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Reporter, témoin des faits

Projet de Constitution : une chemise cousue main pour Doumbouya (Par Tierno Monénembo)

OPINION. Ils ont un sens élevé de l’hygiène, les roitelets qui gouvernent l’Afrique : sitôt au pouvoir, ils se dépêchent de changer de slip ou plutôt de « républiquette ».

La Constitution chez nous, n’est pas une table de lois (destinée à traverser le temps au-delà des circonstances et des individus et presque aussi sacrée que celle de la Bible) mais un simple boubou cousu à la taille du tyran du jour et que l’on jette après usage, c’est-à-dire au prochain putsch ou au prochain troisième mandat.

Chez nous, la seule et unique institution qui vaille, c’est le pouvoir du chef. Tout (les lois, les services, les projets économiques et sociaux) est conçu pour le fortifier et si possible le perpétuer. Surtout dans notre inénarrable Guinée où depuis toujours, ce sont des ogres qui se succèdent au pouvoir avec leurs titres ronflants, leurs discours creux et leur instinct sauvage et destructeur.

Ce Mamadi Doumbouya que nous avions applaudi aux premières heures de son accession au pouvoir est finalement le prototype-même du dirigeant guinéen, un individu cruel et égoïste, assoiffé de sang et boulimique de pouvoir. Maintenant que le masque est tombé, que sa sournoiserie est mise à nu, on comprend combien, on s’est laissé berner par son discours du 5 Septembre 2021. On a cru au rédempteur et nous avons eu un énième potentat, de la veine de Sékou Touré, qui plus est.

Et pourtant, cet ancien légionnaire n’a cessé de nous envoyer des messages codés (retard délibéré de la mise en place des outils de la Transition, redécoupage électoral à travers la création de nouvelles communes choisies à dessein, installation des délégations spéciales etc.) pour nous faire comprendre à demi-mot que la Transition pour lui, c’est du pipeau, et que pour paraphraser Mirabeau, il est là par la force des baïonnettes et qu’il n’en partira que par la volonté du peuple. C’est dire qu’on n’est pas sorti de l’auberge ! Rien n’est officiel pour l’instant, mais on sait que la Transition ira au-delà de décembre 2024. Avec la légèreté caractéristique du dirigeant guinéen, c’est sur une radio étrangère que notre Premier Ministre a évoqué la possibilité d’un glissement de calendrier ce qui, dans un pays normal aurait suscité une levée de boucliers car, selon l’usage, les actes de souveraineté se décident et s’annoncent sur le territoire national (en l’occurrence, en Guinée ou dans une ambassade) et nulle part, ailleurs.

Mais bon, nous sommes en Guinée et… nulle part, ailleurs : du gouvernement, il ne faut s’attendre à rien de bon, jamais. Le projet de Constitution que l’on vient de nous présenter se situe dans la droite ligne des déconvenues qui nous attendent. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une chemise cousue main pour habiller le despote Doumbouya.

On a délibérément fait sauter tous les verrous (ceux de l’ancienne Constitution comme ceux de la Charte de la Transition) qui pouvaient l’empêcher de se présenter aux prochaines présidentielles. Dorénavant, si ce brouillon est adopté, quiconque pourrait candidater avec ou sans l’aval d’un parti ; aucun article n’interdirait au président actuel de prétendre à un mandat électif.

La Charte de la Transition est pourtant claire et notre sublissime Général avait lui-même déclaré haut et fort que ni lui ni ses ministres ne seraient habilités à se présenter aux prochaines élections qu’elles soient municipales, législatives ou présidentielles. Dans notre très naïve compréhension des choses, cette déclaration engageait son honneur de soldat, mais d’évidence, cet homme a une tout autre définition de l’honneur.

Ce projet respire le chiqué, le tordu, la provocation. L’Histoire retiendra les noms des truffions qui auront contribué à échafauder ce plan diabolique. Il reste que rien n’est joué : la balle est dans notre camp. Si elles se mobilisent dès maintenant, nos forces politiques et sociales peuvent faire barrage à cette supercherie politique et morale. Si nous laissions passer ce chiffon de papier, nous souillerions plus qu’elle ne l’est déjà la renommée du pays et hypothèquerions gravement l’avenir de nos enfants.

 

Tierno Monénembo

 

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