Mauritanie: Y-a-t-il un diagnostic de l’éducation en Mauritanie comme celui de l’éducation en France ?

Près d’un Français sur trois ne sait plus lire couramment

 

En 2018, dans son rapport au ministre, Alain Bentolila, professeur de linguistique, déclare que 12 % des jeunes Français de 17 à 18 ans sont en difficulté de lecture et d’écriture. « Pour tous ces jeunes gens et jeunes filles, la défaite de la langue, c’est aussi la défaite de la pensée. » 30 % des Français seraient « peu lecteurs », donc « incapables de lire et de comprendre un texte de plusieurs pages. » Au vu des moyens investis dans l’Éducation nationale, avouons que le résultat est décevant.

 

En 2019, l’étude TIMSS sur l’enseignement des mathématiques et des sciences nous a classés avant-derniers : « Le niveau des élèves de 4ede 2019 en maths est équivalent à celui des élèves de 5e en 1995 dans cette matière ». Seuls 2 % des élèves atteignent le niveau « avancé » en maths : ils sont 11 % dans l’Union européenne et 50 % à Singapour.

 

Le niveau chute encore plus vite en « culture scientifique », où nous sommes passés du top 15 au début des années 2000 à la 27e place en 2015. Plus grave pour la pérennité de notre modèle égalitaire, la différence (107 points) entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé est nettement supérieure à celle observée dans les pays de l’OCDE (88 points). Le niveau des élèves les plus faibles baisse encore plus vite, l’école semble accroître les inégalités !

 

Un seul objectif : les 80 % d’une classe d’âge au bac, le Graal du ministre

 

L’Éducation nationale semble tétanisée, les yeux fixés seulement sur une vieille promesse, celle de mener 80 % pour d’une classe d’âge menée au bac — dont 53,5 % en général, 21 % en technologique et 25,5 % en professionnel. Il était de 4,4 % en 1946 et de 20 % en 1970.

 

Comme dans les plus belles démocraties populaires, le plan doit être réalisé, à tout prix. Considérée comme une valeur bourgeoise, l’orthographe ne compte plus. Les épreuves dites de culture générale ont disparu des différents concours : nivelons par le bas ! Les meilleurs élèves ne sont pas lésés, ils conserveront une meilleure culture générale qui les aidera tout au long de leur vie. Il est inconcevable pour un jury de recaler plus de 20 % de ses candidats, les notes seront toujours relevées par le président. Le taux de réussite au bac a atteint en 2019 88 %, voire 96 % en 2020.

 

Un élève peut éprouver des difficultés de lecture et d’écriture et obtenir le bac, sans difficulté, puis poursuivre un parcours universitaire qui le mènera, en évitant les filières sélectives et en privilégiant les phrases courtes, jusqu’à un master 2. C’est possible.

 

Le choix d’une école…

 

L’Éducation nationale se flatte d’avoir créé un collège unique, le même pour tous. Or, la réalité est tout autre. Si la méritocratie républicaine fonctionne encore, c’est au seul profit des enfants d’enseignants.

 

La réalité, c’est que l’enseignement s’est segmenté entre des établissements d’excellence, de bonnes écoles et des lycées en perdition. Tous les bons élèves travaillent et d’onéreux cours particuliers pallient aux faiblesses ponctuelles. Les 20 % réservés aux établissements privés, très majoritairement placés dans les deux meilleures catégories, apportent la souplesse nécessaire.

 

Pourquoi cet effondrement ?

 

Je ne suis pas professeur, tout au plus, un peu pédagogue. Je ne crois pas que ce ne soit qu’un problème d’autorité, de culture de zapping ou de milieu professionnel, mais plus sérieusement d’absence de travail. Un manque de travail et, plus grave, de méthode de travail.

 

L’école a cru aider les plus faibles en diminuant les prérequis. En abaissant le niveau, elle a involontairement dévalorisé le travail et découragé les plus volontaires. Les « pédagogistes » ont légitimé la baisse des apprentissages des « savoirs » par le développement de « compétences ». Le savoir être, cher au développement personnel, a fait son irruption dans l’école. Le maître s’est mué en coach. Or, ces compétences ne nécessitent objectivement que peu de travail, mais seulement une mise en situation. L’école s’est assumée ludique. Mieux, l’enfant a choisi ses enseignements.

 

On a supprimé les récitations et les dictées, l’orthographe et la conjugaison, le langage et le vocabulaire, les connaissances en histoire et dans les arts, afin de valoriser les travaux en groupe et les prises de paroles en public, l’improvisation et le rap. Attention, ces compétences possèdent leur utilité, mais ne sauraient pallier un manque de connaissances. On leur a fait croire que les « savoirs » seraient obsolètes, que tout serait accessible sur le Net. Certes, mais à quoi leur servira de disposer d’un accès à une bibliothèque universelle, s’ ils ne maîtrisent pas la grammaire, le calcul mental et ne disposent pas de repères historiques ? Sans cadre, la connaissance demeure inerte.

 

Tout ça pour en revenir là

 

Essayons de synthétiser cette masse d’informations. L’école de la République, obligatoire et unique, livre 30 % de jeunes adultes sont peu ou prou illettrés, ils s’expriment mal et raisonnent avec difficulté. 50 % d’adultes sont bien intégrés, ils participent et s’expriment, mais n’ont pas appris à travailler. Les plus individualistes récusent toute forme d’autorité ou de contraintes. 20 % d’adultes sont bien formés, dont un cinquième sont issus des filières d’excellence qui leur ouvrent les portes des grandes écoles et un avenir radieux. Le déterminisme social est manifeste. Seules deux catégories progressent, les enfants d’enseignants et les jeunes mathématiciens et informaticiens étrangers boursiers.

 

Au final, la situation évoque celle prévalant lors de l’Entre-deux-guerres, les fameux 4 % de bacheliers. Tout ça pour en revenir là

 

Maimouna Saleck