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Reporter, témoin des faits

Mutilations génitales féminines : Les mœurs ne changent pas encore vraiment

Les partisans de la pratique des MGF ne peuvent plus s’abriter derrière une «purification» corporelle depuis que les oulémas ont nié tout fondement religieux à ces pratiques. Pis, les parlementaires ont condamné la pratique de l’excision et se sont engagés à faire adopter une loi sur les MGF en Mauritanie.

Issue d’une famille dans laquelle l’excision est un acte qui se transmet de mère en fille, Aïchetou Mint Sidi Mohamed, ne pouvait ne pas suivre la voie tracée par ses aïeules. Ainsi, durant plus d’une vingtaine d’années, elle a fait subir une ablation partielle ou intégrale du clitoris et des petites lèvres à plusieurs filles ou femmes dans son village situé à quelques encablures de la ville de Néma.

Aujourd’hui à Nouakchott, elle explique que depuis qu’elle se trouve dans la capitale, elle exerce son métier d’exciseuse de en moins. «J’habite dans un quartier où les gens ne savent pas que je suis une exciseuse. Dans mon village, je ne chômais pas du tout, car j’excisais les jeunes filles à longueur de journées sans répit».

La native du Hodh El-Chargui est pratiquement incapable d’avancer le moindre chiffre du nombre de jeunes filles voire de femmes, qui sont passées entre ses mains. Pour autant qu’Aïchetou Mint Sidi Mohamed ne s’en souvienne plus, cela ne voudrait pas dire qu’elle n’a aucune compassion pour ses nombreuses victimes. Elle laisse même transparaître des regrets pour ses victimes en évoquant son passé de femme exciseuse.

Dieynaba Dia elle, a été une victime au début de 1989. Et elle continue d’en souffrir les conséquences de son excision à l’âge de 5 ans jusqu’à aujourd’hui. «Je ressens une douleur atroce durant toutes mes périodes de règles où je saigne pendant 15 jours, voire plus. J’ai fait des traitements, mais il n’y a jamais eu d’amélioration jusqu’à présent. Mes parents regrettent aujourd’hui de m’avoir excisée» se confie la jeune femme, amèrement.

Une pratique non religieuse 

La lutte contre les MGF n’a pas été une simple promenade de santé pour les militants de droits de l’homme en Mauritanie, la pratique de l’excision étant religieusement assimilée à une purification corporelle. Pour cause, les hommes et les femmes de l’AMPSFE (Association mauritanienne des pratiques ayant effet sur la santé des femmes et des enfants) étaient seuls contre tous : parents des filles, futurs époux, oulémas, exciseuses. Ils sont allés à contre-courant de l’idéologie d’une frange importante de la société mauritanienne qui continue de penser qu’une femme non excisée est une épouse «souillée» dans une famille.

Malgré les critiques des uns et des autres, ces défenseurs de droits humains ont décidé de réagir après le constat que plus de 70% de mauritaniennes ont subi au moins l’une des formes de l’excision au cours de leur vie notamment lors de leur petite enfance, à en croire l’EDSM (Enquête démographique de Santé en Mauritanie) menée entre 2001 et 2002. La même enquête a aussi révélé que les MGF sont pratiquées en Mauritanie par l’ensemble de toutes les communautés mauritaniennes, mais certaines plus fréquemment que d’autres : 92% en milieu Soninké, 72% en milieu Halpoular, 71% en milieu Maure et 28% en milieu Wolof.

Au-delà de la démonstration scientifique des effets néfastes des MGF sur la santé des femmes, notamment en période d’ovulation et d’accouchement, les défenseurs de l’excision n’ont pas voulu changer d’avis et sont ainsi restés accrochés à l’idée primitive que l’excision est une «purification» du corps de la femme. Ainsi, les oulémas (chefs religieux) mauritaniens ont pris, le mardi 12 janvier 2010, une «fatwa» (loi) condamnant sans ambages toutes les pratiques des MGF en Mauritanie. Mieux, ils ont nié tout fondement religieux à ces différentes pratiques (ablation partielle ou totale).

Cette fatwa est tombée comme un coup de massue sur la tête des hommes et des femmes, qui ne cessaient de prôner la pratique de l’excision au nom d’une purification religieuse pour ne pas dire islamique. Pis, les parlementaires et les militants de droits l’homme se sont réunis, les 3 et 4 février 2010, à l’hémicycle pour le besoin d’un atelier de sensibilisation. Au sortir de ces deux jours de rencontre, les élus du peuple ont «condamné» la pratique de l’excision et se sont «engagé» à faire adopter une loi effective sur les MGF en Mauritanie. Depuis on attend.

El Madios Ben Chérif

 Publié le 19 mai 2013 sur Noorinfo