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Reporter, témoin des faits

Qu’est-il arrivé au Général Sadiba Coulibaly? (Par Tierno Monénembo)

OPINION. Tout est bizarre dans cette affaire et d’abord, son arrestation et sa condamnation. Si notre Général avait commis quoi que ce soit de répréhensible (un acte de rébellion par exemple), on l’aurait régulièrement arrêté et au grand jour, déféré devant un tribunal militaire.

Au lieu de cela, son domicile est assiégé un beau matin et, sans sommation, arrosé de tirs nourris. Pris de panique, il se rend de lui-même à la Présidence pour solliciter des éclaircissements. Il est détenu sur-le-champ et condamné à cinq ans de prison pour « désertion à l’étranger et détention illégale d’armes » puis déchu de son titre de Général et exclu de l’armée.

« Désertion à l’étranger », c’est celle-là, la deuxième bizarrerie. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que notre officier supérieur a déserté l’armée pour se réfugier à l’étranger ou que notre Chargé d’Affaires à notre ambassade à Cuba a quitté son poste sans autorisation ? Dans ce cas, désertion ou abandon de poste ?

Autre chose qui a du mal à passer dans mon ciboulot de pauvre chroniqueur : « détention illégale d’armes ». En effet, dans ma modeste compréhension de la chose militaire, rien de plus normal qu’un Général soit armé, c’est pour cela d’ailleurs qu’on le paie. En tout état de cause, ses avocats sont formels : il a prévenu son ministre de tutelle de sa venue au pays, et pris la peine de lui rendre visite dès son arrivée à Conakry. Il se trouve où, le crime ?

Mais passons. Condamné à cinq ans de prison, dégradé puis rayé de l’armée, Sadiba Coulibaly qui, de ce fait, n’était plus, comme vous et moi, qu’un citoyen lambda, est détenu dans un lieu secret et non, comme il se doit à « l’hôtel Cinq Etoiles de Coronthie ». Et voilà que dans un communiqué qui pue le malaise, et daté seulement du 25 juin, le tribunal militaire de première instance de Conakry, nous annonce le décès du condamné, décès survenu, tenez-vous bien, le 22 du même mois, soit trois longs jours après le drame. Vous avez compris ?

L’ancien chef d’Etat- major de notre armée est mort le 22, son certificat de décès a été signé le 24 et c’est seulement le 25 que l’on se décide à nous le communiquer. Mais oublions un moment la ronde fastidieuse des dates et lisons ce que dit le médecin-légiste : « le décès pourrait être imputable à un psycho-traumatisme important et un stress prolongé qui sont à l’origine d’une arythmie cardiaque majeure ayant entraîné une défibrillation et un arrêt cardiaque ». Non, ce n’est pas une erreur, c’est bien ce qui est écrit : « le décès pourrait être imputable ». Ah, quand la vérité scientifique se met au conditionnel ! On a envie de dire : « merci Docteur mais de grâce, inventez-nous autre chose ! Un Général d’armée formé dans une des plus belles académies américaines (sain d’esprit et de corps, qui plus est !), mourir de stress, sans aucun choc physique ou électrique, ce n’est pas une autopsie, c’est une histoire à dormir debout !

Il a circulé, peu de temps après l’enterrement du Général, un papier évoquant un suicide. On aurait découvert dans le smartphone du défunt un projet de coup d’Etat et celui-ci se serait suicidé, pris de remords. Un projet de coup d’Etat dans un téléphone portable, une gaminerie à laquelle les Pieds Nickelés eux-mêmes n’auraient pas pensée !

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*Aujourd’hui, c’est Sadiba Coulibaly ; demain, ce sera toi, moi ou quelqu’un d’autre*. En tout cas, nous savons tous maintenant que nos tyrans ne tombent pas du ciel. Ils viennent de notre lâcheté collective.

Au moment où j’écris ces lignes, deux braves combattants du FNDC, Foniké Mengué (encore lui !) et Billo Bah ont été kidnappés par des gradés en cagoule et conduits manu-militari, en un lieu inconnu. Dans quel état, nous les rendront-ils ? Dans un état de psycho-traumatisme important ?

 

*Tierno Monénembo*

 

Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat