REGARD D’UN UNIVERSITAIRE. Dr. Mory Mandiana Diakité, universitaire de son état, répond aux questions de Farafinainfo.com et se prononce sur les informations marquantes de la semaine écoulée en Afrique et dans le monde. [Actu de la Semaine en 3 Questions].
Dr. Mory Mandiana Diakité, l’Universitaire guinéen
« Notre malheur c’est que ceux auxquels on confie la gestion du dénier public, ce sont ceux-là qui sont les premiers à le brader. »
1)– [LITIGE FONCIER EN GUINÉE] – Affaires résidences de Sidya Touré & Mamadou Cellou Dalein Diallo. La Cour Suprême tranche en faveur de l’État dans le litige l’opposant à ces deux grandes figures politiques, individuellement. Quel commentaire faites-vous ?
Suite à une décision du gouvernement de récupérer les domaines spoliés de l’État juste quelques mois après l’accession du CNRD au pouvoir, des domaines appartenant à ces deux grandes figures politiques qui vivent depuis en exil, étaient dans le collimateur des nouvelles autorités. Ils furent récupérés par la force et les occupants sommés de déguerpir dare-dare. C’est suite à cela que les deux personnalités ont saisi le tribunal de première instance de Dixinn pour contester cette décision. D’appel en appel, cette affaire est finalement portée devant la Cour Supreme qui a tranché.
Pour ce qui est de mon point de vue, je ne pense pas que c’est parce que ces deux personnalités sont aujourd’hui des figures de l’opposition, qu’elles ont perdu cette bataille judiciaire qui a duré plus de deux ans. Même si je reconnais que la forme a fait défaut, car, la force a été mise en avant de la procédure judiciaire. C’est ce qui n’est pas normal. Mais en s’intéressant de plus près au passé administratif de ces deux figures majeures de l’opposition, on comprendra que les conditions d’acquisition de ces domaines qui font l’objet de contentieux ne devaient pas être transparentes. Ces deux hommes politiques les ont acquis quand ils étaient aux affaires et assumaient des hautes fonctions. Autrement dit, ils sont tous les deux des anciens Premiers ministres. Pour celui qui connait comment l’administration publique fonctionne dans notre pays ne tardera pas à remettre en cause les conditions d’acquisition de ces domaines. Bref, bien que dans bien de domaines, il peut avoir l’injonction de l’exécutif, mais pour cette affaire, je ne pense pas s’il y a eu une quelconque interférence du pouvoir en place pour influencer le verdict. Notre malheur c’est que ceux auxquels on confie la gestion du dénier public, ce sont ceux-là qui sont les premiers à le brader.
« Une armée d’un autre pays ne peut pas venir libérer un autre pays à la place de l’armée de celui-ci. »
2)– [GUERRE EN RD CONGO] – Les rebelles du groupe antigouvernemental du M23 se sont emparés de l’aéroport de Bukavu et avancent à grande vitesse, malheureusement pour le pouvoir de Kinshasa, sur la route qui longe le lac Kivu à l’Est de la RD Congo. Ils ne sont plus qu’à une trentaine de kilomètres de Bukavu, la provinciale Sud-Kivu, peuplée de plus d’un million d’habitants. Que peut-on faire (vraiment) pour les arrêter apparemment la tenue d’un sommet africain n’aurait servi à rien, du moins pour le moment, car la guerre a repris de plus belle ?
Le boss du M23
Sans rappeler les dernières informations sur l’évolution de la guerre, je résume la situation qui prévaut en RDC (République Démocratique du Congo) par un proverbe malinké qui dit, je cite : « la viande est fibreuse, le couteau n’est pas tranchant ». La viande représente la situation que traverse le pays présentement, tandis que le couteau c’est Tshekedi, le Président en exercice. Ce pays est très vaste, malheureusement les gouvernements successifs ont préféré investir dans le luxe et la belle vie, voire la débauche, que de penser à disposer des moyens militaires adéquats pour le sécuriser contre une éventuelle prédation. Imaginez un peu que la Russie soit militairement dans une position de faiblesse aujourd’hui, elle serait morcelée par ses voisins et les puissances extérieures à cause de l’abondance des richesses de son sous-sol. Même si vous le journaliste, vous apportez beaucoup de liquidité chez vous à la maison, sans disposition sécuritaire conséquente, c’est très probable que les bandits vous attaquent. Cela, souvent avec la complicité des voisins. Tel est le cas de la RDC aujourd’hui. Bref, il sera difficile de sauver la chute de Kinshasa, si les militaires congolais ne sont pas suffisamment motivés et organisés militairement pour défendre leur pays contre l’envahissement par une armée étrangère probablement soutenue par des puissances étrangères. Une armée d’un autre pays ne peut pas venir libérer un autre pays à la place de l’armée de celui-ci. On ne peut qu’aider à libérer un pays, mais pas pour mener le combat en lieu et place des autochtones, au risque de créer une nouvelle situation plus complexe et difficile à gérer que la précédente.
« Quoi qu’il en soit, ce rapport remet en cause la crédibilité des chiffres fournis par nombreux gouvernements africains. »
3)– [LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES DU SÉNÉGAL] – Le Rapport de la Cour des Comptes du Sénégal pointe des graves manquements dans la gestion des finances du pays. Disons que la situation des finances publiques est alarmante. C’est la principale conclusion dudit Rapport définitif de la Cour des Comptes sur la gestion de l’argent public de 2019 au 31 mars 2024. Quel regard portez-vous sur le Rapport de la Cour de Comptes ?
Ce rapport de la Cour des comptes pour l’année 2023 met en évidence un déficit budgétaire recalculé par elle, qui, il faut le rappeler, est passé de 4,9 % à 12,3 % du PIB, soit 2 291,00 milliards de F CFA. Selon ce rapport, cette différence résulte principalement de la non-comptabilisation de certaines dettes et dépenses extrabudgétaires. Mails il réconforte le Premier ministre, Ousmane Sonko, dans sa position comme quoi le régime du Président Macky Sall a menti au peuple et aux partenaires en falsifiant les chiffres pour donner une image économique qui n’avait rien à voir avec la réalité. Quoi qu’il en soit, ce rapport remet en cause la crédibilité des chiffres fournis par nombreux gouvernements africains. Les dirigeants ne se gênent jamais de mentir à leur peuple et défendent toujours une chose et son contraire. Lorsque la chasse tourne au fiasco, le paresseux devient un prévoyant. On donne raison à ceux qui n’ont pas cru en notre capacité de nous développer et de devenir majoritairement prospère par nous-mêmes.
Rédaction de Farafinainfo.com
Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat