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Reporter, témoin des faits

Grande Interview Hawa Ciré Bâ : «… une occasion d’essayer une autre vision d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même.. »

Elle est une actrice du développement qu’on ne présente plus en République Islamique de Mauritanie. Elle s’est engagée sur plusieurs fronts humanitaires pour être plus près de ses compatriotes démunis. Elle, c’est évidemment Hawa Ciré Bâ, la désormais femme politique. Dans cette Grande Interview, nous avons passé en revue ses différents centres d’intérêt ….

Qui est Hawa Bâ ?

Hawa Ba est une citoyenne, actrice sociale, engagée depuis son adolescence pour la considération et le respect des droits de l’homme. Elle s’investit en tant qu’entrepreneur sociale, au service des populations les plus démunies et celles victimes de toutes les formes de marginalisation, de violence et d’injustice sociale. Forte de cette conviction, j’ai eu à m’engager en politique à partir de 2018, afin de travailler à une plus large conscientisation et mobilisation des populations, quant à l’exigence d’une émancipation conséquente, autour des valeurs de citoyenneté et de démocratie opérante.

Hawa Bâ et humanitaire : Quelle histoire d’amour qui dure et perdure des années ! Comment a-t-elle commencé ? 

Je suis fille aînée d’une famille nombreuse résidant depuis 1975 dans la Moughataa (Commune) d’El-Mina. Mon père était fonctionnaire (éducateur et formateur) dans le domaine de la jeunesse. Pendant près de 12 ans, jusqu’en 2011, il a été, inspecteur départemental de la jeunesse et des sports. Par ce fait, notre maison était devenue un lieu de rencontre habituel des jeunes de la localité.

Pourquoi avez-vous choisi d’aller en croisade contre la délinquance juvénile ?

Depuis ma naissance, j’ai toujours vécu avec mes parents dans la localité d’El-Mina. Ceci m’a permis de construire des relations très étroites avec mes camarades d’enfance, en partageant avec les communautés locales les réalités d’une précarité socio-économique inadmissible. C’était en effet l’époque des « Kebbas ». Des bidonvilles constitués, comme vous le savez, par l’afflux massif de populations poussées par l’exode rural, conséquence des années éprouvantes de sécheresse. Relativement à mon engagement de campagne contre la délinquance juvénile, je voudrais dire que cela résulte d’un constat sur les conséquences malheureuses des conditions d’existence des populations marginalisées des quartiers de banlieues. Il faut rappeler que ces populations se trouvent à ce jour totalement désorientées par rapport à tout ce qui devait les amener à espérer une quelconque amélioration de leurs conditions de vie. Les jeunes en l’occurrence, qui se sentent délaissés, sans repères sociopolitiques et sans perspectives d’avenir, se retrouvent victimes d’une oisiveté malsaine. Cette expérience de pauvreté ou plus précisément de misère, les rend donc très vulnérables aux conséquences qui en découlent. Je demeure donc pour ma part, dans la ferme conviction que le mal a besoin d’être traité plus à partir de ses causes qu’à partir de ces effets. En effet, les jeunes abandonnés à une situation qui ne leur promet aucune issue de construction sociale, ne peuvent résister aux menaces sociétales dont ils finissent par être victimes. C’est bien le défaitisme politique et structurel qui justifie pour l’essentiel le phénomène de frustration des populations et de toutes les considérations déconcertantes qui en découlent. Il faut reconnaitre que la simple option de répression ne saurait suffire pour endiguer la « délinquance » dont il est question dans les banlieues .Les enfants ne naissent pas délinquants, comme on a tendance à le considérer. Les exemples connus ailleurs peuvent le confirmer… j’ai été très tôt en contact avec des jeunes, des voisins qui n’avaient aucune issue, si ce n’était pas de s’adonner à cette délinquance, par ce qu’ils n’avaient aucune chance ou aucune piste pour s’en sortir. Finalement c’est la rue, la drogue, l’eau de Roche, les viols, les cambriolages, le racket ….

Dites-nous en quelques mots votre journée de consultation médicale suivie de distribution gratuite de médicaments que vous avez organisée à El Mina ?  

Mets le nombre de personnes consultées : 600. Cette action a été menée vers le mois de juillet 2019. Il s’agissait d’une initiative de solidarité humanitaire avec les personnes déshéritées, qu’il nous arrive d’organiser une fois au moins chaque 2 ans, compte tenu de nos moyens limités. Cette campagne de 2019 avait en effet consisté en une offre de consultations médicales gratuites, avec dons de médicaments au profit des femmes et des enfants. Environ 600 personnes ont pu bénéficier de cette opération de 2019, qui a été rendue possible grâce au volontariat bénévole de praticiens spécialistes de la santé et à la contribution de généreux donateurs, parmi les personnalités opératrices économiques et sociales. À cette occasion une valeur d’environ 1.280.000 Ouguiyas en médicaments, avait été distribuée aux bénéficiaires. Il convient de noter qu’au mois de Mai 2019 durant le Ramadan, nous avions également eu à organiser une distribution de rations alimentaires aux familles nécessiteuses dans différents quartiers. Ces interventions de solidarité et partage durant le ramadan nous sont désormais devenues habituelles, grâce aux contributions des bonnes volontés. Par rapport à ces actions que nous organisons, nous ressentons une certaine satisfaction en constatant la reconnaissance et les remerciements des bénéficiaires. Nous envisageons donc les poursuivre en les élargissant autant que possible, par la grâce de Dieu.

 Quel regard portez-vous sur les droits des enfants et des femmes en Mauritanie ? 

Sur cette question, je dois reconnaître que certaines évolutions sont effectivement à capitaliser. Les objectifs de développement envisagés sur ces chapitres incitent honnêtement à l’optimisme, surtout quand on se considère la vision exprimée  par le Président et les nouvelles orientations de la politique de développement économique et social. Cependant, il s’agit de rappeler que le chantier est en effet extrêmement important, et qu’il nécessite les contributions de toutes les forces vivent de la nation. Il reste encore beaucoup à faire pour la question de l’état-civil des enfants. On a constaté l’année dernière plusieurs cas d’enfants qui n’ont pas pu faire leurs examens, pour faute de papiers d’état-civil. Cela est sérieusement à déplorer. Les communes devraient pouvoir intégrer cet aspect dans leurs missions et programmes. Un autre point mérite d’être souligné quant au fait que généralement, seules les communautés négro-africaines connaissent des difficultés à ce niveau. Ce qui ajoute à la frustration de certains citoyens et qui constitue un paradoxe par rapport à l’exigence d’unité nationale. Ce concept ne devrait pas être considéré que du bout des lèvres. Tous les enfants doivent jouir des mêmes conditions de considération et de chance pour leur avenir. Relativement à la question du genre, il faut reconnaître que des avancées notoires sont perceptibles à l’heure actuelle. Les problèmes de familles et de violences faites aux femmes sont désormais mieux considérés sur le plan juridique. Sur le plan politique, il faut dire qu’avec l’arrivée au pouvoir du nouveau régime, il est permis de s’inscrire dans une espérance, en considération des engagements exprimés pour une gouvernance nationale plus conforme aux préoccupations des citoyens en termes de justice égalitaire, de démocratie et de cohésion sociale. Il nous reste de voir comment tout ceci va être matérialisé.

 Pourquoi votre candidature sous la bannière d’une formation politique peu connue pour vous qui êtes très connue ? Avez-vous tiré les leçons de cette candidature ? 

C’était pour moi une occasion d’essayer une autre vision d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même, où les considérations ethniques, tribales et autres mentalités désuètes n’ont plus de place dans le contexte d’une exigence d’émancipation des peuples et de gouvernance concertée et inclusive. C’est tout le sens du concept de « la patrie où la mort ».  J’ai donc été contactée par la formation politique en question, qui a cru en moi en tant que femme citoyenne, engagée pour la cause d’une Mauritanie unie dans sa diversité communautaire. Cette expérience m’a beaucoup servi en considérant la reconnaissance dont j’ai pu bénéficier de la part des populations. Le plan de communication de notre campagne à cette occasion s’est révélé porteur d’une excellente manière. Ce qui nous a permis de capitaliser une bonne visibilité auprès des populations, qui se sont véritablement approprié tous les slogans que nous avions eu l’occasion de développer.

Et si c’était à faire feriez-vous le même choix ? 

Pourquoi pas ? D’ailleurs nous n’avons pas baissé les bras depuis. Et nous pensons que notre proximité réelle auprès des populations, nous renforcera toujours dans notre vision politique et notre démarche stratégique d’émancipation des citoyens.

La politique et Hawa font–elles bon ménage ? 

Assurément oui. Dans la mesure où je m’inscris naturellement et sans faux-semblants, pour le respect effectif des droits et devoirs des citoyens ainsi que pour le combat sans relâche de tout système totalitaire, qui chercherait à nous priver de ces droits. La politique me permet donc d’émettre et d’entretenir une communication conséquente et une mobilisation effective pour reconnaître que chacun compte pour le salut de notre nation, et de permettre aux catégories vulnérables de jouir de leurs droits citoyens.

 Quelle appréciation faites-vous des femmes élues en Mauritanie ? 

Je suis très heureuse que les femmes commencent de plus en plus à accéder à des responsabilités électives et à des postes de décisions. Ceci est le résultat d’un combat de longue date et qui va forcément progresser. Cela ne fera que renforcer notre dynamique de développement économique et social. En leur donnant plus de pouvoir nous allons arriver d’une manière sure et rapide vers le développement que nous souhaitons

Et la gouvernance du président Ghazouani ? 

Mon rêve de toujours est de voir le système matérialiser concrètement sa vision du développement national, en permettant à tous les nationaux d’en jouir effectivement et de manière égalitaire. Je pense que l’État au plus haut niveau devrait engager une démarche programmatique de renforcement de l’unité nationale dans la diversité, à travers toute la morale que notre Sainte Religion nous commande. Monsieur le Président de la République, sur qui nous fondons de réels espoirs, serait davantage bien inspiré, pour conduire une politique de réconciliation nationale. Il devra pour ce faire prendre les bonnes mesures qui permettront de déstructurer tous les subterfuges que des ennemis de la nation peuvent engager pour discriminer certains citoyens sur des bases tribales ou ethniques. La Mauritanie devra rester unie et indivisible. Une nouvelle forme de gouverner, qui est le leadership partagé, l’ouverture vers tous les citoyens, cependant il doit redoubler d’efforts dans l’égalité des chances. À cet égard, il est important de faire cas de la question de l’’enrôlement des citoyens, du retour des réfugiés victimes des événements de 1989 et qui connaissent en ce moment une situation très difficiles au niveau des pays hôtes. En plus le chantier de la réconciliation et de l’unité nationale doit davantage faire l’objet d’une priorité programmatique. Car nous n’avons qu’une seule Mauritanie et que force est de reconnaître que la communauté négro-africaine continue de souffrir les cicatrices héritées des douloureux événements ethniques de 1989. Tout compte fait, nous reconnaissons le charisme intrinsèque du président Ghazouani et sa capacité à œuvrer sérieusement pour une nouvelle Mauritanie de paix, de prospérité partagée et de cohésion sociale effective. Certains signes nous font comprendre sans risque de nous tromper, qu’il est moralement engagé à jouer le rôle historique que tous les fils du pays espèrent de son dévouement. Nous lui souhaitons plein succès dans son mandat

Est-ce facile d’être la sœur aînée du leader d’un groupe de rap, qui est toujours dans la contestation ?

Cette contestation n’a jamais été qu’une forme d’expression d’un droit citoyen, contre un système à vocation totalitaire, qui a toujours méprisé les populations pauvres. Chacune et chacun d’entre nous a eu à réagir à sa manière contre des pratiques pour le moins dictatoriales et ségrégationnistes. Il importe de détromper l’opinion politique sur la raison d’être du groupe de rap « Diam Min Tekky ». Ce sont des jeunes citoyens qui ont eu le courage d’exprimer tout haut le ressenti des populations pauvres et discriminées dans notre pays. Il s’est malheureusement trouvé que personne n’avait ce droit dans le contexte d’un régime tyrannique aujourd’hui révolu, au grand soulagement de toutes les catégories de populations qui ont été brimées jusque dans leurs âmes. En faisant une revue de leurs chansons et de leurs clips, on constatera que ces jeunes ont toujours convoqué les principes de paix sociale et d’unité pour la patrie. Malheureusement ils ont aussi régulièrement fait savoir que le régime politique qui était en place ne semblait pas se soucier de ces nobles principes. On a donc voulu les bâillonner pour les empêcher d’appeler à l’éveil citoyen indispensable et à la mobilisation sociale agissante, en vue d’infléchir la mauvaise gouvernance et la politique de déprédation de notre économie nationale, qui étaient à l’ordre du jour. Ils ont donc fini par payer le prix fort de leur engagement, puisqu’ils ont été contraints à l’exil, au grand désarroi de leurs familles et de l’ensemble des jeunes qui s’identifiaient à leur rêve. Pour ce qui concerne sur ce chapitre, je dirais seulement que mon frère restera toujours mon frère et que je ne peux m’empêcher de l’aimer, au simple motif de considérations politiques.

Grande Interview réalisée par Camara Mamady