La déclaration des biens des membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), des personnalités ayant rang de Ministres, de Directeurs de régie et autres grands commis de l’Etat, continuent de faire polémique, notamment depuis la sortie tant interprétée du patron du Palais de la Colombe sur une télévision privée de la place.
En effet, le premier ministre, Monsieur Bernard Goumou, a déclaré hier lundi 05 septembre 2022 sur Djoma TV, que les ministres n’ont pas déclaré leurs biens en raison d’un vide juridique en la matière. Vide juridique, dit-il ? Est-ce une raison suffisamment valable pour les ministres de se dérober d’un exercice aussi patriotique et symbolique ? Comment peut-on parler de moralisation de la vie publique, si les autorités du pays, après plus d’un an de gestion, continuent d’entretenir le flou sur la déclaration de leurs biens et actifs ? Le fait que ce cadre de figure n’est pas prévu dans la Charte de la Transition qui fait office de Constitution, suppose-t-il qu’il y a totalement vide juridique en la matière, comme le soutiennent certaines personnes ?
L’opacité qui se nourrit du populisme ? Les débats font rage à ce sujet. D’aucuns estiment que le fait que la Constitution de 2020 qui prévoyait en son article 36 cette obligation a été abrogée, ce qui du coup, ergotent ceux-ci, met un terme définitif aux textes d’application concernant le sujet, notamment le Décret D/2020/072/PRG/SGG, portant déclaration d’actifs, de biens ou de patrimoine des personnalités visées à l’article 36 de la Constitution de la République de Guinée, et le Décret D/2020/286/PRG/SGG, portant contenu du formulaire de déclaration de patrimoine. Certains aussi affirment que ce n’est prévu dans aucune disposition de la Charte de la Transition. Donc pour ceux-ci, il y a une incompatibilité.
Même à supposer qu’il n’existe aucun texte en la matière dans la Charte de la Transition, pourrait-on cependant parler d’incompatibilité ? En matière constitutionnelle, la pratique n’importe t-elle pas souvent sur le droit positif ?
Même si la Charte de la Transition ne prévoit aucune disposition en la matière, on ne pourrait cependant pas parler d’incompatibilité. Le faire, ce serait carrément une manière de noyer le débat. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on fait de l’Ordonnance N°2021/OOO1/PRG/CNRD/SGG du 16 septembre 2021, portant prorogation des Lois nationales, des Conventions, Traités et Accords internationaux ?
La déclaration écrite des biens ou de patrimoine des grands commis de l’Etat est avant tout un acte patriotique et symbolique, qui n’a d’ailleurs même pas besoin de textes. C’est pourquoi, les grands commis de l’Etat doivent se soumettre à cet exercice pour une question de moralisation de la vie publique, et pour être en phase avec les premières déclarations et ambitions des nouveaux maîtres du pays.
Un adage n’enseigne t-il pas que ‘’ la charité bien ordonnée commence par soi-même ? Il apparaît judicieux aujourd’hui pour les membres du CNRD et les personnalités ayant rang de Ministres, de Directeurs de régie et autres de se soumettre à cet exercice, cela pour dissiper totalement la suspicion. En clair, la pratique républicaine exige de tout cadre qui occupe une position stratégique de déclarer ses biens et actifs quelques temps après sa prise de fonction.
Comment peut-on savoir demain que tel haut cadre de l’Etat s’est enrichi illicitement pendant la transition, fait prévu et réprimé par les dispositions de l’article 776 et suivants du code pénal, et tel autre non, si aucun cadre ne soumet à l’exercice de déclaration des biens ?
D’ailleurs, n’est-ce pas illogique et hilarant de prôner tambour battant la transparence dans la gestion de la chose publique d’un côté et de l’autre, refuser de se soumettre à cette obligation déontologique qui consiste à adresser individuellement à la Cour Suprême la déclaration écrite concernant la totalité des biens et actifs ?
Bref, comme l’affirmait un observateur averti qu’il y ait vide ou gouffre juridique comme le soutiennent mordicus certains ou qu’il y ait des textes, toujours est-il que la déclaration des actifs, biens ou patrimoine des personnalités ayant rang de Ministres, de Directeurs de régie et autres, est une nécessité voire une obligation pour la crédibilité des actions des autorités du pays ! À vrai dire, on ne devrait vraiment pas perdre autant de temps, engager de polémiques inutiles, couler autant d’encre et de salive autour d’une question aussi importante en termes de moralisation de la vie publique mais aussi banale à accomplir. C’est une question de déontologie et de transparence dans la gestion de la chose publique. C’est aussi simple que ça !
Sayon MARA, Juriste