Il reproche aux gens de violer la loi et enjoint des poursuites à tout bout de champ. Qu’en est-il de lui qui viole les statuts de la magistrature alors qu’il est magistrat ? Qui méconnaît les décisions du Conseil Supérieur de la magistrature relatives aux suspensions alors qu’il en est le vice-président ? Qui méconnaît presqu’à la limite du mépris les décisions de la Cour suprême relatives par exemple à la situation de Nanfo Diaby alors que la règle veut que les décisions de la Cour suprême ne soient en aucune manière commentées dans les positions publiques, autre que pour des motifs pédagogiques ?
Ne devriez-vous pas vous soucier de vos fonctions de Garde des Sceaux que vous ne remplissez pas, pour nombre de guinéens, en prenant ou proposant une réglementation des Sceaux (cachets) des services publics, des notaires et de toute personne dont la charge est d’authentifier un acte solennel. D’un autre côté, vos fonctions de chargé des droits de l’homme en ce qui concerne la régulation de la fonction et de la protection des huissiers de justice auxquels vous attribuez la charge d’exécuter les décisions de justice.
Le plus grave de tous ces manquements, c’est la violation grave du principe universel de la présomption d’innocence à travers la publication immodérée de vos injonctions. Savez-vous, Monsieur le Ministre, que de telles injonctions ne doivent faire l’objet d’aucune sorte de publicité ? Elles se limitent dans le périmètre de vos relations fonctionnelles avec les procureurs généraux.
Vous disiez Monsieur le Ministre lors de votre récente conférence de presse ceci : «…Celui qui a volé l’argent de l’État, je ne négocierai pas même si les imams descendent, parce que ça n’appartient pas à quelqu’un. Ça appartient au peuple de Guinée. Je suis fortement là-dessus. On a toujours respecté les religieux. Mais à un moment donné, l’État doit prendre sa responsabilité….»
Non, Monsieur le Ministre, tant que la culpabilité de ces hauts cadres de l’ancien régime n’est pas établie, ils bénéficient tous de la présomption d’innocence. La loi en fixant cette limite, a prévu votre obligation de discrétion attachée à l’exercice des fonctions de chef des parquets et à la reconnaissance du droit des parquets de classer sans suite les poursuites inopportunes. Vous avez la chance, Monsieur le Ministre, que les citoyens ne sachent pas et que les magistrats ploient sous vos charges insupportables, qu’ils ont le droit d’attaquer de telles décisions pour excès de pouvoir.
D’ailleurs, vous aurez dû penser à concevoir et soumettre au gouvernement un texte de loi sur la réforme de la justice administrative pour réduire les excès de pouvoir des autorités exécutives. Mais, vous ne pouvez pas en être inspiré puisque l’abus d’autorité est votre prédilection.
Bref, en ce moment de transition où notre patrimoine commun a besoin de ramener la quiétude de la population et rétablir leur confiance en l’Etat, des propos va-t-en-guerre devraient être évités. Le poste est passager, sachons raison gardée, Monsieur le Ministre, car, tout finit par finir un jour. J’en ai fini !
Sayon MARA, Juriste