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Reporter, témoin des faits

Mauritanie: Le Village de la Biodiversité de Nouakchott, une page tournée.

Je tourne, une nouvelle fois, une page … une page remplie de merveilleuses histoires, de merveilleuses rencontres, de merveilleuses créations artistiques, culturelles… ….

Il est écrit quelque part que je tournerais des pages tous les 10 ans dans ce livre magique appelé la Vie. Mais avant de la tourner et pour de bon, je vais tenter de la résumer et de raconter sa triste fin, en quelques lignes comme « devoir de mémoire ».

Au fil de ces 10 années, j’ai vu défiler des enfants, des jeunes, des moins jeunes, des retraités, des femmes, des hommes – des élèves, des étudiants, des enseignants, des artistes, des cinéastes, des poètes, des écrivains, des sportifs, des activistes, des leaders, des SDF, des politiciens, des diplomates, des élus, des ministres, des imams, des citoyens lambda – des malades, des handicapés, des médecins – des africains, des européens, des américains, des asiatiques, des H’ratin, des maures, des wolof, des peuhls, des soninkés, …. par dizaines, par centaines, par milliers – venir partager leurs rêves, leurs ambitions, leurs exploits, leurs combats, leurs discours, leurs besoins, leurs repas, leurs bonheurs, leurs peurs, leurs moments de plaisirs…

Toute cette mémoire collective d’émotions, restera à jamais ancrée dans mon cœur et mon esprit – malgré la Colère, la Déception et la Tristesse que je ressens aujourd’hui.

Je suis en colère – par l’attitude, irresponsable, arrogante et irrespectueuse manifestée tout au long de la gestion de ce dossier par les institutions publiques de mon pays. Nous avons reçu une injonction de libérer le Village de la Biodiversité de Nouakchott dans les 72 Heures, lorsque nous avons manifesté notre point de vue et demander que cet espace soit un espace public pour la Ville de Nouakchott – qui n’a presque plus de poumons pour respirer. C’était le 1er décembre 2020.

Nous avions demandé audience aux commanditaires de cette action – par toutes les voies directes et indirectes – qui ont sciemment refusé de nous recevoir et écouter notre plaidoyer et qui ont choisi les voix les plus tordues pour nous provoquer, nous calomnier, nous insulter. Et finalement, ils ont saccagé tous nos investissements, nos équipements, nos archives, brûlé notre potager et tout le couvert végétal du parc.

Nous avons sollicité l’audience et l’arbitrage des plus hautes autorités du pays – sollicité aussi le soutien de tous les bénéficiaires du Village : les ministères – les élus – les partenaires techniques et financiers, les missions diplomatiques…. A ma connaissance, seule la Présidente de la Région de Nouakchott avec un partenaire international – ont intercédé en notre faveur.

Je suis déçue et triste par ce que nous n’avons pas mérité ce traitement et ce mépris, alors que nous n’avons fait que servir l’intérêt général en offrant un service public qui n’existe nulle part ailleurs dans tout le pays – sans jamais rien demander en contrepartie au gouvernement mauritanien.

Notre seul et unique crime est d’avoir demandé à ce que cet espace demeure un espace public pour la capitale Nouakchott.

Nous (organisations de la Société Civile) avons investi ce parc abandonné par tous et qui était une énorme décharge publique – c’était en avril 2010.

Nous l’avons transformé en un espace convivial, attractif ouvert au public de la Ville et aux activités de TOUS (institutions publiques, privées, organisations gouvernementales ou non gouvernementales, partenaires techniques et financiers, missions diplomatiques,…)

Nous l’avons entretenu et préservé grâce aux contributions et ressources très limitées des organisations de la société civile qui exploitent ce parc.

Avec sa capacité d’accueil de plus de trois milles personnes, ses voies d’accès et ses parkings libres, c’était l’unique espace adapté aux activités d’éducation éco-citoyennes, culturelles, artistiques (particulièrement, la plus grande manifestation culturelle de Nouakchott, le festival Leyali El Meddih) – de jour comme de nuit – avec une dizaine d’arbres majestueux dont certains avaient plus de 40 ans.

Un trésor – que seuls des esprits étroits et petits – incapables de l’apprécier à sa juste valeur – peuvent raser pour le faire remplacer par une «école Taj Mahal».

Je tourne définitivement cette page – après avoir investi toute mon énergie pour tenter de sauver l’un des derniers espaces publics de la Ville de Nouakchott – en exprimant ma sincère gratitude aux rares personnes de valeur qui ont soutenu cette cause et qui continuent de la soutenir – contre vents et marées – en leur souhaitant une bonne continuation dans ce noble combat ! LLC.

Maimouna Saleck, Journaliste & Militante environnementaliste