Dans sa tribune Tierno Monénembo réagit à l’incendie qui a ravagé le principal dépôt de carburant de la Guinée. Il dénonce aussi la situation sociopolitique difficile que traverse le pays sous la transition militaire, un « calvaire », dit-il, aggravé par le manque de carburant qui a fait monter les prix de tous les produits sur les marchés de Guinée.
Ecoutez ou lisez l’interview de la DW avec Tierno Monénembo.
Tierno Monénembo : Il n’y a pas d’essence, il n’y a pas de circulation. Les prix du transport ont triplé, les prix des denrées alimentaires aussi.
Je ne parle pas de l’intérieur du pays où c’est encore plus grave puisqu’aucune goutte d’essence n’arrive á Nzerekoré, à Labé ou à Kankan. Et donc c’est la catastrophe.
DW : Sur le plan politique, c’est aussi difficile, d’autant plus que tous les leaders charismatiques de l’opposition sont contraints à l’exil ou sont en prison.
Ils sont en prison ou contraints à l’exil puisque nous ici, nous avons l’art de remplacer une dictature par une autre. La démocratie est une chose impossible dans ce pays.
Finalement, on se rend compte que c’est comme si nous étions préparés à ne jamais vivre un système démocratique digne de ce nom.
DW : Vous dites qu’être guinéen, c’est vivre perpétuellement en danger.
Tierno Monénembo : Absolument. Il y a le danger de prison politique. Tout le monde connaît l’histoire de ce pays. Le danger des tueries dans les manifestations de rue est là et puis maintenant il y a le danger des explosions qui peuvent survenir n’importe où.
DW : Quel regard portez-vous sur la transition actuelle ?
Tierno Monénembo : Il n’y aura pas de transition. Je n’ai pas l’impression qu’il veut (NDL : le colonel Mamadi Doumbouya) organiser des élections.
Il n’en parle pas. Il n’en parle plus du tout. Ce qui l’intéresse, c’est de réprimer les opposants. Le FNDC, qui essayait justement d’organiser la société civile, a été réprimé de manière tellement brutale qu’elle est pratiquement en décomposition.
DW : Donc comment sortir de ce statu quo?
Tierno Monénembo : Il faut lutter. La démocratie n’est pas impossible et en Guinée et ailleurs en Afrique, mais il faut continuer le combat. Ce n’est pas une chose instantanée, ce n’est pas une chose immédiate, c’est un acquis que l’on gagne à très long terme et à travers les combats les plus difficiles.
DW : Mais on a l’impression que tout a été verrouillé par les militaires qui ont pris le pouvoir à Conakry, il y a un peu plus de deux ans.
Parce que pour l’instant, il n’y a pas de force en face pour équilibrer les choses. Les forces sont en train de s’organiser, elles vont venir et les choses s’arrangeront.