Le Grand Rendez-vous : Baye Oumar Niass raconte sa Mauritanie et dénonce les injustices

Il y a exactement 61 ans, la Mauritanie accédait à l’indépendance – Il est jeune sérieux, talentueux et très ambitieux pour son pays, la Mauritanie. Baye Oumar Niass, qui a plusieurs cordes à son arc, s’est lancé à la conquête de la mairie de Sebkha. Cette toute première candidature politique qui s’est soldée par un échec plutôt par une grande expérience politique. Dans ce Grand Rendez-vous, il en parle et revisite la douloureuse page de l’histoire de la Mauritanie …

Qui est vraiment Baye Oumar Niass ?

Baye Oumar Niass, est un jeune Mauritanien né en 1986. J’ai fait mes études primaires à l’Ecole et la vie, le collège à El Mina, la Seconde au lycée national et je suis revenu faire la Terminale à l’Ecole et la Vie. J’ai eu mon BAC et poursuivi mon cursus à l’Institut Supérieur de Comptabilité d’Administration des Entreprises (ISCAE) où j’ai obtenu ma Licence en Administration et Finance Locale. Plus tard, je me suis lancé dans un concours qui m’a permis de bénéficier d’une bourse d’étude à l’Université Senghor d’Alexandrie, en Egypte où j’ai obtenu le diplôme de Masters, spécialité Gouvernance et Management Public.

Vous avez apparemment plusieurs cordes à votre arc n’est-ce pas ?

Effectivement j’ai plusieurs casquettes au sein des organisations de la société civile comme l’Association Houboul Watane Ex-Président, par la suite devenu Coordinateur du mouvement citoyen pour le développement de la commune de Sebkha (MCDS). Membre de l’Association des cadres d’appuis à la Décentralisation(ACAD), Coordination des ONG Nationale du Gorgol, chargé de communication du label Prestige Communication pour monter des émissions à la TV et débattre sur les sujets d’actualité dont la gouvernance de manière générale. Toutes ces organisations ont été, pour moi, un engagement citoyen dans l’optique de créer un déclic sur le changement de paradigme que nous devons employer en tant que citoyen.

Joyeux et bel anniversaire à la République Islamique de Mauritanie, qui fête le 61ème anniversaire de son ascension à l’indépendance. Avez-vous un souhait à formuler voire un vœu pieux à faire pour les prochaines années ?

61 ans d’indépendance et que nous sommes dans cet état, à l’instar des autres pays, qui ne dispose pas 1/3 de nos ressources naturelles avec une population de 4 millions d’habitants. Nous devons nous poser la question de savoir pourquoi à ce stade nous n’arrivons pas à décoller ? J’exhorte nos gouvernants à mettre en œuvre une nouvelle dynamique structurelle, à bâtir un nouvel Etat. Cela nécessite une inclusion de toutes les communautés et des forces vives dans les instances pour fédérer toutes les énergies afin de répondre dans l’immédiat et plus encore aux besoins de nos concitoyens.

Ainsi, en écoutant le cri de cœur des habitants, qui ne demandent que la satisfaction de leurs besoins les plus élémentaires dont une éducation de qualité suivi d’emploi décent et durable, une assistance sur le plan sanitaire sur toute l’étendue du territoire, favoriser une économie locale, une justice sociale équitable.

Il est aussi important de rappeler que la question des évènements douloureux n’est pas réglée et cela est un fardeau pour tous les Mauritaniens épris de justice, le 28 Novembre 1990, 28 soldats negro-mauritaniens ont été pendus à Inal pourquoi, parce qu’ils sont noirs ou avoir tentés un coup d’état, y’avait pas un autre moyen de «juger». Les coupables de chaîne de commandement doivent tous répondre de leurs actes ignobles. Ces évènements survenus des années de braise nous laissent perplexe, une fête pour certains et un deuil pour les familles des victimes à qui nous accordons toute notre solidarité.

Face aux multiples défis de notre pays, j’adresse mes vœux à toute la population mauritanienne et plus particulièrement à nos dirigeants à qui je demande de s’armer de courage et d’une vision claire, d’action cohérente et concertée et un langage de vérité pour récréer la confiance, redresser la situation et de rassembler toutes les filles et tous les fils pour faire face au repli, à la peur et au défaitisme. Mais justice doit être rendue !

Je dis à la jeunesse, tirons les enseignements de nos hommes politiques, refusons d’être considérée comme des moyens ou cibles mais plutôt des acteurs, qui aspirent à un changement profond du système.

Faisons-nous confiance, en nous donnant les moyens pour notre autonomie. Je vous dis clairement et avec la plus grande honnêteté que je ne suis pas du genre à faire des cadeaux pour mériter votre soutien, car je ne me définis pas comme le leader de la jeunesse mauritanienne, mais juste un citoyen qui aspire à vivre en paix, travailler et défendre les couleurs de son pays multiculturel et multiethnique.

Hier encore nous rêvions d’un vrai changement au profit de tous, aujourd’hui nous constatons une déviation des objectifs communs.

A monsieur le Président Mouhamed Cheikh Ould Ghazwani, je demande d’inculquer aux membres de son Gouvernement l’obligation des résultats suivant leurs portefeuilles et bannir la discrimination raciale.

Que retenez-vous de ces années de souveraineté nationale et internationale en tant que citoyen mauritanien et homme politique ?

De ces années d’indépendance, je retiens cette injustice à outrance qui donne une mauvaise image de ce pays multiculturel et multiethnique : (Maure, Pulaar, Soninké, Wolof et Bambara), censé vivre en harmonie. Néanmoins, des séries de crises restent en suspens à savoir :

  • Le génocide des années 86 à 92 appelé «Passif Humanitaire»
  • Le retour des déportés des évènements de 89 qui n’ont pas recouvert leurs droits.
  • Les 28 soldats pendus sans justice.
  • L’exclusion de l’enrôlement biométrique.
  • Une seule élite qui détient le monopole du pouvoir
  • L’esclavage et ses séquelles
  • Répression de toutes personnes épris de justice.
  • L’extrême pauvreté qui sévit la population vivant dans le milieu rural
  • Le manque de politique d’ajustement structurel (Education, santé, emploi, environnement)
  • Le manque d’équité et de justice dans les affaires publiques

Je peux continuer de citer encore et encore car la plaie est plus profonde que l’œil du cyclone. Etc.

Quelle lecture politique faites-vous de l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie ?

Depuis les années d’indépendance jusqu’à nos jours, la Mauritanie continue à être dans un tournant critique à la fois politique, économique, environnemental et social, qui impacte la vie quotidienne des mauritaniens. Ce changement tant rêvé pour une Mauritanie unie, développée et prospère peine à sortir du lot de l’extrême pauvreté, d’injustice et de discrimination d’une frange de la population.

D’une part, le positionnement de la classe politique dite opposition où chaque parti à un slogan comme cheval de bataille, mais concrètement ne se donne pas les moyens de sa politique pour arriver à leur fin.

D’autre part, une majorité mécanique, qui exploite la misère des populations et qui peine à poser des actes forts pour un changement drastique des conditions de vies malgré tous les leviers dont ils disposent. Les récents évènements de Koubeni et R’kiz ne sont que l’effervescence de la colère populaire.

Enfin, une société civile politisée qui devrait jouer le rôle de régulateur, devenue un abonné absent sur tout ce qui se fait et se défait.

Cette unité nationale et cohésion sociale ont été tant attendues et cherchées pour donner à chacune et chacun les moyens de se construire dans la dignité totale et absolue avec les mesures d’accompagnement d’un état équilibriste. Mais hélas la même configuration se dessine après chaque nouvel occupant du Palais Ocre, dans les nominations, et concours. Cette situation indélicate et frustrante sape le moral et le fondement de cette unité nationale recherchée. Il est inadmissible de concevoir la construction d’un pays comme le nôtre à travers le prisme d’une seule communauté.

Les problèmes sont nombreux : les évènements douloureux de 86/92, l’épuration d’une seule communauté appelée aujourd’hui «Passif humanitaire», un lourd fardeau pour chaque nouvel élu pour régler le problème définitivement. Selon moi, les coupables doivent répondre de leurs actes et les victimes doivent recouvrir leurs biens et droits et obtenir réparation.

Un débat national sincère entre les acteurs doit se poser afin de définir quelle Mauritanie voulons-nous d’ici 30 ans ? On peut aisément deviner que l’heure d’un profond changement de paradigme s’impose à tous les niveaux, seule à même de sauver du peu qui reste avant sa dérive perceptible et cela n’est plus une option mais un impératif.

L’extrême pauvreté et le manque d’emploi au niveau de cette population (plus de 70% jeunes) dont la force n’est pas exploitée à bon escient, la délinquance prend de l’ampleur, la flambée des prix des denrées alimentaires à cause de la fureur et la terreur de nos populations. Ce combat je ne le mène pas pour ma personne mais pour nos enfants et leurs futurs enfants. J’ai décidé depuis très jeune de m’impliquer dans la vie de nos communautés en participant aussi bien à leur relèvement qu’à leur épanouissement.

Autres faits, comment vouloir lutter contre la gabegie et détournement des deniers publics et n’incriminer qu’une seule personne, hors que la liste est très longue. Quand on veut atteindre ses objectifs faut y aller en demi-mesure.

Je reste conscient depuis toujours de mes droits, mais aussi et surtout de mes responsabilités, en tant que jeune de servir mon pays dans tous les fronts, mais jamais je ne saurais accepter l’injustice, la discrimination raciale, le clientélisme et le népotisme dans ce pays et me taire.

Malgré toutes les ressources naturelles et potentialités, il est inconcevable que nous vivons dans cette situation pitoyable (manque d’eau, électricité, pas d’autosuffisance alimentaire, pas de système de santé performant, idem pour l’éducation). Bon Dieu qu’est ce qui ne va pas chez nous.

Enfin faire très attention à nos frontières, renforcer d’avantage le dispositif sécuritaire.

Avez-vous tiré les leçons de votre toute première candidature à la mairie de la Moughataa de Sebkha ? Si oui quelles étaient les vraies raisons de votre échec?

Bien évidemment, car c’était notre première candidature à la municipalité, nous pûmes en tirer beaucoup d’enseignements sur la scène politique machiavélique où vous vous faites dévorer et dissuader si vous ne croyez pas à votre engagement et au combat de vos concitoyens pour changer la donne et proposer une nouvelle démocratie qui permettra de faire de la politique autrement. Cependant sur les 45 candidats à la municipalité de Sebkha de 2018, nous avons occupés la onzième place : ceci dit l’avenir est un atout précieux et notre cerveau cherche à établir des analogies entre des éléments du passé et du présent pour mieux comprendre et appréhender notre situation actuelle, chose qui ne doit pas nous décourager. Nous avons proposé un programme très ambitieux et réalisable et étions convoités par les partis politiques qui étaient au second tour pour lesquels notre soutien était déterminant. Nous avons décelé les failles et les erreurs commises pour ne pas tomber sur les mêmes pièges.

Nos échecs :

  • Inexistence des cellules de bases pour assurer la coordination des actions.
  • Nous n’avons pas travaillé le terrain, faute de moyens logistiques et financiers.
  • Le choix des membres du comité de pilotage et des conseillers.
  • Manque d’implication des doyens d’âges ou déléguer des quartiers

Donc j’assume l’entière responsabilité de cet échec, car j’ai refusé l’immixtion du parti PLEJ dans la formation de la liste des conseillers.

Comment se porte votre MCDS (Mouvement Citoyen pour le Développement de Sebkha) ?

En ce qui concerne le Mouvement Citoyen pour le Développement de la Commune de Sebkha (MCDS), cela découle d’une large concertation entre nous les quatre jeunes ex-candidats (es) à la municipalité de 2018 afin d’être une force de proposition et d’action et surtout veiller à la bonne gestion des affaires de la cité. Veiller à ce que les élus prennent les bonnes décisions et surtout alerter les citoyens sur les approches des politiques publiques. Une rencontre a été organisée avec l’actuel Maire après sa prise de fonction pour lui faire des propositions sur la gestion et l’implication des habitants afin qu’il y ait plus de participation et de partage d’information sur les actions envisagées. Ce mouvement est toujours en action pour concevoir de nouvelles approches et ouvrir ses portes à tout citoyen résident dans la commune de Sebkha.

Et vous vous préparez pour les prochaines échéances électorales ou pas ?

Non ! D’abord il est important de signaler que je ne suis dans aucun parti politique et que je ne songe pas me représenter à nouveau pour les prochaines élections, car je ne me retrouve pas dans les démarches de nos partis politiques et après mûre réflexion, j’ai décidé de faire profil bas et me focaliser sur mon travail en tant responsable d’une antenne à Kaédi. Mais cela ne veut pas dire que je démissionne de la scène politique, car je garde toujours mes convictions, principes et engagements pour continuer mon action politique à savoir travailler pour le bien de la population, poster des articles en faisant lumière sur les faits et proposer des pistes de solution.

Quel souvenir gardez-vous de votre expérience journalistique en tant de chroniqueur dans l’émission «L’entretien 30 minutes pour convaincre» ?

Ce fut, une très belle expérience avec une équipe expérimentée, dynamique et motivée. Le concept était dédié à tous les administrateurs, élus, acteurs de la société civile, politiques afin de rendre compte de leurs gestions et proposer des solutions idoines pour remédier aux maux des citoyens mauritaniens. Faute de sponsors, refus de certains administrateurs de répondre à nos invitations, nous n’avons pas pu continuer à produire et à diffuser les émissions.

J’avoue que nos élus n’aiment pas être secoués sur les plateaux !

Quelle analyse faites-vous du traitement de l’information dans la presse écrite traditionnelle et dans les médias socio numériques en Mauritanie ?

D’une part, la presse écrite et audiovisuelle, elles doivent s’investir davantage à suivre les portefeuilles (Mission et budget alloué) pour chaque ministères, agences et autres directions en charge d’exécuter les politiques publiques du gouvernement. Cette mission de suivi permettra aux concitoyens de s’imprégner sur le service rendu de nos acteurs.

D’autre part, elle doit relater les faits du pays, sur toutes les formes de discriminations dans les concours car elle doit jouer pleinement son rôle de 4 pouvoirs.

La HAPA doit revoir sa politique afin de produire un nouveau cahier de charge instituant les TV (privées et publiques) de respecter la déontologie de l’information c’est-à-dire partager juste et vraie et non censurer. Un équilibre doit se faire dans toutes les langues et émissions.

Vous avez dit dans une interview accordée à la journaliste Awa Seydou Traoré : «Le message que je lance à l’endroit de nos élus, est de revoir leurs postures. Nous avons besoin d’un climat social stable de sécurité, d’unité pour aborder l’avenir, surtout d’emploi décent. Nous constituons la majorité de la population désœuvrée et qui ne sommes sollicités que pendant les élections. Chose  que nous déplorons ! Qu’ils sachent au-delà de leurs casquettes d’élus qu’ils n’oublient pas ceux qui leurs ont amené au pouvoir (…) Nous continuons à attirer l’attention de tout le peuple mauritanien, particulièrement la jeunesse mauritanienne à s’imprégner davantage  des défis et du rôle premier plan à jouer pour une meilleure prospérité. Qu’ils comprennent que nous ne sommes pas des cibles, mais des acteurs assoiffés de changement ». Ce message lancé en 2017 est toujours d’actualités ou pas

Je maintiens la même position d’où ma nouvelle conception «LE POLITIQUE» répondre aux exigences de son peuple et non pas sa tribu, communauté.

Avez-vous vraiment le sentiment d’être écouté, entendu et (in)compris ?

Tantôt oui, tantôt non ! Je suis écouté après chaque sortie (médiatique) que ce soit sur les panels, plateau TV, réseaux sociaux quand je décide de nettoyer ma gorge sur la situation du pays, Parfois, je suis un incompris sur mes prises de positions, car la notion de transgresser les barrières est mal vue par les ainés et que je refuse d’être un béni-oui-oui en tout et dans tout.

Quelles seront les prochaines étapes de votre vie politique ?

Pour le moment, j’ai décidé personnellement d’arrêter la politique et me concentrer sur les projets de développement. Néanmoins j’aurais toujours un mot à dire en tant citoyen mauritanien indépendant des partis politiques. Le reste l’avenir, nous le dira car je suis née politique.

La Grand Rendez-vous de Farafinainfo.com réalisé par Camara Mamady