La République de Guinée est encore une fois engagée dans un processus de transition politique il y a de cela une année, suite au Coup d’État militaire au petit matin du 05 septembre 2021, renversant le régime du l’ex président Pr. Alpha Condé.
Ainsi, dans un discours lu pour la première fois sur le réseau social, Facebook, le chef des putschistes a décliné les motivations de leur acte. Le colonel indexait : « L’instrumentalisation des institutions républicaines, de la justice, le piétinement des droits des citoyens, l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique » comme facteurs ayant conduit les “forces de défense et de sécurité” réunies sous le Comité National de Rassemblement et du Développement (CNRD) à prendre le pouvoir.
Par ailleurs, après un an d’exercice du pouvoir politique par ce comité national de rassemblement et du développement, quel bilan pouvons – nous dresser de leur gestion et quelles perspectives sont-elles envisageables pour cette transition?
Mais avant d’aller plus loin, il convient de rappeler à nos lecteurs qu’il ne s’agit pas d’un article scientifique ni une œuvre parfaite, car, l’être humain étant imparfait, son œuvre ne peut être parfaite, donc qu’il soit appréhendé comme une aide, une contribution à la compréhension d’une situation à la fois globale et complexe.
Ainsi, pour mener cette réflexion, nous avons procédé à une analyse documentaire de source primaire (Discours prononcé par colonel Doumbouya le 05 septembre 2021, le discours du premier Ministre chef du gouvernement portant présentation de la feuille de route du Gouvernement, Magazine de la présidence du juillet 2022 etc.).
I/ BILAN
Pour dresser le bilan d’une année Gestion de la Transition est très prématuré, car, la gouvernance d’un État nécessite des préalables comme le rétablissement des liens et rapports rompus suite au renversement de l’ordre constitutionnel par le Coup d’État, cela peut parfois prendre du temps. Parce que les relations qu’entretiennent les États entre eux d’une part, entre les Firmes internationales et les États d’autres part sont fondées sur des liens de crédibilité vis-à-vis des traités et conventions internationaux auxquels ils sont parties prenantes. Néanmoins, cela n’est pas une raison pour se taire après une année de Gestion des affaires publiques d’un État. C’est pourquoi, nous n’évaluerons que des discours politiques, des projets et programmes projetés en toute conscience par les nouvelles autorités à la prise du pouvoir.
Dans ce cas présent, nous analyserons d’abord les cinq (05) axes prioritaires annoncés dans la feuille de route présentée par Monsieur Lansana BEAVOGUI, Premier Ministre chef de gouvernement, le 26 décembre 2021. Parce que le gouvernement est la machine qui fait fonctionner le pouvoir politique, ensuite, nous comparerons les actions posées avec les projections de départ. A la fin de cette première partie, nous ferons une analyse comparative entre les actions posées et les promesses du départ dans l’optique d'éclairer la lanterne de nos lecteurs.
1. LA RECTIFICATION INSTITUTIONNELLE
Pour le premier axe, le premier Ministre chef du Gouvernement affirmait qu’il s’agit de doter le pays d’institutions fortes garantes de l’État de droit et d’une démocratie participative(…), mettre en place un processus qui garantit des élections inclusives, équitables, crédibles et apaisées ». Un an aujourd’hui après cette déclaration, la notion de rectification institutionnelle reste un mot valise dans lequel chacun peut y mettre son propre contenu. Si nous nous en tenons à l’idée de départ, le gouvernement est sensé mettre en place des institutions dites fortes capables d’asseoir un État de droit, instauré un cadre de participation démocratique des citoyens et la mise en œuvre d’un processus qui garantit des élections inclusives et apaisées.
Toutefois, les institutions jusqu’ici instaurées ne nous permet d’établir qu’il existe une garantie pour la participation démocratique effective des citoyens et rien n’indique la possibilité d’organiser des élections acceptées de tous les acteurs.
En réalité les institutions mises en place ne reflète pas le résultat escompté, car, les mêmes problèmes sévissent sous la coupe des institutions d’issues du Coup d’Etat, c’est le cas de la Haute Autorité de la Communication (HAC) et son rapport avec la presse. La macroéconomique et financier est le deuxième axe de la feuille de route du gouvernement.
2. LA MACROÉCONOMIE ET FINANCIER
Dans le cadre l’amélioration de la macroéconomie et financier, l’objectif de départ de cet axe était de « mener des politiques publiques pour assurer la continuité de l’État tout en garantissant la qualité et la moralisation de la Gestion publique…». Cette projection ambitionnait de faire une mobilisation accrue des recettes intérieures à travers l’élargissement de l’assiette fiscale et la maîtrise des exonérations. Mais au regard de la conjoncture économique actuelle, nous pouvons sentir le poids de la tentation d’augmentation de l’assiette fiscale à travers l’augmentation des taxes les produits pétroliers, énergétiques, hydrauliques etc., et cela se répercute sur le quotidien de la vie des citoyens. La question que cette augmentation du coût de la vie soulève est la destination des recettes récoltées par ses mesures.
3. LE CADRE LÉGAL ET LA GOUVERNANCE
Dans sa présentation de la feuille de route du Gouvernement, le Premier Ministre chef de gouvernement a notifié que le cadre légal consistera à la «réforme de l’appareil judiciaire pour répondre aux besoins des guinéens d’une justice indépendante, crédible et accessible à tous ». Pour ce faire, il misait sur le renforcement de capacités du personnel judiciaire, de même que le recrutement et le déploiement d’auditeurs de justice et d’élèves greffiers et la création d’une Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières ( CRIEF). Dans ce domaine, il convient de souligner qu’il y a eu effectivement un recrutement au compte de l’appareil judiciaire et déployés dans les différents tribunaux du pays. Mais il est impossible d’évaluer l’impact de cette action sur la réforme de l’appareil judiciaire globale du pays.
Toutefois, si la mise en place de la CRIEF et ses actions sont appréciables d’un point de vue formel, l’analyse approfondie des identités des personnes poursuivies par cette cour nous permet d’établir une catégorie de cibles bien choisies. Les premiers inquiétés par la CRIEF sont essentiellement des dignitaires du pouvoir déchu, cela est logique dans la mesure où les péchés reprochés à ses personnes devraient au moins être prouver pour permettre à la junte militaire d’asseoir sa légitimité populaire.
Ensuite, la deuxième catégorie de personnes poursuivies est composée en majorité des opposants politiques à la durée et la méthode de la Transition, cela pour les empêcher d’être des obstacles sérieux à la vision de la junte, celle d’une Transition de longue durée. Cependant, la Gouvernance devrait poursuivre la « transformation de l’administration publique pour en faire un véritable levier de développement, orientée vers la satisfaction des usagers que sont les citoyens, les entreprises et les partenaires ». Mais depuis lors, l’administration publique guinéenne fonctionne essentiellement comme elle fonctionnait sous le régime déchu, c’est- à-dire, que le recrutement du personnel de l’Administration publique reste fortement marqué par le clientélisme et la corruption.
4. ACTION SOCIALE, EMPLOI ET EMPLOYABILITÉ
Dans cet avant-dernier axe portait essentiellement sur la « cohésion nationale, la réconciliation nationale, l’accès aux denrées de premières nécessités à des prix abordables et l’autonomisation des jeunes, des femmes et des personnes vulnérables ». Mais ce n’est pas tout, le premier Ministre projetait la mise en place du Haut Conseil des Guinéens de l’étranger des 2022.
En observant les faits, nous avons l’impression que rien de tout cela n’est une réelle priorité, car, malgré les retraites massives, l’assainissement du fichier de la Fonction publique à quelques exceptions près et la mise en place d’une plateforme de recrutement de cadres dénommé « Servir 224 » et placé sous le regard du président de la Transition, les nominations restent fortement marquées par les liens de parentés, claniques ou encore par les pot-de-vin. La preuve est qu’on ne peut indexer personne qu’il a été nommé sur la base d’un critère objectif.
5. INFRASTRUCTURES ET ASSAINISSEMENT
Dans ce dernier axe, l’objectif était de redynamiser des infrastructures existantes, la construction de nouvelles infrastructures comme le bitumage des voiries préfectorales et urbaines des dix (10) des préfectures n’ayant jamais été bitumées. La construction des infrastructures sportives pour l’accueil de la Coup d’Afrique des Nations en 2025, l’optimisation des procédures portuaires et aéroportuaires etc.
Mais au-delà de l’accélération d’exécution des travaux déjà en cours et la rénovation de quelques pelouses de l’intérieur, aucune véritable infrastructure sportive n’a jusque-là été construite, d’ailleurs c’est pour cette raison que la Confédération Africaine de Football (CAF) a retiré l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025, le 02 Septembre 2022. Ensuite, l’assainissement des grandes villes était l’une des priorités du gouvernement. Sur ce point, les autorités de la Transition s’inscrivent dans la même veine que le régime déchu, l’assainissement mensuel de la ville de Conakry, le premier samedi de chaque mois.
Dans ce domaine aussi, il convient de souligner que bien qu’il est normal de faire une campagne d’assainissement impliquant le pouvoir exécutif et l’administration publique, cette pratique ne peut être considérée comme la meilleure stratégie pour assainir la capitale et l’intérieur du pays. Au contraire, cette méthode ressemble plus à une campagne d’auto-publicité qu’une véritable stratégie d’assainissement. Il est plus judicieux de confier ce travail aux professionnels du domaine et aux collectivités pour une meilleure décentralisation de l’assainissement et de la gestion des ordures en République de Guinée.
II/ LES PERSPECTIVES DE LA TRANSITION
Au-delà, de la feuille de route du Gouvernement, le chronogramme établi s’articule au tour de dix (10 ) points : Le recensement général de la population et de l’habitat, le recensement administratif à vocation d’état civil, l’établissement du fichier électoral, l’élaboration de la nouvelle constitution, l’organisation du scrutin référendaire, l’élaboration des textes de lois organiques, l’organisation des élections locales, l’organisation des élections législatives, la mise en place des institutions nationales issues de la nouvelle constitution et l’organisation de l’élection présidentielle. Si le contenu de ce chronogramme est bien fourni et appréciable mais il n’est pas situé dans le temps, autrement dit, il est impossible de déterminer à quand ce chronogramme débutera et à quelle date précise il prendra fin. Pourtant la durée de la Transition est de 36 mois. Ainsi, la question des perspectives de la Transition est d’autant plus importante étant donné que si ce chronogramme n’est jusque-là pas situé dans le temps, il existe une forte probabilité que cette transition tourne autour d’elle-même sans possibilité d’évaluer son évolution.
En conclusion, dans l’optique de remettre sur le bon chemin, une rectification de la Transition s’impose comme une nécessité impérieuse pour revenir aux fondamentaux de départ de la Transition. Il faut revoir le système de nomination, cela pour empêcher l’intrusion de certains cadres multifaces et opportunistes. Annoncer la date de recrutement comme projeter et mettre un processus officiel avec des critères de recrutement définis.
Sekouba MAREGA, Politiste, Analyste Politique
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