OPINION. La situation sociopolitique guinéenne laisse l’impression qu’elle s’apparente à une énigme. Difficile dans ces conditions, de ne pas revoir les axes, l’orientation donnée à la marche de notre République, les possibilités d’interprétation des caricatures sociales, le fondement de notre République, les comportements d’ordre politique, social et éthique de notre société, le véritable diagnostic de notre société est d’actualité.
Depuis quelque temps, notre quotidien a arrêté de faire rire pour devenir une source de légitimation d’une grande inquiétude.
Inquiétude tant sur la qualité de la gouvernance
Inquiétude tant sur le contenu de la transition
Inquiétude tant sur le profil des décideurs publics
Inquiétude tant sur l’orientation donnée à la marche de notre République
Inquiétude tant sur l’étouffement de nos valeurs sociales, la parole donnée…
Inquiétude tant sur le mutisme de l’élite, un mutisme coupable sur la voie d’être dissoute à l’aune d’une plaque de fer plongée dans de l’acide
Inquiétude tant sur le forfait de l’élite à la pitance de chaque exécutif…
Eh bien, il est des moments de l’existence où un peuple se doit de se tourner vers ce qu’il a produit de valable et y puiser cette bouffée régénératrice qui lui dit que tout n’est pas perdu. A ce moment où précisément notre Guinée, telle une mère abandonnée, semble se demander : « Mais, où sont mes vaillants fils » ?
Nous sommes à ce jour à trois coups d’État et il serait trop de dire que c’est un symbole de grand malaise. Et quand il y a un malaise de ce genre, il sied de s’interroger sur les causes profondes et chercher des solutions.
D’où la nécessité d’avoir une élite responsable, pro active mais très malheureusement, tel n’est pas le cas.
Notre société va très mal, « l’élite de l’élite » qui détient en grande partie le pouvoir suprême en France, nous dicte sa loi et sa vision à tous niveaux : économique, administratif, politique, financier… et verrouille le système par ses réseaux d’influence qui étouffent dans l’oeuf tous les germes du changement !
C’est un drame national ! L ‘élite guinéenne s’éloigne de plus en plus des préoccupations du peuple et irrigue de son discours parfois abscons, parfois panégyrique et cousu de contre-vérités, le débat public. Quand on observe ce petit monde, avec ses travers abjects, le défilé organisé lors de l’appel du CNRD lancé aux acteurs de la vie sociopolitique après le 5 septembre 2021 au palais du peuple, chacun venant avec son chapelet de plaidoyers, la déduction est vite faite : c’est la faillite de l’élite.
Nous traversons malheureusement cette période et nous nous enfonçons dans une époque coupable d’avoir proposé à l’opinion publique une image bienveillante de médiocres, des détrousseurs de peuple et des bouffons obscurantistes plus audibles au cœur de l’exécutif. Et cette sympathie est entérinée par le fait qu’ils ont le droit d’occuper la sphère publique et réclament le monopole de la conduite des affaires de la nation dans tous ses aspects politiques, économiques et sociaux.
Le plus inquiétant reste le fait absurde que le choix des commis de l’Etat porte sur des personnalités de faible acabit, comment comprendre la promotion d’un ministre incapable de performer une direction sectorielle ? André Malraux écrivait ceci : ‘’Il faut se défendre des absurdités de la vie, et l’on ne peut se défendre qu’en créant ».
Créer une dynamique de compétences, une rupture beaucoup plus orientée sur une organisation de notre société à tous les niveaux et non ressasser les pratiqueses de gouvernance qui ont sapés l’avenir de ce merveilleux pays.
La première des responsabilités, le premier des devoirs des dirigeants, c’est d’être un exemple à suivre. Comment prétendre entrainer les populations et dire ce qu’il y a lieu de faire et comment le faire, lorsque l’on n’est pas soi-même irréprochable ?
Il faut bien reconnaître qu’une dérive s’est peu à peu installée dans le dispositif de gestion du pays par le CNRD, par laquelle il s‘autorise à s’affranchir des règles et procédures communes alors que les priorités sont ailleurs. Qu’on arrête de fabriquer les célébrités dépourvues de toutes valeurs républicaines.
S’arranger avec les lois, profiter des situations de pouvoir, échapper à ses devoirs : comment certains peuvent-ils se laisser aller à de tels comportements qui ont des conséquences désastreuses sur la légitimité de l’ensemble de la classe dirigeante ?
Au fond, la principale mission des classes dirigeantes, c’est de fournir, en continu, davantage de sécurité face aux divers risques qui menacent la nation dans son ensemble et chacun des citoyens. Dit autrement, une structure de gouvernance tire sa légitimité de sa capacité à protéger le peuple dont il a la charge. Protéger de quoi ? Jadis, c’était des périls extérieurs, par la mise en place d’une armée puissante capable de refouler les ennemis.
Aujourd’hui, c’est plutôt d’autres périls tels que la pauvreté, plus de liberté et d’accès à l’information, le chômage, l’insécurité au quotidien, le libre choix des dirigeants…
Confucius disait que, s’il avait à retenir le facteur le plus important pour la défense d’un pays, entre des armes efficaces, des provisions en abondance, ou la confiance du peuple dans ses dirigeants, il choisirait sans hésiter ce dernier élément.
Dans l’exercice collectif de refondation de la gouvernance et/ou de la rectification institutionnelle, l’examen de conscience prévaut.
Les causes de la servitude et du pouvoir du tyran selon La Boétie : en premier, il y a l’ habitude (tradition perpétuée de l’ esclavage et de l’ obéissance transmise de génération en génération); en second, il y a la lâcheté (peur de défendre la liberté ou même de désirer être libres de la part des soumis, pourtant plus nombreux et plus forts que le tyran); en troisième, la cupidité des hommes (surtout des courtisans, qui espèrent tous bénéficier des largesses du tyran), et pour cause, le tyran crée une chaîne de soumission des hommes les uns envers les autres, en créant des chefs, des sous-chefs et des hommes de mains (en milliers) qui ont pour mission de soumettre leurs semblables.
La situation politique, économique et sociale de la République de Guinée est angoissante et incompréhensible. Elle est potentiellement dramatique. Elle risque d’avoir des répercussions destructrices pour l’État et pour les jeunes générations qui ne connaissent que haine, animosité, jets de cailloux et manipulations de tout ordre.
Une classe de dirigeants incapable de mesurer le poids de la responsabilité qui lui est confiée et ne réalise à quel point elle porte préjudice au pays : les concepts se sont renversés, les valeurs perdues, la servilité et l’obédience sont érigées en politique d ‘ État.
Dans cinquante-deux jours, le CNRD affichera au compteur ses trois ans à la tête du pays mais rien n’a été mis en œuvre pour donner un contenu véritable à la transition, une orientation structurée de la marche de la République encore moins les débats publics dans un cadre dédié à cet effet. Et le pays restera otage de toutes sortes de manœuvres politiciennes aux relents de calculs étroits et de basses tactiques tant que cette situation ne changera pas. Entretemps, Conakry, la capitale guinéenne paye au prix fort le décor de l’obscurité offert par EDG, des abus au quotidien, des rapts, un Procureur Général qui semble ignorer la portée de la robe judiciaire et le rôle qui est le sien.
Le peuple guinéen n’a point besoin d’une classe de dirigeants amorphes et dont la cupidité se dispute à la fourberie. Il a besoin d’une élite à même de leur apporter des solutions pour se tirer du bourbier infernal dans lequel il se trouve actuellement.
Le rôle d’un acteur sociopolitique, d’un commis de l’Etat n’est pas de produire des louanges par la soumission contreproductive pour le pouvoir en contrepartie d’une distribution de la rente, mais d’émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité pour faire avancer la société.
Le pilotage d’une transition politique est souvent l’œuvre des militaires qui s’assignent comme mission fondamentale la Restauration de l’ordre et la mise en place des institutions républicaines crédibles, d’une gouvernance viable. Eléments qui favorisent l’enracinement d’une alternance politique sans heurts.
Il est une évidence que la valeur temporelle est un facteur déterminant dans le processus des transitions politiques. Elle est souvent sujette à l’élaboration d’un projet de société novateur et à son applicabilité.
Parler de la transition politique, c’est donc parler de changement radical ou de rupture avec un pouvoir déchu. Mme Fabienne Marion l’écrit clairement : « La transition n’est pas un simple ajustement de système, mais une reconfiguration fondamentale du fonctionnement de l’organisation d’un système «.
Plutôt de favoriser les sorties de piste improductives dans l’exercice du pouvoir, le Président Général Mamadi DOUMBOUYA devrait jeter son dévolu sur :
- Le choix des hommes pétris d’expérience, animés par la défense de l’intérêt général, le patriotisme, l’humilité et l’intégrité morale. Pour la réussite d’une transition transformationnelle, le choix des hommes est un critère très déterminant.
- L’expertise nationale qui maîtrise, avec érudition, le formalisme juridique, la sémantique constitutionnelle, l’Histoire, l’Économie, les Finances publiques, la Sociologie politique, le New mangement Public…
- La contribution des ressources étrangères, dans un processus de transition politique, il n’est pas exclu de faire appel à des expertises étrangères suffisamment outillées en Droit constitutionnel et dans d’autres spécialités incontournables pour bâtir les fondements de notre République. Dans un cadre structuré, dynamique, Ils travailleront avec leurs collègues nationaux.
Il est à préciser aussi que dans les processus des transitions politiques, les enjeux reposent fondamentalement sur la future gestion de l’État, la modernisation des Institutions, notamment la mise en œuvre d’une nouvelle Constitution, d’un code électoral crédible.
Sans prétention à l’exhaustivité, nous savons que bien d’universitaires ont été cooptés et nommés à des positions de pouvoir, d’autorité et d’influence dans la classe dirigeante. Mais qu’ont-ils fait substantiellement pour développer le pays ? Rien ! La mal gouvernance, la corruption, le tribalisme, le népotisme, l’injustice et l’insécurité règnent en maitre absolu.
Il est donc sidérant de constater à quel point les acteurs de notre société politique et civile manquent à leurs obligations ! et Quand il n’y a plus de référentiels de valeurs dans un pays, le peuple est foutu.
L ‘éthique intellectuelle étant bafouée, piétinée, plaquée depuis belle lurette. Ils sont impliqués dans des polémiques primitives et des conflits insignifiants, s’abaissant plus bas que des béotiens.
C’est ainsi qu’ils ont mis fin à tout modèle positif pouvant servir d’exemple pour les différentes franges de la société. Ils ont tout détruit et faciliter un corporatisme de médiocres émerger.
Par son immobilisme, l’espace public se trouve animé par des acteurs moyenâgeux sans niveau académique nécessaire ni une culture politique pouvant servir avec dextérité la société guinéenne.
Très malheureusement, notre société a fabriqué et raffiné de décennie en décennie des générations entières d’autistes.
Doussou Mohamed KEITA
Economiste Manager / Cadre exécutif en entreprise
Tél : 622 03 54 79
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