Interview de Monsieur Bâ Mamadou Alassane, Président du Parti pour la Liberté, l’Egalité et la Justice (PLEJ) –

Publié le 9 juin 2013 par Camara Mamady nterview réalisée par Camara Mamady Maghreb Quotidien

« Nous savons que le Président de la République d’après la constitution ne peut pas présider un parti politique. Mais un parti politique est libre de soutenir l’action du Président »

Le Président du PLEJ est un homme du sérail du pouvoir du Président Moktar Ould Daddah. Il fut plusieurs fois Ministres. Il a occupé les postes de Ministre de l’Education Nationale, de l’Information, de la Jeunesse et Ministre chargé du secrétariat du Parti Etat Parti du Peuple Mauritanien (PPM). Avant d’entamer une carrière d’ambassadeur en Roumanie et en Algérie. Il a été élu maire de Maghama. Puis consultant international des Nations Unies dans la République Centrafricaine.

Il fût candidat malheureux des dernières présidentielles. Entre les deux tours, il a rejoint le camp, qui est devenu le camp de l’opposition après la victoire de Sidi. Un camp que Bâ Mamadou Alassane vient de quitter pour rejoindre celui du vainqueur pour des raisons qu’il a expliqué dans cette interview. 

Pourquoi avoir quitté l’opposition à ce moment précis ?

Moi, je voudrais d’abord faire remarquer que comme nous l’avons dit dans notre déclaration dont je vous ai remis une copie, la coalition de l’opposition nous a exclu de fait. Pour la simple raison que le PLEJ n’a pas de députés à l’Assemblée Nationale. C’est moi-même qui avais demandé  à Monsieur Ahmed Ould Daddah, le chef de file de l’opposition mauritanienne, pourquoi le PLEJ n’assiste pas aux réunions de cette coalition. On nous a donné cette raison-là à deux reprises : « Vous n’avez pas de députés à l’Assemblée Nationale ».

Ensuite, je vous renvoie à notre texte – il faut savoir que notre cheval de bataille depuis 17 ans, c’est le retour organisé des déportés, la solution du passif humanitaire- qui font  aujourd’hui que nous appuyons l’action gouvernementale. Il se trouve que pour la première fois dans l’histoire de notre pays, un Président de la République qui s’appelle Sidi Ould Cheikh Abdallahi a eu le courage parce que quand même c’est un grand courage de reconnaître l’existence du problème des déportés. Ce problème, on dirait qu’il n’existait pas. Il reconnaît encore l’existence du passif humanitaire.

Sous le régime  déchu et celui du 3 août 2005, non seulement ces deux problèmes n’étaient pas résolus mais il ne fallait même pas en parler. La preuve, c’est qu’il y a eu une loi d’amnistie, qui solde entièrement ce problème de passif humanitaire. Lui, il a eu le courage de reconnaître l’existence de ce problème et, surtout de proposer des solutions. Il a envoyé une délégation à l’intérieur du pays et un peu partout.

Et même à l’extérieur, des mesures sont prises pour le retour de ces déportés. Il a parlé de passif humanitaire, il a proposé es solutions. Donc il a fait ce que voulait le PLEJ depuis 17 ans et que le PLEJ n’a jamais obtenu. C’est pour cette raison d’abord que le PLEJ dans une lettre qu’il lui a adressée l’a félicité, encouragé et a demandé à ce que l’on encourage. 

Après l’entrevue que j’ai eue avec le Président Sidi, j’ai eu la certitude qu’il est animé par la volonté de donner à tous les mauritaniens une même égalité de chance. A partir du moment où il a résolu le problème qui constituait le cheval de bataille du PLEJ et à partir du moment où il est animé par une telle volonté, c’est normal qu’on l’appuie, qu’on l’aide pour qu’il continue dans la voie qu’il a tracée, qui est une bonne voie. Une bonne voie, pas seulement pour les Négro-mauritaniens, mais une bonne voie pour le pays pour la consolidation de l’Unité nationale. Parce qu’encore dans cette affaire, c’est l’intérêt du pays qui est en jeu. Pour son courage, je suis sûr que son nom fera date dans l’histoire de la Mauritanie.

S’il  a eu le courage pour résoudre ce problème, comment pouvons-nous rester passifs dans cette histoire alors ?

Si nous serons passifs, c’est que nous ne sommes pas logiques avec nous-mêmes. Si nous continuons à nous opposer à lui, c’est que nous ne sommes pas logiques avec nous-mêmes. Cela d’autant plus, qu’il y a des gens qui sont contre cette politique-là. C’est l’une des raisons supplémentaires pour que nous l’aidions.

 Un parti demande quelque chose pendant 17 ans, Maâouiya Ould Sid’Ahmed Taya, son prédécesseur, qui a provoqué ce problème, a refusé de le reconnaître. Sidi est allé plus loin, non seulement il reconnaît l’existence du problème du passif humanitaire, mais aussi il recherche à le résoudre. Il a fait voter une loi discriminant la pratique de l’esclavage. Il a également fait quelque chose d’impensable sous le régime déchu à savoir rencontrer le mouvement des FLAM. Un mouvement qui a été toujours diabolisé. La direction du parti a décidé en collaboration avec toutes ses sections de soutenir l’action du Président de la République.

Certes le Président de la République a pris une très bonne décision en annonçant le 29 juin dernier dans son discours le retour des déportés dans la dignité et le règlement du passif humanitaire, mais les déportés ne sont pas encore de retour en Mauritanie, encore moins que le passif humanitaire ait trouvé solution.

En plus pourquoi avoir attendu que vous soyez poussé à la porte pour soutenir l’action gouvernementale ?

Comme le Président a commencé quelque chose, il nous revient d’aider le Président. Le retour des déportés, ça demandait quoi ? Cela demandait une concertation, une rencontre avec les déportés. Cette rencontre a eu lieu au Sénégal. Ce retour demande quand même une organisation au niveau du pays. Mais il y a eu une délégation envoyée à l’intérieur du pays. Cette délégation a tenu des meetings un peu partout, les membres de cette délégation ont promis le retour des déportés partout. Et même dans le discours du Président pendant le mois béni de Ramadan, il a demandé que ses compatriotes accueillent les déportés. Donc il a déjà commencé à faire des actions concrètes. Et encore entrepris des démarches auprès du Haut Commissariat des Réfugiés (HCR). On ne peut pas dire qu’il ne respectera pas ses engagements. Je suis sûr que rien ne l’empêchera de mener jusqu’au bout l’objectif qu’il s’est assigné.

Si le PLEJ n’avait pas été exclu, sincèrement seriez-vous aujourd’hui partant pour soutenir l’action gouvernementale ?

Même si nous avons été exclu, cela n’empêche pas de dire que nous soutenons l’action gouvernementale et que comme nous l’avons dit que nous avons quitté l’opposition. Les raisons sont expliquées et précises dans notre déclaration. Et je voudrais aussi préciser que le PLEJ reste PLEJ avec son programme spécifique. 

Il n’y a pas plus de doute que  le PLEJ a quitté l’opposition et soutient l’action du président Sidi pour ne pas dire du gouvernement. Quelle est la position du PLEJ par rapport à la création d’un parti pour la majorité présidentielle ?

Ce que je peux vous dire seulement, c’est que le PLEJ est un parti qui a son programme. Tout son programme n’est pas encore pris en charge par le pouvoir. Et nous l’avons dit, mais nous pensons que Sidi, compte tenu de ce qu’il a fait, est bien indiqué pour résoudre nos problèmes. Et nous continuerons à demander à ce que les autres points de notre programme soient satisfaits. Compte tenu de ce qu’il a déjà fait, des signes forts qu’il nous a déjà montrés, il est bien indiqué pour satisfaire même si ce n’est pas tout le programme du PLEJ, mais de satisfaire une bonne partie de notre programme. 

Pour ou contre la création du parti pour la majorité présidentielle ?

Mais, nous ne pouvons pas être contre la création d’un parti. Nous savons que le Président de la République d’après la constitution ne peut pas présider un parti politique. Mais un parti politique est libre de soutenir l’action du Président. C’est ce que nous avons fait.

Ceux  qui réfutent l’idée de la création d’un Parti – Etat, disent ‘’ redouter du retour à la case du départ’’. Pas vous ?

Je crois que le Président a répondu à cette question. Il a dit : « qu’il est au-dessus des partis. Et qu’il ne va pas faire un Parti- Etat. Qu’il va donner la même égalité de chance à tous les partis politiques ». Il n’est pas le Président d’un parti politique, il est le Président de tous les Mauritaniens.

Qu’est-ce qui vous rend si confiant que le Président Sidi traitera son parti et les autres partis au même pied d’égalité ?

En tant que Président de tous les Mauritaniens, il ne va pas favoriser telle région ou telle tribu. Je dis non ! Il est là et il doit donner à tous les Mauritaniens une même égalité de chance, au niveau du développement et dans tous les secteurs. Certes, on ne peut pas savoir ce que le Président va faire dans l’avenir. Ce qu’on peut, c’est que nous pouvons lui accorder un préjugé favorable. Compte tenu de ce qu’il  a fait concernant les déportés, le passif humanitaire, l’esclavage et la réception du mouvement FLAM. Pour tous ces faits, nous ne pouvons que lui accorder un préjugé favorable.

J’ajoute que je le connaissais aussi personnellement. Je sais que c’était un homme de vertu et de cœur. Ça je le dis parce que j’ai été Ministre avec lui dans un même gouvernement pendant huit ans. Je peux même vous raconter des anecdotes que c’était un homme de cœur, qui sait avoir pitié. Vous êtes au courant qu’il visite les hôpitaux. C’est un homme de beaucoup de qualités vertueuses.

Comme vous lui reconnaissez de nombreuses qualités nobles, pourquoi vous ne l’avez pas soutenu entre les deux tours des présidentielles des 11 et 25 mars derniers ?

C’est une bonne question, parce qu’en ce moment, il n’avait pas concrétisé ce qu’il est entrain de faire maintenant. Parce qu’on peut parler en politique sans agir. Maintenant,  il y a eu des actions concrètes, le retour des déportés, …

En soutenant aujourd’hui l’action de Sidi, le Président de la République, qu’est-ce que les Mauritaniens peuvent attendre de vous ?

Ce que les Mauritaniens attendent de nous ? C’est la réalisation de ce qu’ils souhaitent. Qu’est-ce qu’ils souhaitent les Mauritaniens ?! L’égalité de chance entre tous les Mauritaniens. Ils ne veulent pas qu’on fasse le favoritisme, le tribalisme et le régionalisme. Ce que nous attendons justement que notre programme spécifique soit réalisé. Je crois que quand les différents points de notre programme seraient réalisés, ça serait dans l’intérêt de la Mauritanie, et non du PLEJ. Parce que cela va contribuer à l’Unité Nationale.

 Donc notre position va faciliter la solution des problèmes mauritaniens. Si ces problèmes sont résolus, ce n’est pas l’intérêt seulement du PLEJ, c’est dans l’intérêt de la Mauritanie. Si les déportés reviennent, ce n’est pas seulement  dans l’intérêt des Négros mauritaniens, c’est dans l’intérêt de la consolidation de l’unité nationale. C’est tout comme le règlement du passif humanitaire, c’est dans l’intérêt de tous les Mauritaniens parce que cela aurait pu arriver à d’autres. C’est pour cette  raison, qu’il doit y avoir un élan de solidarité pour soutenir l’action de Sidi. C’est dans l’intérêt des deux communautés, donc dans l’intérêt du pays.  

Maghreb Quotidien (Mauritanie)