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Reporter, témoin des faits

Trentième anniversaire des déportations à Paris: des images datant de mai 1989 et des témoignages

Samedi 27 avril 2019 à Paris, à partir de 14 heures devant l’ambassade de Mauritanie, sous l’égide du Comité Inal, nous commémorons le trentième anniversaire de la déportation de plus de 100 000 noirs Mauritaniens au Sénégal et au Mali. Témoignages et retour en images sur ce jalon du génocide nié.

Ici au camp de Dodel au Sénégal en mai 1989 : un déporté d’un âge avancé, s’est laissé mourir le lendemain de notre visite. En terme clair, un « suicidé d’amertume et de honte ». Tous dans ce camp, ont été déportés d’Aleg et ses environs. Le dramatique événement s’est passé en ma présence (3e sur la première photo, à partir de la gauche en tee shirt à rayures horizontales bleues et blanches puis avec la Croix Rouge sur la deuxième photo et une douloureuse hospitalisation a suivi à mon retour à Dakar sur la troisième photo)

Quand on a vécu physiquement et personnellement ces drames, assisté les grands blessés et mutilés à leur arrivée à l’aéroport de Dakar, le long de la vallée du fleuve, leur installation au bataillon du train et à l’école de Police de Dakar puis les transferts à Thiès direction région du fleuve…..Quand on a vu les démunis sans toit, sans papiers, sans nourriture, des éleveurs se soucier du bétail perdu à jamais….des familles décimées en partie….., on peut être tenté de penser trente ans plus tard ko maydo tan boora qui veut dire malheur au mort. Par faiblesse humaine. Pour la grande histoire, quand le président Abdou Diouf, qui n’est pas connu d’une quelconque bravoure, s’est mis à pleurer devant les caméras de l’ ORTS à l’hôpital de Grand – Yoff (anciennement CTO) à la vue des mutilés, j’étais là, à quelques mètres.

Kaaw Touré apporte ce poignant témoignage sur sa page facebook « Je n´oublierai jamais l’image de cette femme (photo ci – dessus) qui me revient à chaque fois que je pense aux événements tragiques d’avril 1989, elle s’appelle Bolo Peinda Nioubal originaire du village de Patoucone (Commune de Jowol, région du Gorgol) réfugiée au camp de Bokki Diawé au Sénégal. Elle racontait les conditions de leur déportation et elle était inconsolable et pleurait toujours ses deux petits enfants âgés respectivement de 10 et 12 ans égorgés sauvagement par des petits bidasses de l´armée mauritanienne avant leur déportation…. »

Ces déportations furent planifiées, décidées et exécutées par le régime du colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya, son armée, sa police, des idéologues de la mouvance panarabiste et des civils embrigadés. Certains acteurs de premier plan sont encore au pouvoir ou dans ses cercles restreints, parfois ils se réclament de l’opposition. Ils font tous tout pour retarder et faire reculer la vérité.

Comme un voleur qui crie au voleur, le général président, Mohamed Ould Abdel Aziz, a organisé le 9 janvier dernier une marche « contre les discours de la haine et de l’incitation à la division » et a menacé d’appliquer la loi N° 023/2018pénalisant la discrimination à toute demande de justice qu’il assimile à une « atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays ». Pour lui, toute voix réclamant justice est haineuse, par conséquent dangereuse pour la stabilité du pays.

Notre rassemblement pacifique à Paris devant l’ambassade de notre pays en France est un message d’espoir contre l’impunité, un devoir citoyen de mémoire, une exigence de vérité et de justice. La reconnaissance du génocide réconciliera la Mauritanie, l’instauration d’une journée nationale commémorative marquera profondément notre conscience collective comme au Rwanda.

Ciré Ba – Paris, le 25/04/2019

Source, senalioune.com