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Reporter, témoin des faits

CNT : pourquoi mettre en place une Commission ad-hoc chargée de l’élaboration de l’avant-projet de la nouvelle Constitution ? Et la commission Constitution ?

Dans un Arrêté en date du vendredi, 08 juillet 2022, le Président du Conseil National de la Transition (CNT), Dr Dansa KOUROUMA, a procédé à la mise en place au sein du CNT d’une Commission ad-hoc composée de onze (11) membres dont neuf (9) Conseillers nationaux et deux (2) de l’Administration parlementaire, chargée de :

  • rédiger l’avant-projet de la nouvelle Constitution ;
  • organiser les travaux préparatoires du débat d’orientation constitutionnelle ;
  • élaborer un planning d’examen et d’adoption de la nouvelle Constitution ;
  • élaborer la stratégie de communication et de vulgarisation de l’avant-projet de la nouvelle Constitution ;
  • recevoir et exploiter les différentes contributions citoyennes ;
  • formuler des recommandations à l’attention du bureau exécutif du Conseil National de la Transition.

Cette décision du Président du CN aurait été partagée en amont par la conférence des Présidents lors d’une de leurs réunions. Si tel est le cas, la principale question qu’il faut se poser aujourd’hui est de savoir si la Conférence des présidents peut prendre une décision aussi importante que celle de la mise en place d’une commission chargée de l’élaboration de l’avant-projet sans la soumettre au débat en séance plénière.

L’article 14 du Règlement Intérieur (RI) du CNT, dispose que : « La Conférence des présidents est l’instance d’organisation des travaux du CNT.

Elle prépare et présente à la plénière les projets d’ordre du jour des séances et le chronogramme des travaux des commissions.

Elle règle les difficultés qui surgissent entre les commissions…..»

À la lecture des dispositions de l’article susvisé, on comprend bel et bien que la conférence des présidents a pour fonction de préparer l’organisation du travail des Conseillers nationaux et de fixer le calendrier de l’examen et de la discussion des textes de loi. Elle peut certes faire des propositions à la plénière mais n’est pas une instance de décision.

En clair, prendre des décisions sans les faire adopter par la plénière, surtout une décision aussi importante que celle de la mise en place d’une commission ad-hoc chargée de l’élaboration de l’avant-projet de la nouvelle Constitution, est tout simplement gravissime. Seule la plénière est souveraine et est compétente sur toutes les matières relevant des pouvoirs et attributions que confère la Charte de la Transition au CNT.

Vraisemblablement, la mise en place de cette commission ad-hoc suscite plein d’interrogations dans l’opinion. Quelle est la pertinence d’une telle démarche du Président du CNT ? L’élaboration de la Constitution n’est-elle pas une mission dévolue à la commission : Constitution, lois organiques, Administration publique, Organisation judiciaire ? Ne serait-ce qu’à travers son nom, cette mission d’élaboration de la nouvelle Constitution ne fait-elle pas partie du vaste champ de compétence de cette commission ? Sur la base de quelles dispositions du Règlement Intérieur du CNT le Président de cet organe législatif de la transition a procédé à la mise en place de cette commission ? (Puis que dans le visa de l’acte de mise en place de cette commission ad-hoc le RI du CNT est évoqué). Cette décision ne violerait-elle pas les dispositions du Règlement Intérieur du Conseil National de la Transition ? Ces questions ne cessent de tarauder l’esprit de bon nombre de citoyens.

Une commission ad-hoc est mise en place lorsqu’il s’agit des objets qui ne sont pas traités par les commissions permanentes. La question de commission devant s’occuper de l’élaboration d’une nouvelle Constitution n’est-elle pas déjà réglée depuis la mise en place des commissions générales permanentes?

Certes, en plus des sept (7) commissions générales permanentes et une (1) commission spéciale permanente prévues par les dispositions de l’article 22 du RI du CNT, l’organe législatif de la transition peut, par une résolution, constituer des commissions spéciales temporaires, notamment chargées d’une commission d’enquête, d’étude ou d’information pour un objet déterminé (article 24 du RI du CNT). Mais, est-ce qu’en plus de ces commissions, le RI du CNT donnerait-il la possibilité au Président de cet organe législatif de la transition de mettre en place un constituant originaire ?

Nul besoin de rappeler ici que les différentes commissions générales permanentes ont été constituées en fonction des cinq (5) missions assignées au CNT par la Charte de la Transition, notamment en son article 57. Dès lors que la Charte de la Transition assigne l’exclusivité de l’élaboration de la nouvelle Constitution au CNT, la commission indiquée pour faire la première ébauche de ce travail et la soumettre au Bureau du CNT n’est-elle pas la commission Constitution ?

Par ailleurs, dans l’Arrêté en date du jeudi, 07 juillet 2022, portant création d’une commission ad-hoc chargée de l’élaboration d’un avant-projet de la nouvelle Constitution, il est dit qu’il y a cinq (5) Conseillers nationaux issus de la commission Constitution, Lois organiques, Administration publique et Organisation judiciaire au sein de ladite commission. Alors qu’en réalité, il n’y a que quatre (4).

Contrairement à ce que certains pourraient penser, cette sortie n’est nullement en rapport avec un débat de personnes. Loin s’en faut. C’est juste une manière d’attirer l’attention sur le fait que logiquement la mission d’élaboration de la nouvelle Constitution revient de facto à la commission : Constitution, lois organiques, Administration publique, Organisation judiciaire, qui, au besoin, peut faire appel à des compétences extérieures. D’ailleurs, comme je l’ai dit ci-dessus, les commissions générales permanentes ne sont-elles pas mises en place, conformément aux missions assignées par la Charte de la transition au CNT ?

En peu de mots, aucune disposition du Règlement Intérieur du CNT ne prévoit la mise en place d’une quelconque commission ad-hoc.

De la boussole cassée à la balance déséquilibrée, la roue de l’histoire tourne. Prenons-en garde !

Sayon MARA, juriste