ALGÉRIE/RÉSIDENCE D’ÉTAT DE TLEMCEN: 500 milliards de centimes partis en fumée

UNE ENQUÊTE DE FARAFINAINFO. S’étendant sur 10 hectares et devant comprendre 17 suites royales, un parcours de golf, des piscines et autres caprices, la résidence d’Etat, dont la première pierre a été déposée par Bouteflika en 2008, est à l’abandon depuis 2013.

Avec notre correspondant en Algérie et en Afrique du Nord, Chahredine Berriah

 

Résidence d’Etat à Tlemcen 

 

 

Installé sur le site contesté de l’historique villa Rivaud, sur les hauteurs de la ville, le projet a été confié, dans un premier temps, à l’entreprise égyptienne Arab Contractor’s, avant d’être interrompu et repris par une société chinoise. En 2013, les travaux ont été définitivement  suspendus  pour des raisons que l’on ignore.

Sauf que ce projet faramineux avait englouti, entre-temps, pas moins de 5 00 milliards de centimes.

« Au départ, le site choisi a été contesté par la population et les intellectuels, en ce sens que la villa Rivaud a abrité, le 22 juillet 1962, une importante réunion des chefs révolutionnaires où Ben Bella (1er président de l’Algérie indépendante), soutenu par Boumediene (ministre de la défense, post indépendance) proclama la naissance du bureau politique, avec cette phrase « Le bureau politique, c’est moi! » Quoi qu’on en dise, ce lieu est historique et  Bouteflika a voulu effacer ce pan de notre histoire en érigeant sur les lieux son palais royal, c’est comme cela que je vois les choses… » tente d’expliquer Youcef B, historien.

Usurpation de l’histoire et gaspillage de l’argent public, le président démissionnaire en 2019, malgré lui, n’est pas allé  au bout de son rêve… de son extravagance.

Le puissant wali de l’époque (préfet), Nouri Abdelwahab (promu plus tard,  ministre de l’agriculture, puis celui du tourisme, avant d’être mis aux oubliettes) en avait fait de ce projet présidentiel son cheval de bataille. Sa raison d’être. Un projet gargantuesque, qui nécessitait une rallonge budgétaire de 500 autres milliards de centimes,  devait être achevé avant 2011, année de « Tlemcen, capitale de la culture islamique » pour accueillir les chefs d’Etat et les hautes personnalités du monde.

On n’aura pas dit « Inchallah ».

Tlemcen, le « nouveau royaume de l’Algérie »

Les travaux évoluaient lentement et, réalisant certainement que cette infrastructure ne verrait pas le jour dans les délais, les Pouvoirs publics, paniqués, décidèrent, alors dans la précipitation, de construire le Palace Hôtel Renaissance en confiant le projet aux Chinois qui le livrèrent en 12 mois.

Aujourd’hui, la « résidence d’Etat » est une épave enlaidissant l’environnement édénique de Birouana, le quartier chic de la ville médiévale. Une laideur payée 500 milliards de centimes, greffée sur l’argent du contribuable.

Nous nous sommes rendus sur les lieux pour constater le désastre et essayer d’interroger les riverains sur ce qu’ils appellent « la grande supercherie de Bouteflika », mais à peine s’étant approchés du chantier que quatre individus, se disant de la sécurité intérieure, nous ont apostrophés pour nous demander, avec un ton hostile, l’objet de notre présence sur les lieux.

Nous avions dû nous passer pour de simples touristes locaux admirant le projet. Ce n’était pas suffisant comme argument pour les limiers. Ordre nous avait été intimé de divulguer notre identité, puis de quitter les lieux sur le champ.

Tlemcen, dénommée à l’époque « Le nouveau royaume de l’Algérie », en raison de l’origine de l’ancien chef d’Etat et de quatorze ministres de la république, retrouve son statut de wilaya ordinaire, baignant dans ses travers, la saleté de ses rues, la circulation de la drogue, l’inactivité des jeunes…

Et comme une tumeur, la « Résidence d’Etat » reste toujours collée au corps d’une ville synonyme de longues années de clientélisme, de mafia politico-financière.

 Fera-t-on payer, un jour, les responsables de ce détournement qui ne dit pas son nom ?

Ch. Berriah