’instaurer une paix durable pour leurs populations. Autrement, aucun groupe rebelle ne pourrait manœuvrer pendant des années entre plusieurs pays sans que ces États ne prennent des mesures concertées et efficaces pour l’éradiquer.

Tant que ces dirigeants continueront à faire du faux-semblant, en signant des accords sans portée réelle sous la supervision d’acteurs qui ont intérêt à ce que la guerre perdure sur le continent, il ne faudra jamais espérer une paix durable.

Ainsi, lorsque le ministre affirme que toutes les dispositions seront prises pour agir « le moment venu », nous estimons qu’il s’agit simplement d’un discours de façade, car ces mêmes dirigeants n’ont jamais véritablement démontré une volonté sincère de mettre fin aux conflits dans cette région.

Rédaction de Farafinainfo.com

Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat