Depuis la sortie hier Mercredi, 29 juin 2022, du Président du CNT, Dr Dansa KOUROUMA, sortie au cours de laquelle il a interpellé Monsieur le Premier Ministre sur la nécessité de faire la déclaration de la politique générale du Gouvernement devant l’organe législatif dont il a la charge de diriger, des commentaires vont tous azimuts. Juristes, non juristes, tout le monde s’invite dans le débat. C’est l’actualité, donc tout à fait normal !
En effet, lors du lancement de l’atelier de formation pour le renforcement de capacité des Conseillers nationaux en matière de processus budgétaire, Dr Dansa KOUROUMA déclare en ces termes en s’adressant au Ministre du Budget présent à cet atelier, je cite : « Je vous réitère et je vous charge une fois encore de transmettre à Monsieur le Premier Ministre, chef du gouvernement, avec tout le respect dû à son rang, près de huit (8) mois après sa nomination, la représentation nationale, le peuple de Guinée attend toujours sa politique générale. Nous voulons savoir les grands axes stratégiques. Comment ce gouvernement compte transformer le quotidien des Guinéens ? Nous sommes pressés. C’est la troisième interpellation officielle de ma part. Je l’ai fait par courriers, je l’ai fait par rencontre. Aujourd’hui, je profite pour dire que c’est la dernière interpellation sur le sujet. Nous attendons avec exigence et insistance le discours de politique générale de son excellence monsieur le Premier Ministre. »
Si d’aucuns défendent dur comme fer qu’aucune disposition de la Charte de la Transition, qui fait office de Constitution en cette période charnière de l’histoire de notre pays, ne donne des prérogatives à Dr Dansa KOUROUMA pouvant lui permettre d’exiger au Premier Ministre, Monsieur Mohamed BEAVOGUI d’aller soumettre au CNT sa déclaration de politique générale, pour d’autres par contre le Premier Ministre doit, au nom du principe de la tradition républicaine, se soumettre à cet exercice prévu dans la Constitution dissoute.
Les premiers adossent leurs argumentations à l’article 52 de la Charte de la Transition qui dispose : « le Premier Ministre doit, dans un délai n’excédant pas trente (30) jours à compter de la date de nomination des membres du Gouvernement, soumettre pour approbation au Président de la Transition le plan d’actions de la feuille de route du Gouvernement de transition.» Certains parmi eux évoquent également les dispositions de l’article 50 de la même Charte, en son alinéa 2, qui dispose, parlant toujours du Premier Ministre bien entendu : « Il est responsable devant le Président de la Transition. » Pour les défenseurs donc de cette position, le Président du CNT se donne des prérogatives qu’il n’a pas. Bref, pour eux la démarche de Dr Dansa KOUROUMA manque de base légale.
Le deuxième groupe, quant-à lui, pense que le Premier Ministre doit se soumettre à cet exercice au nom du principe de la tradition républicaine.
Faisons un petit exercice. Dans les dispositions de l’article 57 de la Charte de la Transition, notamment en son point 3, parlant bien évidemment des missions du CNT, il est dit que cet organe législatif de la Transition doit : «…..suivre la mise en œuvre de la feuille de route de la Transition….. » La principale question qu’il faut se poser aujourd’hui est : Peut-on suivre une feuille de route dont on ignore carrément les tenants et aboutissants ?
La réponse est sans ambages non. Au-delà donc de la tradition républicaine, le Président du CNT, même si ce n’est pas expressément dit comme dans la Constitution dissoute, peut, au regard de l’article 57, en son point 3, exiger au Premier Ministre d’aller soumettre au CNT sa déclaration de politique générale. Contrairement donc à ce que certains commentateurs peuvent penser, cette sortie de Dr Dansa est en droite ligne avec les missions du CNT. D’ailleurs, peut-on suivre une feuille de route dont on ne connaît pas les tenants et aboutissants ? Peut-on éternellement rester dans ce pilotage à vue du Gouvernement ? À part le PM lui-même, le Président de la Transition, qui d’autre connaît la teneur de cette feuille de route ? Pourtant, même le citoyen lambda devrait être informé des moindres détails de ce document stratégique. C’est aussi cela la transparence dans la gestion de la chose publique
Sayon MARA, juriste