Farafinainfo.com – Portraits d’Artistes – Thierno Souleymane Diallo est un réalisateur audacieux et ambitieux, qui veut prouver par ses futures réalisations cinématographiques que l’histoire de la Guinée ne s’arrête pas en 1958. Et le récipiendaire du Prix de l’OIF ambitionne de travailler sur le passé récent de sa Guinée natale. Dans cette interview, Thierno Souleymane parle de ses études, son parcours et son ambition.
Présentez-vous aux lecteurs du site panafricain d’informations générales, Farafinainfo.com ?
Je m’appelle Thierno Souleymane Diallo, je suis auteur, réalisateur de cinéma documentaire.
Parlez-nous de votre formation cinématographique après l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Dubreka ?
Je suis allé à Niamey (Niger, ndlr) pour faire un Master 1 en réalisation et le Master 2 à Saint-Louis au Sénégal où j’ai validé mon diplôme avec un film «Voyage dans l’espoir». Cette formation m’a permis à participer à la rencontre de Tënk, une coopération de co-production qui se déroule à Saint-Louis en décembre de chaque année. L’objectif de la rencontre permettait à des jeunes auteurs africains de rencontrer des producteurs et diffuseurs venus d’un peu partout, notamment de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique du Nord.
« C’est d’aider voire appuyer certains jeunes qui ont envie de développer des projets de films, avec un regard … »
Pourquoi avez-vous choisi d’être, à la fois, réalisateur, scénariste et producteur ?
Ce n’est pas forcément un choix, c’est quelque chose qui s’impose. On vit dans un pays où le système de production n’existe presque pas. Alors, je suis devenu producteur pas par volonté, mais par obligation des faits. J’ai mis en place une boîte de production cogérée avec un ami, mais pas seulement pour mes films. C’est d’aider voire appuyer certains jeunes qui ont envie de développer des projets de films, avec un regard sur ce qu’ils font et discuter avec eux sur des éventuels guichets de financement de leurs films. Après scénariste et réalisateur ce sont deux choses qui vont généralement ensemble, être acteur en même temps, réalisateur de ce qu’on a écrit.
Est-ce pour faire des économies ou/et pour être plus d’indépendant ?
Economies, non ! Indépendant, un peu oui, un peu non ! Car, le métier de producteur et réalisateur, ça se complète, mais ce sont deux mondes, un peu différents. La production, c’est plus administrative tandis que la réalisation, c’est la création. Donc, ce n’est pas pour faire des économies, mais plutôt par nécessité. Nous avons forcément besoins que les choses bougent. Et les choses ne peuvent pas bouger comme ça. Je me positionne en tant que producteur pour appuyer les projets qui viennent de notre pays afin de développer la filière du cinéma.
« Et après la révolution, le cinéma a disparu. Donc «cimetière de la pellicule», ça parle de tout ça, … »
«Cimetière de la Pellicule» n’est-ce pas un film documentaire pour réaffirmer l’identité du cinéma guinéen en particulier et africain en général ?
On peut le dire comme ça. Quand même, c’est un film qui parle de l’histoire du cinéma sans mettre de côté que la Guinée est un pionnier du cinéma africain. A part «Mouramani» de Mamadou Touré, qui a été tourné en 1953. Dans les années 60, la Guinée a fait beaucoup de cinéma, l’actualité du pays, des films documentaires, des films de fictions. Et après la révolution, le cinéma a disparu. Donc «cimetière de la pellicule», ça parle de tout ça, de ce premier film censé être le pionnier du cinéma africain qui ne l’est pas jusque-là. Revisiter les salles de cinéma afin de savoir ce qu’ils sont devenus les cinéastes, les salles de cinéma, les pellicules. Bref «Cimetière de la pellicule», ça parle du cinéma où il n’existe presque plus.
« En 1953, c’était un jeune de 23 ans qui faisait ses études en France, mais pas sur le cinéma. Il avait l’ambition de faire un film 100% africain … »
Et si l’on parlait de notre compatriote cinéaste Mamadi Touré, l’auteur du film «Mouramani», qui raconte l’histoire du patriarche Abdourahmane Kaba que vous avez retracée dans votre film «Cimetière de la Pellicule» ?
Personnellement, j’ai eu des informations sur Mamadou Touré quand j’ai commencé à travailler ce film. En 1953, c’était un jeune de 23 ans qui faisait ses études en France, mais pas sur le cinéma. Il avait l’ambition de faire un film 100% africain c’est à dire un film joué par des noirs, filmé par des noirs et «Mouramani» a été son premier film de 23minutes. Au niveau du résumé, il y’a une sorte de confusion, parce que les Anglais disent que «Mouramani» racontait la relation entre un chien et son maître. Et les Français, à leur tour, parlent de l’islamisation du peuple Malinké notamment avec le patriarche Abdourahmane Kaba qui est l’ancêtre des Kaba installés en Guinée. Cela veut dire qu’on ne sait pas exactement le contenu du film. Mais à force de faire mes recherches, j’ai trouvé qu’il était plus proche de relater la relation entre un chien et son maître que de raconter l’islamisation du peuple Malinké.
Pouvez-vous nous relater les quatre Prix que vous avez eus lors de la 78ème édition du Festival de Venise en Italie ?
A Venise, j’ai participé à ce qu’on appelle le Final Code de Venise, un rendez-vous professionnel où les auteurs qui sont en train de travailler sur leur film en post-production. Alors, ils viennent au Final Code de Venise présenter le travail qui est déjà en place, mais qui n’est pas fini. Moi, j’avais eu le Prix de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie, ndlr). Un Prix qui permet de payer par exemple un technicien qui travaille dans ce film. Le Prix Cinémathèque Afrique qui est le Coup de Cœur de la Cinémathèque Afrique, c’est une sorte de droit de film. Quand il doit sortir l’Institut Français qui est une sorte de plate-forme où il diffuse des films dans un système non commercial un peu partout dans le monde. Le Prix du Festival International du Film d’Amiens, c’est un Prix qui contribue à la production du DCP (Digital Cinéma Package, ndlr), utilisé aujourd’hui pour projeter les films dans les salles de cinéma sans oublier qu’auparavant on utilisait les pellicules numériques. Enfin, le Prix Ion film pour la promotion du film dans les festivals de catégorie A. A cela s’ajoute la sélection du «Cimetière de la pellicule» au FESPACO au Burkina Faso pour une première africaine en février et début mars 2023. En plus, pour une première mondiale au Festival International du Film de Berlin en section panorama qui se tiendra du 16 au 26 février 2023.
« Car, on a l’impression que notre histoire s’arrête en 1958. Quand on a dit «Non» aux Français … »
Quels sont vos projets à court et à long termes ?
A court terme, c’est de sortir ce film, l’accompagner et essayer de faire sa promotion afin qu’il soit vu et surtout qu’il se promène dans toute la Guinée parce que c’est le plus important même s’il est fait pour le monde. Et après ce film, je compte me plonger dans cette histoire récente de la Guinée. Car, on a l’impression que notre histoire s’arrête en 1958. Quand on a dit «Non» aux Français et qu’ils sont partis. De 58 à nos jours, on ne connaît presque pas notre histoire. J’ai donc cette ambition de travailler sur ce passé récent de la Guinée afin d’essayer de comprendre comment les choses se sont passées ? Comment en ait-on arrivé-là ? Peut-être on aura plus de visibilité dans l’avenir proche de la Guinée ! Merci à vous !
Rubrique – Portraits d’Artistes – réalisée par Abdoulaye Baldé