Ce lundi 31 janvier 2022, la Rédaction de Farafinainfo.com a fait réagir l’un de ses chroniqueurs, Daouada Mounian, Sociologue, communicateur pour le développement & manager des organisations de son état aux faits marquants de l’actualité de la semaine écoulée en République de Guinée et dans la sous-région – Actu de la Semaine en 3 Questions – Entretien …
Comment avez-vous accueilli l’annonce du coup de forces du Lieutenant – Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, Président du MPSR (Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration) contre Roch Marc Christian Kaboré, le désormais ancien Président de la République du Burkina Faso
Un coup d’Etat n’est jamais une idoine solution pour résoudre les problèmes politiques. Les armes ne doivent pas être utilisées pour prendre le pouvoir politique. Sinon cela nous ramènerait dans la cité de jungle ou ce sont les plus forts physiquement qui géreraient le pouvoir politique et non les plus aptes. Dans le cas du Burkina Faso, le principe s’arrête là. Dans le cas du coup de force contre Roch Marc Christian KABORÉ, les choses sont à analyser avec un peu de froideur. La gouvernance approximative faite d’échecs sur le terrain de la sécurité, de détournement de deniers publics, de népotisme et de médiocrité de beaucoup de cadres a fini par créer une unité des antagonistes pour défier la fin du pouvoir de Roch Marc Christian KABORÉ.
Souvenez-vous, le peuple à mains nues a opposé une résistance contre le coup d’Etat de 2015 perpétré par Diendéré (Gilbert, ndrl). Ce même peuple salue ce coup de force aujourd’hui. Ce qui traduit le ras-le-bol général et l’envie de changement. En effet, avec plus d’une centaine de communes inaccessibles, 1,5 millions de personnes déplacées internes, plus de 300 000 élèves qui ne vont plus à l’école depuis 05 ans, des centres de santé fermés, des cultivateurs interdits d’exploiter leurs terres, le Burkina Faso a touché le fond. Cette situation ne pouvait plaire à personne. Ce qui explique en partie l’engouement populaire pour le coup d’Etat. Même si la démocratie telle qu’elle est pratiquée au Burkina et en Afrique mérite une certaine adaptation, il faut cependant dire que le personnel politique africain en général, et Burkinabè en particulier, se caractérise par une malhonnêteté, un égoïsme, un manque d’intégrité, un amateurisme criard dans la gestion des affaires publiques, auxquels s’ajoute le manque de vision à moyen (20 ans) et à long termes (50 voire 100 ans). Ce qui fait que les populations ne font pas confiance aux hommes politiques et l’instabilité devient une réalité presque partout en Afrique. Ce n’est pas le système de démocratie qui est si mauvais, mais les hommes chargés de sa mise en œuvre et de son animation. Il faut donc que le nouveau pouvoir s’attelle à mettre en place certains fondamentaux comme la sécurisation du pays, la révision ou la mise en place d’instruments qui éloignent définitivement les loups de la bergerie, une gouvernance vertueuse ou l’homme ou la femme politique sert le peuple plutôt qu’il ne se serve de lui. Il faudra également qu’il facilite la mise en place d’une démocratie non électoraliste qui engloutit beaucoup d’argent et favorise les hommes riches au détriment des hommes et des femmes compétents, honnêtes, patriotes et panafricains. Pour terminer je vais résumer ce qui est attendu du Lieutenant-Colonel (Paul Henri Sandaogo) Damiba en utilisant les propos de Anicet Adaloué Liliou et de Père Barwendé Medard Sané : – la sauvegarde des acquis démocratiques (même s’il faut l’adapter davantage); – la sauvegarde des valeurs de l’intégrité et de dignité – La sauvegarde de l’unité nationale – La restauration de la paix, – La restauration de l’amour de la patrie (la patrie ou la mort nous vaincrons) – La restauration de la justice – La restauration des liens sociaux
Après le Mali, la Guinée, c’est le tour du Burkina Faso, maintenant ! Apparemment l’épidémie des coups d’Etat est en train de se répandre dans les pays de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) comme une traînée de poudre au vu et au de cette organisation sous-régionale impuissante. Faut-il craindre le pire dans cette zone CEDEAO ?
Les mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on. Le personnel politique dirigeant en Afrique, notamment en Afrique francophone, est le même en terme de comportements. Permettez-moi de me répéter en réaffirmant que la malhonnêteté, l’égoïsme, le manque d’intégrité, l’amateurisme dans la gestion des affaires publiques, le manque de vision à moyen (20 ans) et à long termes (50 voire 100 ans) caractérisent très bien nos dirigeants politiques. Malheureusement pour eux, ils n’ont plus en face d’eux les mêmes peuples. Les peuples comprennent de plus en plus les enjeux liés à la gestion de la chose publique. Les peuples vont manifester leur mécontentement et cela va aboutir de plus en plus à des crises. Les armées étant composées d’hommes et de femmes issus du peuple, useront de leur force pour créer ce changement. Cependant comme je l’ai dit plus haut, la place de l’armée n’est pas la gestion du pouvoir politique. Les institutions africaines (CEDEAO, UA, etc.) gagneraient à être intraitables sur les questions de gouvernance et non jouer aux pompiers. Les peuples se dresseront de plus en plus contre la mauvaise gouvernance tant qu’ils ne trouveront pas de grands hommes pour conduire leur destinée. Comme disait le président (Thomas) Sankara, « le malheur des peuples révèle les grands hommes, mais ce sont les médiocres qui créent ces malheurs ».
«Les coups d’Etat de maintenant sont différents de ceux d’avant où c’est l’occident qui tirait les ficelles … », a dit Tiken Jah Fakoly, reggeamen ivoirien à Conakry, Guinée sur les ondes d’une radio locale. Etes-vous d’accord avec lui ou pas du tout d’accord avec lui ?
Un coup d’Etat est un coup d’Etat. Il marque toujours une rupture d’un ordre. Les raisons souvent qui conduisent à ce coup d’Etat sont différentes d’un pays à un autre. Cependant, ce serait illusoire de penser que derrière un coup d’Etat il n’y a pas d’enjeux. Il faut se méfier sur ces types de propos car l’Afrique reste et demeure un enjeu d’envergure pour le monde occidental, la chine, la Russie, l’Inde et la Turquie. D’une manière ou d’une autre, ces coups d’Etat sont toujours des opportunités de positionnement. Je crois que la réflexion doit dépasser cela et interroger notre capacité à être autosuffisant (sécurité, économie développement alimentaire, etc.) et éviter dans la stratégie de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les questions essentielles sont les suivantes : qui serons-nous dans 50 ans ? (Un peuple africain heureux ou un peuple africain esclave) que devons-nous faire pour éviter ces coups d’Etat ? Comment fédérer les intelligences pour une Afrique de bonheur, qui va nourrir le monde et quitter cette situation d’éternels assistés ? Comment faire en sorte que les hommes et des femmes intègres et intelligents s’intéressent à la chose politique. La question pour moi ne réside pas dans « qui est derrière, mais comment on fait pour qu’il n’y ait plus de coup d’Etat.
Rédaction de Farafinainfo.com