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Reporter, témoin des faits

Impunité en Mauritanie : Le Coup de gueule de Dr. Alassane Dia

Insupportable, inhumain, révoltant ! Je découvre à l’instant la vidéo montrant un homme de soi-disant extraction servile, ligoté, le visage et les mains ensanglantés, exposé dans un champ de culture au sarcasme cynique de ses supposés bourreaux, hommes adultes accompagnés de femmes et d’enfants, armés entre autres de gourdins, comme pour mettre en garde tous ceux de sa condition qui oseraient défier , pour quelque raison que ce soit, défier l’ordre féodal établi.

La scène se serait passée à Dafor, village soninké du Guidimagha. Au-delà du traitement inhumain réservé à la victime, qui en plus d’avoir été torturée, est filmée pour être mieux humiliée encore, c’est l’organisation féodale anachronique de nos sociétés qui interpelle. Il faut qu’on en finisse avec les privilèges de naissance et leur revers de médaille les assignations de naissance à la catégorie de sous-hommes pour ceux dits de condition servile mais également ceux issus de castes considérées comme inférieures. Si aujourd’hui, dans les sociétés Pulaar, Sooninkè et wolof on ne peut parler d’esclavage au sens de disposer d’une personne notamment en la faisant travailler de force et sans contrepartie, il faut reconnaître que l’assignation à une ascendance dite servile restreint encore largement le champ des possibles L’appartenance aux castes considérées comme inférieures continue aussi à être un handicap dans nos structures traditionnelles.

Cela dit, la responsabilité dans la perpétuation de cette catégorisation de naissance et de cette hiérarchisation indue qui en découle est largement partagée. Si de manière générale les privilégiés de naissance n’ont aucun intérêt à se départir de leurs privilèges, les autres ne font pas grand-chose pour sortir dans laquelle se complaisent parce que profitant des ‘largesses » de soi-disant nobles.

Pour en revenir à la vidéo de la honte, prétexte de cette réflexion, j’ose espérer que l’acte n’est pas resté impuni surtout que les présumés bourreaux ont agi à visages découverts, ce qui en dit long sur l’impunité chez nous.

Dr. Alassane Dia, Universitaire & Militant des Droits humains