Jeune activiste féministe et citoyenne mauritanienne engagée, Mint Hamady ne prend pas du tout des gants pour dire avec des mots appropriés les maux dont souffrent les femmes mauritaniennes. Dans cette interview, elle égrène, non seulement, un très long chapelet de ces maux, mais aussi ses différentes activités pour venir en aide de ses jeunes compatriotes femmes. Rencontre avec une jeune militante très engagée …
Comment peut-on vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Aicha Hamady et je suis jeune femme de 25 ans, titulaire d’une Licence en Biologie des Ecosystèmes, qui milite pour la cause féminine et activiste au sein de la plateforme «Les Féministes Mauritaniennes» après avoir milité au sein du mouvement «ELLES»
Quelle colère insurmontable aurait-elle fait de vous, la jeune femme activiste féministe que vous êtes devenue depuis quelques années ?
Je suis issue d’une famille, qui ne fait pas du tout le distinguo entre homme-femme. Mes frères et moi possédons les mêmes droits. Mais durant mon enfance, j’ai vu que certaines jeunes filles n’avaient pas les mêmes droits que moi. Et pour cette bonne et noble cause que j’ai décidé d’être aux côtés de ces jeunes filles pour défendre leurs droits. Déjà à l’âge de 12 ans, je me disais féministe et je défendais une voisine, qui se faisait bastonner par son mari. Il m’arrivait souvent de faire la sentinelle devant leur concession pour ne pas que son époux violent lui frappe dès son retour du travail. En cas de violence conjugale, j’alertais ma maman.
Quels sont les maux dont souffrent les femmes mauritaniennes ?
La femme mauritanienne souffre d’un manque de confiance en soi. Ce qui m’étonne et continue de m’étonner encore et toujours, c’est le fait que les gens, en parlant de la femme mauritanienne, parlent uniquement de la femme mauresque, qui n’est pas du tout représentative des femmes mauritaniennes des différentes communautés du pays. C’est injuste ! Il est vraiment grand temps que ces gens arrêtent de négliger les autres femmes. Autant dire sans ambages que la femme mauritanienne souffre de la marginalisation, du sexisme. Et les chiffres sont alarmants : le taux d’analphabétisme est très élevé chez les femmes. Le taux de pauvreté touche plus la gent féminine que les hommes dans notre pays. Le taux de viol et de violences conjugales ne font qu’accroître. Le mariage précoce et l’excision persistent encore et toujours. Et les autorités publiques ne se bougent pas pour changer cet état de chose.
Que faites-vous concrètement pour aider vos sœurs à comprendre qu’elles ont bel et bien des droits et qu’elles devraient les revendiquer voire les arracher bon an, mal an ?
Nous organisons régulièrement des causeries éducatives entre nous les filles au cours desquelles nous débattons sur les différents maux dont souffre la gent féminine, nous les expliquons leurs droits. Et aussi expliquer qu’est-ce qu’un harcèlement sexuel ? Quelles sont les différentes formes d’harcèlement ? Nous parlons également du viol que certaines femmes peuvent subir quotidiennement de la part de quelqu’un de leur famille ou d’ailleurs. Nous leur donnions des petits bouts de papier dans lesquels elles écrivent ce qu’elles veulent faire dans leur future vie ! Nous leurs disons leurs droits. Nous les habituons à prendre le stylo et écrire ce qu’elles ressentent.
Pouvez-vous nous partager quelques avancées enregistrées en Mauritanie dans le cadre du respect et de la revendication des femmes que vous défendiez ?
Nous avons bien enregistré quelques avancées significatives grâce à des grandes militantes féministes courageuses, qui ont pu arracher certains de nos droits. Depuis peu de temps, certaines femmes osent dénoncer leur viol à visage découvert. Une chose, qui était difficile à faire dans une société comme la nôtre. Je m’inscris dans une vision optimiste et comme l’on dit : «Petit à petit l’oiseau fait son nid»
Ne dites pas que les autorités mauritaniennes ne font rien pour améliorer les conditions de vie de la gent féminine ?
Malheureusement, les autorités mauritaniennes ne fournissent aucun effort, car elles se contentent de parler comme monsieur tout le monde en disant que » la femme est traitée comme une reine » Cette citation populaire fait malheureusement allusion à la femme mauresque et je ne vous apprends rien en disant cela. Parce que vous avez vécu en Mauritanie et avec les Mauritaniens. Pire dans nos textes de loi, il n’y a pas une définition claire du viol donc quand une femme est violée : les autorités disent «se faire violer» donc c’est à elle d’apporter la preuve qu’elle a été effectivement violée en amenant des témoins sinon c’est elle qui est sans doute, accusée de «Zina» (fornication, adultère voire prostitution en français, ndrl). Je dois aussi dire que le harcèlement n’est pas reconnu par l’Etat mauritanien. Bien vrai qu’il existe des textes de lois interdisant l’excision et le mariage précoce ; toutefois, certaines personnes continuent de se livrer à ces pratiques, mais en cachette.S’agissant du mariage précoce, il est interdit, certes, mais une fois qu’il a été célébré et que le tuteur de la fille reconnaît que sa protégée est heureuse dans son foyer conjugal, il est valable. Ce mariage ne pourrait pas être rejeté par la loi, car il est légitime. Et personne ne pourrait séparer ce couple. Autant dire que l’avis du tuteur est très important pour ce genre d’union.
Les auteurs des violences faites aux femmes sont-ils sévèrement punis par les autorités judiciaires en Mauritanie ? Si oui, donnez-nous quelques exemples ?
Non pas du tout, si les auteurs des violences faites aux femmes étaient sévèrement punis, chaque coupable réfléchira cent (100) fois avant de commettre le crime. Les viols ne font qu’accroître et les violeurs sont en pleine tranquillité car ils savent bien que peu sont les femmes qui osent porter plainte pour éviter le regard de la société.
Interview réalisée par Camara Mamady