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Reporter, témoin des faits

Cheick Oumar Ba : L’homme qui rendit populaires les Forces de Libration Africaines de Mauritanie (les FLAM) à travers l’Europe

Par Mamadou Barry dit Hammel

Cheick Oumar Ba est parti, la douleur est profonde, le chagrin nous ronge toujours le cœur et la tristesse nous rend socialement infréquentable. Cependant, il faudra se ressaisir et continuer de vivre. La question est de savoir comment faire taire ces émotions terribles devant cette immense perte. Pour répondre à cette question, nous faisons appel à l’histoire,pour y puiser des souvenirs d’engagements et d’actes éternellement empreints de ses marques indélébiles. Cette histoire qui est devenue le déterminant de notre vie, lui et moi. Ce passé commun de militants des FLAM, qui est à l’origine de notre rencontre.  Un destin politique à partir duquel nous avons appris à nous connaitre et à nous respecter mutuellement.

En effet, j’ai rencontré Cheick Oumar Ba à Paris dans les années 90 par l’intermédiaire d’un ami commun,Salif Malick Dia. Et depuis cette rencontre, nous avons fait un chemin ensemble dans cette lutte de libération du Noir Mauritanien. Un compagnonnage que nous souhaitions plus long encore, mais hélas !

Personnellement, je suis arrivé en France en 1987, en provenance de Genève (Suisse). Et cela quelques jours après l’assassinat des trois officiers noirs mauritaniens(Sy, Ba, Sarr) par le régime du Colonel d’Ould Taya. Une exécution qui n’avait pas surpris. Pour mémoire, immédiatement après l’arrestation de nos compatriotes, j’avais adressé une lettre au Président Sénégalais Abdou Diouf pour demander son intervention, en tant que président de l’Unité Africaine,auprès des autorités mauritaniennes afin d’éviter l’exécution de ces braves soldats. Cette lettre a été écrite sous couvert d’un oncle qui était un ami proche du président Diouf. C’était une période où le président sénégalais voyageait partout à travers le monde pour défendre la justice en Afrique du Sud et exiger la fin de l’Apartheid. Mais en politique, il y’a souvent des raisons qui priment sur l’intérêt de la justice et celui de la morale. Ainsi, Abdou Diouf n’avait rien fait pour empêcher l’assassinat de nos valeureux militaires.

En France, j’avais obtenu une inscription auprès de l’Université de Reims, ville du couronnement des rois de France. Là, j’étais le seul membre déclaré des FLAM. Surement, pour certains compatriotes, je devais passer comme un « extra-terrestre » qui représentait cette organisation fantôme dont tout le monde entendait parler et que personne ne s’était révéler comme membre. D’autres devaient me considérer comme un « monstre »à cause d’une campagne intensive de diabolisation de la part du système discriminatoire mauritanien aidé en cela par les ténors du Mouvement National Démocrate (MND) contre les FLAM. Quoi qu’il en soit, je m’ennuyais beaucoup à Reims.          `

Avec les événements d’Avril 1989, je pensais que les atrocités commises par le gouvernement mauritanien sur la communauté noire révélaient la nature raciste et indéniable du système Mauritanien. Alors, Paris devait être la place la mieux indiquée pour se consacrer à la politique. Avec l’appui de la représentante de l’Amnesty International à Paris, celle-là même qui m’a connu à partir d’un article que j’avais publié dans le journal « Africa International » en 1986, après l’arrestation des leaders flamistes, j’ai pu déménager à Paris.

Pendant toute la période des années 88-90, les flam n’existaient qu’au sein d’un petit club d’amis basé à Lille. Certes, Mohamed Bal dit Doudou, Alghassoum Wane et Ousmane Diagana fournissaient un remarquable travail intellectuel,matérialisé par la publication d’un livre Blanc sur la Mauritanie : « RADIOSCOPIE D’UN APPARTHEID MÉCONNU » ; Mais l’organisation était presque inconnue en dehors du cercle des initiés.En face du club des francophones, il y’avait des arabophones beaucoup plus combatifs : Cheick Oumar Ba, Salif Malick Dia et Adama Samba Ba semblaient être plus accessiblesau commun des mortels. C’est dans cette situation d’antagonisme d’approches que je suis arrivé à Paris.

Cheick Oumar Ba, un poète déjà connu au sein de la communauté peulh avait déjà fait ses preuves politiques en Libye. Un ami qui s’est beaucoup donné pour la cause des noirs mauritaniens, Cheick Ly,me confiait qu’il a été introduit aux FLAM pendant qu’ilétait en Libye par son ami Cheick Oumar Ba. Alors, très vite nous (Cheick Oumar et moi-même) avions compris que nous pouvions travailler ensemble dans la vulgarisation des idéaux des FLAM et dans l’implantation de notre organisation partout en France.

Pour se faire, il fallait des stratégies et des tactiques qui simultanément devraient libérer les FLAM de son état clubiste et rendre l’organisation désirable par les membres de la communauté des victimes. Ainsi, avec l’afflux des réfugies mauritaniens en France et les déportations continue des noirs mauritaniens vers le Sénégal et le Mali, nous pensions qu’il était judicieux de créer et/ou de renforcer des organisations associatives et culturelles pour aider les nécessiteux, mais aussi introduire les FLAM au sein de notre communauté. Plusieurs associations étaient créés comme par exemple,« Mauritanie Retour » qui a été créé pour marquer l’importance de préparer le retour des Mauritaniens déportés.En plus,le Comité de Soutien aux Déportés Mauritaniens (CSDM) qui avait vu la fusion de plusieurs organisations mauritaniennes. Nous pensions qu’Adama Sy, Mbeydari Coulibaly et Mamadou Boye devaient être choisien tant que leaders stratégiques de l’association. Cette organisation se révélera comme la principale alliée des flam, et finira par être un laboratoire précieux pour notre organisation.

Ainsi, nous avions pu mobiliser des mauritaniens autour des FLAM, pour établir un bureau élargi de la section de l’Europe Occidentale. La section européenne des FLAM se renforcera naturellement avec l’arrivée des anciens de Oualata (Ibrahima Abou Sall, Oumar Moussa Ba et Sheyoub Ly), mais aussi avec des anciens étudiants de Dakar et ailleurs comme Cire Ba, Diallo Mamoudou, Boubacar Diagana, Ibrahima Ba et tant d’autres encore.Pendant longtemps, les flam d’Europe sont restées les principales structures pilotes de l’organisation. Et ceci en grande partie grâce au dévouement et a l’engagement incontestable de Cheick Oumar Ba.

Par ailleurs et dans le souci d’honnêteté, je dois dire que notre communauté de vision n’était pas toujours de mise.Cheick Oumar et moi-même avonseu des divergences sur des points importants dans la vie des FLAM. Par exemple en 1994, certains amis, qui pensaient que les flam étaient devenues moins combatives avaient quitté l’organisation pour créer le M25. Cheick Oumar pensait que j’étais parmi ces « dissidents » et plaidait pour que je sois exclu des FLAM. Ce qu’il ne savait pas,c’est que je faisais tout pour que nos amis « dissidents » restent dans les FLAM. Je pensais que c’était une erreur de vouloir créer une nouvelle organisation qui ne ferrait pas long feu.  Mon point de vu était que ces camarades devaient rester dans les FLAMet créer leur propre tendance-si nécessaire-, et travailler pour obtenir une majorité qui épouserait leur position favorable à la lutte armée. D’autre part je reprochais au bureau des flam de l’Europe de l’Ouest de sa suffisance. Dans leur majorité, les membres du Bureau pensaient qu’il ne fallait pas négocier avec les « dissidents » et qu’il fallait les laisser partir. Et beaucoup d’entre eux se justifiaient en faisant appel au concept communiste bien galvaudée:la lutte c’est comme un train, à chaque gare il y’a ceux qui descendent et ceux qui montent. Du coup j’étais devenu un « traitre et/ ou un agent secret ». Chacuncroyait que je travaillais pour son adversaire. C’est d’ailleurs là une des principales raisons de mon départ de la France.

Notre deuxième point de discorde c’était à propos de la mutation des flam en Forces Progressistes du Changement.Curieusement, avant le congrès de Nouakchott il n’y avait aucune divergence de vue entre nous par rapport à la réinstallation des FLAM. Même si nous envisagions une possibilité de changement de nom (intégration d’autres organisations), nous ne pensions pas pour des raisons stratégiques qu’il fallait changer le nom des FLAM, au moment ou le congrès l’a fait. La vérité est que nous défendions une position minoritaire parmi les congressistes.Le congrès décida du changement des FLAM enFPC, car ils pensaient que cela était beaucoup plus approprié pour un parti politique.Après cette décision, et étantdonné que le congrèss’était déroulé en conformité avec les règles organisationnelles, je ne pouvais qu’accepter le choix de la majorité.Cheick Oumar et d’autres camardes avaient préféré de déclarer leur intention de rester en tant que FLAM. Pour ma part, la seule décision que je pensais appropriée était de décliner ma désignation au poste de Président du Conseil National.

En dépit de ces quelques divergences, nous avions préservé nos relations. Cheick Oumar avait beaucoup travaillé pour m’avoir avec lui au sein des FLAM. Mais il ne m’avait pas convaincu par rapport aux perspectives de leur group. Quelques temps avant sa disparition, Cheik Oumar m’avait appelé pour discuter d’un plan de travail entre les organisations FLAM et FPC. En plus de cepoint, mon ami pensait que je devrais aller au Mali et voir s’il y’avait une possibilité de solution au problème des peulhs maliens. Cheick Oumar était prêt à mettre à ma disposition son carnet d’adresses à travers ses affinités locales bien établies. Mon ami avait une vision de moi, il me reconnaissait des aptitudes et des compétences, que j’ai du mal à voir.

Mon ami et camarade de lutte est parti, mais je peux l’imaginer au paradis avec son sourire légendaire engageant. Et de là-haut il nous dit en s’inspirant du poème de Mary Elizabeth Frye :

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