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RAPPORT MONDIAL SUR LE SIDA: Afrique du Nord, l’augmentation de nouvelles infections fait peur

SANTÉ. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) en collaboration avec l’Onusida Afrique, a organisé à Dakar (Sénégal), mardi 23 juillet 2024, le lancement du rapport mondial sur le sida, sous le slogan « Le sida à la croisée des chemins»

Avec notre envoyé spécial à Dakar, Chahredine Berriah

 

L’Afrique du nord, précisément l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, à l’instar de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale, l’Amérique latine et le Moyen-Orient, connaît une augmentation du nombre de nouvelles infections à VIH. C’est en tout cas, ce qui a été révélé, lors de cette rencontre, à laquelle ont participé, outre les scientifiques, des ambassadeurs et des représentants de plusieurs pays d’Afrique.

Cependant, il y a une petite remarque, mais de taille : ces trois pays sont musulmans majoritairement et le Sida, quoi qu’on dise, demeure toujours un tabou : près de la moitié  des personnes vivant avec le VIH évitent de déclarer leur maladie et d’aller se soigner.

Parmi les raisons de cette réticence, selon des témoignages, rapportés par les experts de l’Onusida « près d’un quart des personnes vivant avec le VIH ont déclaré avoir été victimes de stigmatisation et d’attitudes discriminatoires lorsqu’elles ont cherché à obtenir des services de santé non liés au VIH au cours de l’année précédente »

Par conséquent, la sonnette d’alarme a été tirée : ces préjugés sont réversibles, selon le même organisme onusien, mais très peu de pays sont sur le point d’atteindre l’objectif de 2025 consistant à réduire à moins de 10 % le pourcentage de personnes vivant avec le VIH et de personnes appartenant à des populations clés qui sont victimes de stigmatisation et de discrimination.

 « Un quart de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH ne recevaient pas de thérapie antirétrovirale en 2023. L’accès au traitement était particulièrement faible en Afrique du Nord, où seule la moitié environ de personnes vivant avec le VIH, respectivement, recevaient une thérapie antirétrovirale » selon la même source.

Algérie

Cependant, les autorités algériennes, par la voix du ministère de la santé et de la population, tiennent à rassurer « Grâce à la riposte nationale multisectorielle face au VIH Sida, notre pays a réalisé des progrès indéniables et demeure à épidémie peu active, avec une prévalence de 0,1% », a précisé le ministre, à l’ouverture d’une rencontre célébrant la Journée mondiale de lutte contre le VIH Sida. Et de  « réaffirmer l’engagement de l’Algérie à réunir tous les moyens possibles pour limiter la propagation de cette pathologie » et ce, dans le cadre du programme onusien visant son éradication à l’horizon 2030 et à travers le Plan national stratégique IST/VIH/Sida 2020-2024 ».

La même source ajoute « Cette volonté s’est traduite par la mobilisation totale du gouvernement et de l’ensemble des acteurs, notamment la société civile, pour assurer un accès universel et gratuit à toutes les prestations de soins, y compris le dépistage et le traitement », a ajouté M. Saihi.

Le ministre de la Santé a, par ailleurs, déploré « les comportements à risque d’exposition au VIH » tels que le faible niveau d’utilisation des moyens de protection, la consommation de drogues injectables, les phénomènes de migration, lesquels, a-t-il souligné, « imposent le maintien de la vigilance », assurant faire de la prévention et de la lutte contre le Sida « une priorité ».

A travers le monde, pas moins de 39 millions de personnes vivent aujourd’hui avec le VIH Sida à travers le monde, dont 29,8 millions reçoivent un traitement « salvateur, alors que les décès ont reculé de 69 % depuis 2004 », selon les données de l’Onusida.

Maroc

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L’épidémie du VIH/sida au Maroc affiche une prévalence de 0,07% dans la population générale, mais des taux nettement plus élevés parmi les populations clés : 2,16% chez les professionnelles du sexe (PS), 4,7% chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), 7,3% chez les personnes qui s’injectent des drogues (PID), et 4,7% chez les migrants.

Cependant, le Maroc s’est engagé, dans son plan stratégique national Intégré de lutte contre le sida, les IST et les hépatites virales 2024-2030, à atteindre les objectifs 95-95-95 et à éliminer l’épidémie du VIH-sida comme problème de santé publique d’ici 2030 dans le cadre de la réforme du système de santé et de la généralisation de la Couverture Médicale Universelle.

Depuis plus de 30 ans, le Maroc mène la riposte au VIH sida au niveau national avec l’implication des partenaires. Grâce à ces efforts, une baisse significative de 35% des nouvelles infections et de 53% des décès a été observée entre 2010 et 2023, soulignant l’impact positif de la réponse nationale au VIH/sida.

. Le nombre des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sous traitement antirétroviral efficace a atteint plus de 16 000 en fin 2023 dont 94% ont une charge virale négative, ce qui réduit la transmission du virus et améliore la qualité de vie des patients.

Le Maroc s’engage à renforcer son approche de prévention et à combattre la stigmatisation, souvent 2 associée à la maladie, en faisant la promotion d’une meilleure compréhension de l’indétectabilité et de l’intransmissibilité. Encore faut-il renforcer la compréhension de ce concept parmi les PVVIH et leurs proches, communiquer autour de l’approche I=I de manière plus élargie pour atteindre l’impact escompté. C’est dans cette optique que le Ministère de la Santé et de la Protection Sociale prévoit de recruter un consultant national dans le cadre de la subvention du Fonds mondial pour appuyer un exercice de planification afin de développer l’approche I=I pour le VIH comme mesure d’accompagnement du plan stratégique national intégré VIH/HV et IST 2024-2030.

Tunisie

Le rapport indique que la  prévention et le dépistage sont insuffisants. En outre, la criminalisation de l’homosexualité a entraîné une reprise de l’épidémie chez les hommes et les usagers de drogues.

Malgré une prévalence d’infection relativement faible, inférieure à 0,1 % au sein de la population générale, selon l’ONU et le ministère de la santé, l’épidémie de VIH est considérée comme « très active » par les autorités avec une augmentation constante du nombre d’infections au cours des dix dernières années. Selon les dernières données du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), le nombre de personnes en Tunisie vivant avec le VIH est estimé à 7 100 en 2022, contre 4 700 en 2010. Bien que le traitement antirétroviral soit gratuit, seulement 26 % d’entre elles en bénéficient en raison de difficultés liées au dépistage et au suivi.

Dans le cadre de sa stratégie de dépistage pour les années 2022 et 2023, le ministère de la santé a constaté une augmentation progressive de la séroprévalence au sein des populations les plus exposées au virus. En particulier les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, dont le taux de séropositivité atteint 8,2 %, tandis que pour les usagers de drogues injectables, il est de 8,8 %. « Ce qui est inquiétant est qu’on est passés d’une épidémie stable à un statut d’épidémie concentrée. Contrairement aux autres régions du monde où l’épidémie fléchit, la nôtre enregistre une hausse constante », s’inquiète Ramy Khouili, directeur d’Avocats sans frontières (ASF) en Tunisie et actif dans la lutte contre le sida depuis plus de vingt ans.

La section de Tunis d’ATL MST Sida, Sonia Torkhani, responsable au sein de l’association, regrette que les 23 centres de dépistages existants ne soient pas tous actifs. « Nombreux sont ceux qui préfèrent venir dans des centres associatifs avec un principe de dépistage communautaire pour éviter les discriminations et la stigmatisation du personnel médical », témoigne-t-elle. Avec ses unités mobiles et des centres à « bas seuil » qui proposent aux usagers de drogues des services de soutien et de réduction des risques sans exiger l’abstinence, l’organisation tente d’atteindre les populations les plus marginalisées, dont les femmes, y compris dans les régions reculées.

Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida a déclaré en substance «ce rapport montre que les dirigeants mondiaux peuvent tenir leur promesse de mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici à 2030 et, ce faisant, éviter des millions de décès liés au sida, à prévenir des millions de nouvelles infections par le VIH et faire en sorte que  les quelque 40 millions de personnes vivant avec le VIH aient une vie saine et bien remplie. Grâce à des études de cas percutantes et à de nouvelles données, le rapport montre comment certains pays sont déjà sur la bonne voie et comment tous les pays peuvent s’y engager… »

 

Ch. Berriah

 

Farafinainfo à l’honneur : Le journaliste Chahreddine Berriah, lauréat