Farafinainfo.com
Reporter, témoin des faits

Point de vue/Migration irrégulière : Prends 100.000 euros et casse-toi !

Par  Chahreddine Berriah

Farafinainfo.com – Actualités Sociopolitiques Africaines –  Proposer de l’argent aux gouvernements africains pour contenir leurs concitoyens, sous forme de «programmes de développement» est un autre échec de la politique européenne à surveiller leurs frontières. Et du coup, c’est l’Afrique qui se retrouve le gardien du Vieux continent.

L’Etat tunisien a signé le 16 juillet 2023, avec l’Union européenne  «un partenariat stratégique complet» pour favoriser le développement économique du pays et promouvoir les énergies « renouvelables », mais l’accord en question, vise prioritairement, pour ne pas dire exclusivement, la lutte contre la migration irrégulière.

Il faut se rappeler que, lors d’une récente visite à Tunis, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, accompagnée de son homologue néerlandais, Mark Rutte, avait qualifié cette visite de « nouvelle étape importante pour traiter la crise migratoire de façon intégrée» et avait invité le chef d’Etat tunisien Kaïs Saïed, à participer à un sommet sur les migrations à Rome qui sera organisé la semaine prochaine.

L’intention de l’union européenne est donc bien claire : stopper les migrants dans leur propre continent. Lorsque l’on sait que l’accord prévoit une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière et une aide de 150 millions d’euros pour soutenir l’économie tunisienne, qui est « confrontée à une dette représentant 80% de son PIB et à une pénurie de liquidités (El Watan du 17 juillet 2023), l’on devine aisément que le gouvernement tunisien a cédé, malgré lui, sommes-nous tentés de dire, pour faire le gendarme de l’Europe.

Le plus curieux, c’est de penser que les côtes tunisiennes sont le seul « pourvoyeur » des migrants pour l’Europe, en ce sens que les harraga maghrébins et les migrants subsahariens vont à la conquête de l’Europe à partir des côtes algériennes, marocaines, sénégalaises et du territoire turc (ce qu’on appelle la route de la Turquie qui comprend les pays des balkans aboutissant en Italie) ?

L’union européenne ira-t-elle jusqu’à financer des « programmes de développement » avec les pays précités pour stopper l’émigration irrégulière ? Impensable !

Ne pouvant surveiller ses frontières, les Européens, les plus proches de l’Afrique du Nord (directement, les Espagnols et les Italiens) « déplacent » leurs barrières dans notre Continent. Un immense espace géographique dont plusieurs parties manquent cruellement du nerf de la guerre et trouvent dans ces « accords de partenariat » une aubaine pour sortir de leur crise financière et économique inextricable.

Mais, l’argent réussira-t-il à paralyser la mobilité humaine  qui est la nature même de l’homme ? Pas évident !

Le sociologue et ancien ministre tunisien Mehdi Mabrouk, commentant le « partenariat stratégique complet » signé entre son pays et l’Italie, il dira « il s’agit avant tout d’un moyen de lutter contre des symptômes, mais pas d’une solution » avant de critiquer sévèrement « c’est un partenariat qui porte particulièrement sur la lutte contre la migration irrégulière, malheureusement, cette proposition adopte une approche réductionniste et sécuritaire qui vise uniquement à freiner les flux migratoires, à les gérer d’une manière sévère, voire musclée… »

Fuir son pays pour conquérir le Vieux continent n’est pas toujours synonyme de refus de la misère. Les gouvernements africains devraient trouver les vraies raisons des départs massifs de leurs concitoyens vers leurs anciens colonisateurs…

Avec notre Correspondant au Maghreb, Chahreddine Berriah