Depuis quelques temps, l’Afrique est frappée par une série de coups d’Etat qui, si rien n’est fait, risque de ramener le berceau de l’humanité à l’ère des régimes militaires. Des dispositions pressantes et sérieuses doivent être prises.
En effet, chaque fois qu’un groupe de militaires s’empare du pouvoir en Afrique, les arguments brodés souvent pour endormir la conscience des peuples sont entre autres : les civils sont responsables du retard du continent. Pourtant, les responsabilités sont partagées. Au Burkina Faso par exemple, comme c’est ce pays qui fait la Une aujourd’hui, il y a eu un autre coup d’Etat hier vendredi 30 septembre 2022 : le « Cobra » qui se mord la queue !
Effectivement, arrivé au pouvoir le 22 janvier 2022 à la suite d’un coup d’Etat, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a été renversé hier vendredi 30 septembre 2022 par un groupe de militaires qui lui reproche d’avoir trahi l’idéal pour lequel ils ont pris le pouvoir en 2022 : enrayer la violence terroriste. Tous deux, des « Cobras ». Cela est l’une des preuves éloquentes et irréfragables que les premiers discours des putschistes sont toujours critiques des pouvoirs précédents, et porteurs de rêves et de faux espoirs.
Pour rappel, c’est le Président Roch Marc Christian Kaboré, deuxième Président civil sur onze (11) de l’histoire du Burkina Faso, que le Lieutenant-colonel Damiba a renversé en janvier 2022. L’argument qu’il a brandi à l’époque contre ce Président civil démocratiquement élu pour justifier son putsch était que ce dernier a été « incapable » de combattre la violence djihadiste au Burkina.
La question que nombre d’observateurs se posent aujourd’hui est : le Burkina renoue-t-il avec les démons des coups d’Etat ?
Après huit (8) mois de gestion à la tête du Faso, le Lieutenant-colonel Damiba n’a pas fait mieux que le Président Kaboré dans la lutte contre le terrorisme. Au contraire, la violence s’est amplifiée. Pas plus tard que le 26 septembre 2022 passé, « un convoi de ravitaillement à destination de la ville de Djibo a été la cible d’une attaque lâche et barbare. Le bilan provisoire est de 11 corps de militaires retrouvés et 28 blessés ». Près de quatre-vingt-dix (90) camions remplis de vivres à destination des populations affamées et privées de nourriture par la guerre, ont été incendiés, une cinquantaine de civils portés disparus. Ce massacré ignoble a précédé un autre ayant coûté la vie à plus de quatre-vingts (80) personnes.
À vrai dire, les arguments agités souvent par les putschistes contre la gestion des civils au Burkina ne tiennent pas du tout la route. Si ce pays de l’Afrique de l’ouest est retard aujourd’hui, la faute est imputable en très grande partie à la gouvernance des militaires dans ce pays frère.
Prenez la liste des Présidents qui se sont succédé à la tête du Burkina Faso, vous réaliserez tout de suite que le retard de ce pays est largement du fait des militaires. Sur onze (11) Présidents, deux seulement sont civils. Le reste, ce sont des militaires :
- le Président Maurice Yaméogo de 1959 à 1966 ;
- le Lieutenant-colonel Président Aboubacar Sangoulé Lamizana de 1966 à 1980 ;
- le Colonel Président Saye Zerbo de 1980 à 1982 ;
- le Commandant Président Jean-Baptiste Ouédraogo de 1982 à 1983 ;
- le Capitaine Président Thomas Sankara de 1983 à 1987 ;
- le Capitaine Président Blaise Compaoré de 1987 à 2014 ;
- le Colonel Président Yacouba Isaac Zida, désigné Président de la Transition, le 1er novembre 2014, puis nommé le 21 du même mois, Premier Ministre ;
- Michel Kafando, désigné Président de la Transition en 2014, renversé par le Général Gilbert Diendéré, il est rétabli par la population et la communauté internationale. Il a dirigé le Burkina de 2014 à 2015 ;
- Le Président Roch Marc Christian Kaboré, renversé par le Lieutenant-colonel Damiba le 22 janvier 2022. Ce dernier, à son tour, a été renversé hier vendredi 30 septembre 2022 par un jeune capitaine, Ibrahima Traoré. Quelle instabilité ? Peut-on parler de développement avec toute cette chienlit ?
À bien voir cette liste des Présidents burkinabè, on se rend bel et bien compte que la gestion des militaires dans ce pays dépasse de très loin, en termes du nombre d’années bien évidemment, celle des civils. Si ce resplendissant pays est en retard aujourd’hui, le peuple burkinabè devrait demander des comptes aux militaires qui se font passer aujourd’hui pour des anges du bonheur. Alors qu’ils ne le sont pas du tout. D’ailleurs, ce peuple burkinabè n’est-il pas aussi responsable de tout ce qui se passe au Burkina aujourd’hui qui, au lieu de s’opposer aux coups d’Etat et aux putschistes, est toujours prêt à les acclamer ?
Plausiblement, seuls les Peuples africains, et eux seuls, pourraient mettre un terme à ces coups d’Etat récidivés en Afrique car, parfois la communauté internationale est complice des putschistes. Même si un Président démocratiquement élu travaille d’arrache-pied pour apporter le bonheur à son peuple, il suffit juste qu’il soit opposé aux intérêts des occidentaux pour que ceux-ci cherchent à le déstabiliser. Des exemples foisonnent.
Une fois de plus, les peuples africains doivent faire une prise de conscience pour s’opposer catégoriquement à toute forme de prise de pouvoir par la force cela, sans s’attendre à d’éventuelles sanctions des Instituions sous-régionales, régionales et internationales, car ces sanctions ne dissuadent plus les putschistes. Ces sanctions sont souvent complaisantes et légères. Quand un peuple ne veut pas d’un pouvoir civil, le mieux pour lui c’est de le sanctionner dans les urnes.
Faites cet exercice avec les autres pays africains, notamment ceux de la sous-région, vous conviendrez tout de suite avec moi que le retard du berceau de l’humanité, contrairement à cette pilule amère de dénigrement des pouvoirs civils que font avaler à l’opinion publique africaine des militaires à chaque prise de pouvoir par la force, n’est pas seulement du fait des civils. Les hommes en treillis sont également responsables de cette affligeante situation.
La fin de la démocratie en Afrique de l’ouest ? Cette question a tout son pesant d’or aujourd’hui. Si l’Afrique ne prend pas des dispositions rigoureuses contre les coups d’Etat, les armes remplaceront bientôt les urnes ! N’importe qui peut se lever aujourd’hui pour faire des coups d’Etat. Il suffit juste d’être militaire et d’avoir des armes. Oui, même des enfants peuvent se permettre aujourd’hui de faire des coups d’Etat parce qu’ils ont des armes. Les pouvoirs sont dans la rue, n’importe qui peut les ramasser. Les Organisations africaines doivent revoir leur façon de faire, sinon à l’allure l’instabilité s’installera partout en Afrique. Quelle honte pour le continent !
Bref, il faut un minimum d’expérience pour pouvoir diriger un pays, une Nation, surtout dans un contexte aussi difficile que celui que traversent le pays des hommes intègres et ses voisins aujourd’hui.
Sayon Mara, Juriste