Affaire Sonko : Le droit, rien que le droit ! (Par Daouda Mine)

A la faculté de droit, on nous a appris que l’introduction d’un commentaire d’arrêt comporte plusieurs parties : faits, procédure, problème juridique, prétention des parties, solution.

Dans n’importe quel dossier judiciaire, et même dans les chroniques judiciaires des journaux, on devrait trouver ces 5 parties.

Dans l’affaire Ousmane Sonko, le problème juridique est : est-ce que le leader de Pastef a violé Adji Sarr, comme elle le soutient dans sa plainte déposée à la Section de recherches de la gendarmerie ?

Le viol étant prévu par l’article 320 du Code pénal, les gendarmes doivent rechercher les éléments constitutifs de l’infraction contenus dans le libellé même de l’article 320 du Code pénal sénégalais qui définit le viol comme «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise».

L’enquête de la gendarmerie devrait donc s’orienter à rechercher s’il y a «pénétration sexuelle» et s’il y a également «violence», «contrainte», «menace» ou «surprise». Si ces conditions sont réunies, il y a viol. Le leader de Pastef risquerait alors une peine de 5 à 10 suivant les dispositions de l’article précité.

Si l’une des conditions manque, il n’y a pas viol, auquel cas Ousmane Sonko devrait être lavé de tous soupçons. Le cas échéant, il pourrait se retourner contre son accusatrice (et ses complices s’il y en a) pour dénonciation calomnieuse prévue par l’article 362 du code pénal.

En effet, toute personne, dénoncée sur des faits susceptibles de sanction pénale ou disciplinaire, pourra engager des poursuites contre son dénonciateur soit après jugement ou arrêt d’acquittement ou de relaxe, soit après ordonnance de non-lieu, soit après classement sans suite de la dénonciation par le magistrat, fonctionnaires autorité supérieure ou employeur compétent.

La dénonciation calomnieuse est punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs.

Sur la décision d’Ousmane Sonko de ne pas déférer à la convocation de la gendarmerie tant que son immunité parlementaire n’est pas levée, il y a bien une base légale : la constitution sénégalaise et la loi portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

L’article 50 de la Constitution de 2016 (anciennement article 61), repris par l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale dispose : «aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté, en matière criminelle ou correctionnelle, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf le cas de flagrant délit. Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf le cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive».

Rappelons-le, le flagrant délit est une situation dans laquelle une infraction est en train d’être commise, ou vient d’être commise.

Souvent, une personne est prise sur le fait au moment de son infraction ou immédiatement après et en possession d’indices laissant supposer sa participation à cette infraction.

Quant au fait (pour un homme politique de renom, époux de 2 femmes avec une image reluisante) de se faire masser dans un salon, cela peut être moralement répréhensible, politiquement incorrect comme des parangons de la vertu peuvent le faire croire, mais n’est nullement réprimé par le Code pénal.

Quid des contrecoups politiques que cette affaire pourrait engendrer sur la carrière politique du leader de Pastef, les politologues sont mieux outillés que moi pour en parler…

En tout cas, beaucoup d’hommes politiques et de célébrités (Dominique Strauss-Kahn, Bill Clinton, Michael Jackson, Mike Tyson, R.Kelly, Tariq Ramadan, Diombass Diao…) y ont laissé des plumes après des accusations sur des affaires de mœurs.

Sonko réussira-t-il à sortir indemne de cette affaire ? Notre langue au chat !

Daouda Mine, Journaliste