Dr. Mory M. Diakité : «Ce sont le DG et le pool financier qui décident tout»

Ce lundi 25 mars 2024, la Rédaction de Farafinainfo.com revient sur les faits marquants de l’[Actu de la Semaine en 3 Questions] en Afrique notamment le limogeage des DG & DGA de l’EDG, de la SONAP et de l’ANAIM en Guinée, l’élection présidentielle au Sénégal et la rupture des accords militaires au Niger. Entretien avec Dr. Mory Mandiana Diakité, Ingénieur agronome & DGA chargé de la recherche à l’IIFPIDCA (Institut Itinérant de Formation et de Prévention Intégrées contre la Drogue et autres Conduites Addictives).

 

                                            « Ce sont le DG et le pool financier qui décident tout »

1) – Le Général Mamadi Doumbouya, Président de la Transition Guinéenne, a limogé des Directeurs Généraux et leurs Adjoints de l’EDG (Électricité de Guinée), de la SONAP (Société Nationale des Pétroles) et de l’ANAIM (Agence Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières? Quel commentaire faites-vous de ces différents limogeages ? r

Le limogeage des DG de l’EDG, de la SONAP et de l’ANAIM et de leurs adjoints intervient au lendemain de la mise en place des membres du gouvernement dit Gouvernement Bah Oury. Ce limogeage aurait pu être interprété comme un signal fort pour le redémarrage de la refondation tant prônée par le CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement), si la montagne accouchait à un éléphant avec la nomination des membres de la nouvelle équipe gouvernementale. On a dissout le gouvernement avec fracas, pour reconduire à près de 50% les membres de l’équipe dissoute, après près d’un mois d’attente. Près d’un mois le pays est paralysé. Mais ce qui est inquiétant dans tout cela, c’est la spontanéité qui caractérise les prises de décisions majeures. Souvent on a tendance à dire que ce limogeage est lié aux émeutes d’électricité nocturnes sanglantes survenues en début de ce mois de mars 2024, marqué par une chaleur insupportable. On a dû faire un lien entre le manque de carburant et le délestage intempestif dans les quartiers. Mais je crois que les raisons sont à chercher ailleurs. Elles n’ont rien à voir avec la bonne gouvernance. Personnellement, je crois plutôt à une lutte d’influence au sommet de l’Etat, dans laquelle chacun se bat pour imposer son homme à la tête des régies juteuses comme celle des hydrocarbures, tout en profitant d’une situation donnée. Ce sont ceux qui n’ont pas juré la main sur le Saint Coran ou la Bible, qui poussent à la corruption à travers leurs pions. Et ils ne sont jamais rassasiés, comme pour dire que le bien mal acquis ne profite guère. Ils ne courent aucun risque d’ennuis judiciaires. S’ils doivent être traqués, c’est par leurs biens, mais pas par leurs signatures. Car, vous ne trouverez nulle part leurs signatures. C’est cela le système, qui se solidifie d’année en année. Le plus marrant dans tout cela, c’est qu’on ne cherche pas à comprendre le fond des choses. C’est-à-dire, qui a fait quoi ou qui est responsable de quoi. Sinon, en Guinée, on sait que les DGA ne sont associés à rien dans la gestion des affaires publiques. Ce sont le DG et le pool financier qui décident tout. Gare à un DGA de chercher à poser des questions pour comprendre l’orientation des fonds de leurs services, il trouvera son DG et son parrain sur son chemin. Cela n’a rien à voir avec la connaissance académique ou la compétence. Le système est tel qu’on est obligé à accepter les choses telles qu’on les a trouvées. La hiérarchie est piétinée, et le service personnalisé. C’est du monde à l’envers. C’est tout de même malheureux pour un pays qui prétend à la prospérité collective.

                                                         «Nul ne peut empêcher le soleil de briller par sa main.»

2)- Les électeurs sénégalais se sont rendus, dimanche 24 mars 2024, aux urnes pour élire leur prochain Président de la République parmi 19 candidats, qui n’ont eu que peu de temps pour battre campagne. Comment avez-vous observé cette campagne électorale? Avez-vous un candidat sachant bien que vous n’êtes pas Sénégalais, mais un intellectuel africain et observateur de la scène politique africaine ?

L’actualité au Sénégal est dominée par les élections présentielles tenues hier, le 24 Mars 2024, marquées par une campagne électorale écourtée en raison de la crise politique qui a suivi le report du scrutin. Dans ces conditions exceptionnelles, les candidats, au nombre de dix-sept après le désistement de deux autres, avaient multiplié ces derniers jours les déplacements et les rencontres publiques pour se faire connaître et présenter leur programme. Le chômage, l’émigration, la souveraineté, la crise du secteur de la pêche, l’école, les libertés publiques etc. étaient entre arguments au cœur des débats. Pour rappel, ils étaient près de 7,3 millions d’électeurs appelés à voter au      1er tour tenu ce dimanche, 24 mars 2024. Le scrutin a débuté à 8h et a pris fin à18h GM. Il s’est déroulé globalement dans le calme, avec un taux de participation apparemment élevé. Les résultats provisoires de ce premier tour doivent être publiés au plus tard le vendredi 29 mars. En cas de second tour, celui-ci sera organisé le deuxième dimanche suivant la proclamation par le Conseil constitutionnel des résultats définitifs du premier tour. Mais d’ores et déjà, les premières tendances donnent vainqueur le candidat du PASTEF, Bassirou Diomaye Faye, dès le premier tour. Il est même félicité par certains candidats via réseaux sociaux. Monsieur Faye, il faut le rappeler, était poursuivi et placé en détention préventive depuis avril 2023 pour outrage à magistrat, diffamation et diffusion de fausses nouvelles, est finalement élargi de prison suite à l’adoption de la loi d’amnistie générale portant sur les faits liés aux manifestations politiques entre février 2021 et février 2024. Doublure de l’opposant Ousmane Sonko, écarté en janvier de la course présidentielle, ce quadragénaire a bénéficié d’un laps de temps encore plus réduit que les autres candidats pour battre en campagne en personne. Libéré de prison jeudi en compagnie du maire de Ziguinchor, le co-fondateur du Pastef (Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethnique et la Fraternité, ndlr) joue la carte du « dégagisme » pour assainir la classe politique et promet de reconquérir « la souveraineté » du Sénégal, terme employé 18 fois dans son projet. Pour cela, il propose de se débarrasser du Franc CFA hérité du système colonial pour mettre en circulation une nouvelle monnaie ou encore de généraliser l’enseignement de l’anglais dans un pays dont le français est la langue officielle. Il affirme également vouloir renégocier les contrats des mines et des hydrocarbures ainsi que les accords de défense. Ce scrutin bien qu’il a enregistré la participation des teneurs de la classe politique sénégalaise, mais se joue entre le PASTEF et le candidat de la mouvance présidentielle, en l’occurrence, Monsieur (Amadou) Ba, le candidat de la continuité. En ce qui concerne mon choix parmi les candidats à ces élections, comme la quasi-totalité des panafricains, je supporte moi aussi le parti de Ousmane Sonko. Mais si la victoire de Monsieur Faye se concrétise, ce sera une véritable révolution de Palais. Et l’enseignement qu’on peut y tirer de cela est ceci : nul ne peut empêcher le soleil de briller par sa main.

                                             «Ces pays se battent pour se défaire du joug de néocolonialisme, qui … »

3)- Quel regard portez-vous sur le déroulement de la Transition Nigérienne dont le Chef de la junte, le Général Abdourahmane Tiani est en train de rompre les accords militaires signés par ses prédécesseurs Président de la République du Niger ?

L’actualité du Niger est marquée par l’annonce de la rupture de la coopération militaire entre ce pays Sahélien et les USA. Niamey a dénoncé ce 16 mars l’accord de coopération qui liait le Niger aux États-Unis. Elle a été annoncée par le porte-parole du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP, au pouvoir depuis le putsch du 26 juillet 2023), le Général Abdourahmane Tiani. Cela nous rappelle de la rupture des accords militaires entre un autre pays de l’Occident, notamment la France et les deux autres pays de l’AES (L’Alliance des États du Sahel), à savoir : le Burkina Faso et le Mali. Ces dénonciations en cascades des fameux accords établis secrètement entre ces pays et des puissances occidentales par des régimes antérieurs, prouvent que l’indépendance de ces pays était un processus inachevé. Les symboles de souveraineté étant tous confisqués. Ces pays se battent pour se défaire du joug de néocolonialisme, qui est aussi dangereux que l’esclavagisme et le colonialisme. Il est même la somme où le dérivé de ces deux fléaux. Ce qui est tout de même regrettable que la France et ses alliés n’arrivent pas à comprendre que le monde est bipolarisé, et que l’Afrique ne pourra plus être gérée comme on le faisait par le passé.

 

Rédaction de Farafinainfo.com

 

Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat