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Reporter, témoin des faits

Hommage au Pr. Saidou Kane (Par Mamadou Elimane Jaalo)

Le professeur Saïdou Kane naquit en octobre 1947 à Tékane faut-il rappeler que depuis 1904, le Dimar est divisé par 2 entités dans le but d’affaiblir davantage l’héritage du saint Elimane Boubacar : le canton de Tékane à l’ouest et le canton de Thillé-Boubacar qui surplombe Dialmathie.

C’est en 1952 que Saidou Kane fut inscrit à l’école coloniale à Thillé-Boubacar.

Saïdou Kane effectue ses études secondaires au lycée Faidherbe de Saint–Louis (Sénégal). Jeune ; il animait des émissions comme « Jeunes à vous l’antenne » Saint-Louis. En 1964 ; il avait 17 ans quand il écrivit Dialowali. Son dada, c’était la lecture et l’Histoire pour en changer le cours sinueux et triste. Saidou a été agent technique de l’élevage avant d’aller en Russie pour continuer les études ; ensuite l’Europe. Il suit des études universitaires à Dakar, à Bruxelles et à Paris. Après la soutenance d’un mémoire sur le Sahara occidental en 1977, il regagne la Mauritanie pour devenir chercheur à l’Institut mauritanien de Recherche scientifique (IMRS.

Il meurt le 28 septembre 2006 à Dakar après un accident dans matinée du dimanche 24 septembre sur le trajet Nouakchott-Tékane. Le diplomate et cousin Karasse Kane y meurt. Le Professeur fortement blessé mais voulant rassurer son public ; après avoir demandé sans réponse véridique le sort de Karasse est transporté à l’hôpital jusqu’au mardi 26 ; avant une évacuation dans un avion médicalisé pour l’hôpital Principal de Dakar. C’est le jeudi 28 septembre qu’il partagea le dernier soupir dans la salle d’opération ; aux alentours de 15 au Sénégal après tant d’efforts des médecins de sortir le sang dans son corps.

J’étais à Nouakchott ; je n’ai pas eu le courage de l’approcher dans cet état. A Dakar il était impossible pour moi de le voir mais je surveillais de près les entrées et sorties de son grand frère Boubacar et tout était insolite quand ce « grand taureau de lamantin » s’est écroulé.

Je n’ai pu le voir quand dans la salle à tiroirs. Mes oncles Boubacar et Hamédine Bana ,’avait confiaient la lourde mission de prendre Aissata Kane à l’aéroport ; de la conduire à Principal ; pour une dernière entrevue avec Moustapha. C’est le vendredi 29 septembre. Le samedi 30 ; départ pour Rosso ; sa dernière demeure ; à côté de son papa qu’il ne connaît pas parce décédé depuis sa tendre enfance.…

Engagement politique

– Plusieurs fois emprisonné pour son combat pour l’égalité et la justice ; pour la résolution de l’identité nationale en Mauritanie. A un ancien président qui lui reprochait de regarder des 2 cotés ; il répliqua. M. le Président, avec tout le respect que vous dois ; il n’y a qu’un seul côté ; celui de la Mauritanie libre, démocratique et égalitaire.

– Fondateur de l’Union Démocratique Mauritanienne (UDM) et prisonnier politique à Oualataaprès le manifeste du négro-mauritanien opprimé,

– Vice-président et Porte-parole des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) entre 1995 et 2000.

– Exilé en Europe, il enseigne à l’Université libre de Bruxelles et dans des institutions en Suisse, en France et en Hollande.

– En 1997, Saïdou Kane fonde le Réseau eurafricain des Droits de l’Homme, du Développement intégré et des Relations interculturelles (YAAKAARE) avec Jean Ziegler, professeur de sociologie et homme politique socialiste de nationalité suisse.

– En 2001, Saïdou Kane initie le Forum de la Diaspora pour une Mauritanie Unie et Prospère/ Coalition pour le changement (FDMUP/CC).

– Saïdou Kane revient en Mauritanie en 2005 pour contribuer à la reconstruction du pays après la chute de Ould Taya

Publications de Saïdou Kane

– Histoire du Dimar des origines à nos jours, 1966 ; inédit mais fréquemment cité par Yves Saint Martin dans son livre le Sénégal sous le second empire.

– Saïdou Kane, Enquête sociologique dans la plaine du Dirol (Mauritanie), Nouakchott, USAID, 1986.

– Saïdou Kane, Les enjeux géopolitiques et culturels de l’intégration nationale et régionale en Afrique : l’exemple mauritanien, Université libre de Bruxelles, 1993.

– Saïdou Kane, Enjeux ethniques et problèmes géostratégiques, Université de Paris XII – Créteil, 1994.

– Saïdou Kane, Aperçu sur la démocratisation, la question des droits de l’homme et le problème des réfugiés au Zaïre, 1995.

– Saïdou Kane, Histoire de l’esclavage et des luttes anti-esclavagistes en Mauritanie [archive], 2002.

Moustaf Boli dit Saïdou Kane, est parti le 28 Septembre 2006. 14 longues années que des amis, collaborateurs et parents prient pour le repos de son âme. Ce digne fils du Fouta, ce noble peul, synthèse généalogique des grandes familles jugeait les faits dans le sens qu’ils portent et dans l’avenir qu’ils dessinent aux contours de l’actualité.

Un mail posthume et anonyme ; reçu le 03 octobre 2006 résume la vie du disparu : « Il paraît que je suis mort le 28 septembre 2006. Je n’ai pas souvenir d’avoir rompu les liens avec ma famille, mes compagnons de lutte, les défenseurs de la justice et de la démocratie dans le monde entier, les dignes héritiers de Cheikh Anta Diop. Excusez-moi, je ne peux pas citer tout le monde, comprenez que la liste est longue. J’ai juste élu définitivement domicile à Rosso, ce sera ma dernière demeure. Après toutes ces longues années d’exil, j’avais envie de me poser. Mes voisins sont très calmes. Ce qui me laisse le temps de réfléchir, de prendre un peu de latitude. »

Troubadour du concept, poète de la vie, philosophe de l’existence joyeuse, intransigeant et hardi contre les tenants de l’orthodoxie, Moustaf Boli excellait dans l’art du compromis, dans l’addition des humeurs et des vérités pour fonder une société juste et conviviale.

Une enveloppe modeste et une vie simple l’amenaient à partager son temps avec ceux qui ont besoin de lui. Ni la gloire et ni les honneurs ne le faisaient courir. Ce qui intéressait ce chevalier de la fraternité, ce nomade de la paix au visage plein d’humanisme, c’était l’Histoire pour en changer le cours sinueux et triste. Avocat du bonheur, il allait partout transmettre l’enthousiasme et la joie de vivre.

Chacune de ses phrases était une notion d’un segment du monde ou d’une leçon de vie. Dans une aisance bilingue du Français et du Pulaar, la parole de Moustapha s’enroulait dans le souffle vivant du cours de la pensée.

Il avait un appétit gargantuesque du savoir et du débat. Il était doté du pouvoir de recul et savait par conséquent construire des jugements pertinents, efficaces et justes, toutes choses qui expliquaient sa vivacité et son attachement à son pays et à sa communauté. Sa vie avait incontestablement un sens. Sa mort est une perte immense.

La lutte vient à peine d’être comprise. Nous devons absolument la continuer. Nous serons là, pour toujours y participer, jusqu’au moment où Dieu en décidera autrement.

Par Mamadou Elimane Jaalo