L’Universitaire Dr. M. Diakité : “Le Général Mamadi Doumbouya (…) ni à Thomas Sankara ni à John Rawlings”
REGARD D’UN UNIVERSITAIRE. Dr. Mory Mandiana Diakité a bien voulu se prêter aux Questions de la Rédaction de Farafinainfo.com. Et est revenu sur les faits marquants de l’actualité [sociopolitique] de la semaine écoulée en Afrique particulièrement la Déclaration de Politique Générale du Premier Ministre Sénégalais Ousmane Sonko. La menace des leaders politiques et autres activistes de la société civile regroupés sous la bannière des Forces Vives de Guinée (FVG) “ne plus reconnaître la junte militaire à partir du 31 décembre 2024”. Et la déclaration de l’archevêque de Douala à propos de la candidature du Président Paul Biya. [Actu de la Semaine en 3 Questions].
“… la révolution de palais marquée par la montée au pouvoir du PASTEF va, sans doute, bouleverser les vieilles pratiques politiques politiciennes de ce pays jusque-là évoluant sous l’influence de l’ancienne puissance coloniale”
1)– Quel décryptage faites-vous de la Déclaration de Politique Générale du Premier Ministre sénégalais Ousmane Sonko ?
Près de neuf (9) mois après sa nomination, le Premier Ministre sénégalais, en l’occurrence Ousmane Sonko, a enfin livré sa Déclaration de Politique Générale, ce vendredi 27 décembre, devant une Assemblé Nationale presque au complet. Il place sa déclaration de politique générale sous le signe de la rupture et annonce des réformes fiscales ambitieuses. Annonçant notamment qu’il entendait mettre fin au principe de non-réciprocité dans la délivrance des visas, il a par ailleurs déclaré qu’il déposerait un projet pour abroger la loi d’amnistie de l’ex-président couvrant les violences politiques qui avaient fait des dizaines de morts entre 2021 et 2024. Si elle est votée, cette abrogation pourrait ouvrir la porte à des poursuites contre les dirigeants de l’ancien régime, dont Macky Sall. Malgré une situation économique qu’il avait lui-même décrite comme « catastrophique », avec un déficit budgétaire atteignant 10,4% du PIB et une dette publique représentant 76,3% du PIB, Ousmane Sonko a l’ambition de hisser le Sénégal parmi les économies les plus compétitives d’Afrique. Pour cela, il compte notamment s’appuyer sur les ressources gazières, qui devait normalement démarrer en 2024. Il a par ailleurs annoncé une rationalisation des subventions à l’énergie pour qu’elles bénéficient essentiellement aux ménages démunis, chose qui passe par l’élaboration des critères d’éligibilité à ce programme d’aide. Les sujets brulants tels que la fermeture des bases étrangères ou encore l’émigration n’ont pas été occultés dans son discours.
Bref, la révolution de palais marquée par la montée au pouvoir du PASTEF va, sans doute, bouleverser les vieilles pratiques politiques politiciennes de ce pays jusque-là évoluant sous l’influence de l’ancienne puissance coloniale. Tout porte à croire que les relations entre le Sénégal et la France ne seront pas au beau fixe comparativement à la période d’avant l’arrivée de cette génération de jeunes leaders patriotes. Traditionnellement, avec les accords de défense secrètement signés sur le dos des populations, les dirigeants de l’Afrique francophones, en tout cas pour la plupart, défendent d’abord les intérêts français, et secondairement ceux de leurs propres peuples. Est-ce que la nouvelle génération de leaders africains adoptera la même posture que leurs prédécesseurs ? Pour ma part, je n’y crois pas. Rien ne sera plus comme par le passé.
“Pas un seul jour de plus. A-t-il insisté au micro du journaliste Alain Foka. Malheureusement le temps n’attend pas.”
3)– Les Forces Vives de Guinée “ne reconnaîtront plus la Transition en Guinée à partir du 31 décembre 2024.” Quel commentaire faites-vous de cette déclaration des opposants de la junte militaire au pouvoir en République de Guinée ?
L’année 2024 vient de s’achever alors que le 31 Décembre était censé marquer la fin de la transition amorcée depuis la prise du pouvoir par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), en septembre 2021. Pour rappel, le CNRD s’était engagé auprès de la CEDEAO à remettre le pouvoir aux civils au terme d’une période de deux (2) ans, alors qu’on avait déjà consommé une année que l’on considère comme un bonus. Voilà que trois (3) années se sont écoulées sans que le moindre bulletin ne soit glissé au fond de l’urne et sans qu’un calendrier clair ne soit élaboré et présenté au peuple. J’imagine que le plus difficile pour le Général d’Armée Mamadi Doumbouya c’est comment revenir sur sa parole alors qu’il affichait sa détermination inébranlable dans une interview accordée à un media étranger que le délai indiqué pour la fin de la transition ne sera excédé d’un jour. Pas un seul jour de plus. A-t-il insisté au micro du journaliste Alain Foka. Malheureusement le temps n’attend pas. Nous sommes entrés dans le nouvel an. Cette promesse n’est plus tenable.
Personnellement, étant auteur d’un romain intitulé : le soleil de la démocratie, je ne suis pas surpris qu’on se retrouve encore dans une situation extrêmement semblable à celle de la période de 2008 à 2010, voire plus complexe. Le CNRD aurait pu bénéficier du soutien total de la population s’il avait été à l’écoute du cri du cœur de la majorité silencieuse. Ce qu’on oublie, c’est que Dieu est avec et parmi le peuple dont il faut respecter scrupuleusement et écouter attentivement. Il faut le respecter pour être respecté à son tour et avoir la paix du cœur et pour terminer sa vie dans l’honneur. C’est une équipe qui gagne. Dit-on. Sauf que chez nous, ce sont les individus qui gagnent et non l’équipe. Ce que la Guinée a besoin c’est la révolution tant sur le plan social, culturel, économique et politique. Après trois années d’observation minutieuse, je crois que le Général d’Armée Mamadi Doumbouya ne ressemble pas encore ni à Thomas Sankara ni à John Rawlings, alors qu’il avait cité ce dernier comme une référence pour justifier sa prise du pouvoir le 5 septembre 2021. Mais je crois qu’il a une seconde chance pour rectifier le tir et se rapprocher davantage de son peuple. Je ne suis pas de ceux-là qui s’agitent pour l’organisation rapide d’élection présidentielle pour donner le pouvoir à un politicien françafricain convaincu, qui se servira du peuple au lieu de le servir. Je suis plutôt pour une gouvernance vertueuse au bénéfice du peuple et non au détriment de celui-ci, chose qui ne peut se faire qu’à travers des réformes courageuses et la lutte contre la corruption endémique et généralisée. Mon souhait de nouvel An 2025 est qu’il réussisse à faire de la Guinée un havre de paix et une destination privilégiée des investisseurs et des touristes étrangers en refondant la nation. La refondation tant chère à lui ne doit pas être un slogan creux. Il ne doit pas se laisser distraire par des brebis galeuses. Sinon, le sérieux se lit sur son visage quand il apparait et quand il s’adresse au peuple. Mais le Guinéen est dangereux, il réussit toujours à sevrer le Président de son peuple avant de se livrer aux malversions financières au nom de celui-ci. Alpha Condé a cru aux individus qui ne peuvent même pas mobiliser politiquement leurs propres tribus à plus forte raison leurs villages ou quartiers. Le Président Doumbouya ne doit pas tomber dans le même piège que son prédécesseur, en croyant et associant encore les mêmes diables ou oiseaux migrateurs à la gestion du denier public.
“Un politicien patriote se soucie de son vivant, mais également de ce qui arrivera à son pays après sa mort.”
3)– Présidentielle Camerounaise 2025. Une nouvelle candidature du Président Biya en 2025 “n’est pas réaliste”, selon l’archevêque de Douala. Qu’en pensez-vous ?
Samuel Kleda, Archevêque de Doulala
Je crois que l ’archevêque de Douala a raison. Une nouvelle candidature du Président Biya en 2025 serait une catastrophe pour le Cameroun et pour la sous-région déjà fragilisée par la rébellion de Boko Haram et d’autres groupes armés. Pour rappel, c’est en novembre 1982 que Monsieur Biya accéda au pouvoir suite à la démission surprise du Président Ahmadou Babatoura Ahidjo pour des raisons de santé, soit 42 ans au pouvoir. Ils ne sont pas des rois, mais ce qu’ils font au pouvoir en terme de durée est plus que les rois. C’est en Afrique le record de longévité au pouvoir est détenu depuis toujours. Pourquoi ne prend-il pas exemple sur Dos Santos d’Angola. S’il ne réussit pas à régler sa succession de son vivant, il va laisser sa propre famille biologique et celle politique ainsi que son pays tout entier dans des problèmes. Car, ce que tu n’as pas réussi à régler de son vivant, ce n’est pas en son absence que l’on pourra. Un politicien patriote se soucie de son vivant, mais également de ce qui arrivera à son pays après sa mort.
Rédaction de Farafinainfo.com
Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat