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Guinée : 63 ans après l’indépendance, la Grande Interview de Alhassane Diallo

Dossier – Célébration de l’indépendance de la Guinée – Depuis tout petit, il militait dans les rangs de la formation politique de Siradiou Diallo. Un parti politique qu’il avait quitté «à contrecœur» pour créer le M.C.L. Il, c’est bien sûr Alhassane Diallo, qui a fait ses classes auprès de ce grand leader politique. Rencontre avec un juriste-informaticien…

La Grande Interview réalisée par Camara Mamady

Comment peut-on vous présenter aux lecteurs du site panafricain d’informations générales, Farafinainfo.com ?

Permettez-moi, au prime abord, de vous remercier pour l’opportunité que vous me donnez de me présenter à vos nombreux lecteurs. Toutes mes félicitations et tous mes encouragements à vous, pour l’excellent travail d’information que vous faites pour nos compatriotes et bien au-delà.

Pour revenir à votre question, eh bien, je m’appelle Alhassane Diallo, j’ai 49 ans, juriste et informaticien de profession, je suis établi en Allemagne, marié et père de 3 enfants.

Je suis le président du Mouvement Citoyens Lambda (M.C.L), un mouvement socio-politique, qui ambitionne de rassembler les jeunes, les femmes et les paysans du pays, donc les citoyens lambda en vue de bousculer l’establishment actuel et parvenir à l’alternance générationnelle en Guinée.

Quelle lecture faites-vous du coup d’Etat contre le Pr. Alpha Condé, premier Président démocratiquement élu de la République de Guinée ?

Ce coup d’état est une conséquence logique de l’entêtement du Professeur Alpha Condé qui, contre vents et marrées et au prix de nombreuses vies humaines innocentes, a changé la constitution pour s’octroyer un 3ème  mandat inopportun et suicidaire.

Ce coup d’État est une libération du peuple de Guinée. Vous avez bien vu la liesse populaire qui s’en est suivie, le peuple de guinée est content et est reconnaissant à l’égard de son armée, principalement à l’égard du colonel Mamadi Doumbouya. Le M.C.L, en tout cas, salue cette démarche et se met entièrement à la disposition du C.N.R.D et de la transition.

Quel regard portez-vous sur sa gouvernance ?

Même si on peut dire qu’il y a eu dans le domaine de l’énergie quelques efforts, je l’avoue, il faut retenir, au total, que la gouvernance Alpha condé est une déception, un gâchis, une désillusion totale.

En effet, mis de côté les problèmes macroéconomiques caractérisés notamment par un faible taux de croissance, une inflation à deux (2) chiffres et une balance commerciale très largement déficitaire, la Guinée a continué, sous Alpha Condé, d’ être un pays extrêmement pauvre avec une population très divisée.

Mais ce n’est pas tout. Ce qui fut plus navrant, à mon avis, c’est le recul démocratique enregistré. La Guinée d’Alpha Condé, à l’image de celle de ses prédécesseurs,  fut un pays de dictature, de violation permanente et systématique des droits et libertés des citoyens.

Alpha Condé n’a pas été à la hauteur de l’espoir qu’il suscitait en 2010.

Avez-vous un sentiment de regret ou pas sachant que le président de la République déchu fut un compagnon de lutte politique de votre mentor, feu Siradiou Diallo (Que son âme repose en paix, amine) ?

Absolument, j’ai fini par réaliser que tout le combat d’Alpha était biaisé, ce ne fut pas une lutte sincère.  Il voulait juste le pouvoir comme les autres, au fond il appréciait leur manière de faire. Il apprenait auprès d’eux comment gérer en dictateur et comment conserver le pouvoir une fois l’avoir acquis. Il était à ce niveau totalement en déphasage avec ses compagnons de lutte, tels que Bah Mamadou, Jean Marie Doré et Siradiou Diallo, paix à leurs âmes !

Pourquoi avez-vous quitté son parti politique PRP (Parti du Renouveau et du Progrès)?

Bon, j’ai dû quitter ce parti, j’avoue à contrecœur, parce que la direction nationale et moi-même avions des divergences de vue insurmontable quant au comportement à adopter par le parti au sortir d’une élection et lorsqu’ un partenaire viole les droits de l’Homme. Je n’ai pas apprécié que le Parti ne puisse pas se retrouver pour tirer les leçons de son échec à l’élection présidentielle du 27 juin 2010 et aux législatives de septembre 2013. Ma déception fut cependant plus grande lorsque le Parti a choisi de ne pas se distancer du RPG-arc-en-ciel, mais surtout du gouvernement d’alpha Condé, qui commençait à tuer les Guinéens sans que la justice ne bouge. Je refusais de m’associer indirectement à cette démission du parti face à ses responsabilités envers ses militants et militantes, mais aussi envers le peuple de Guinée.

Que pensez-vous du tombeur du Pr. Alpha Condé, le Colonel Mamadi Doumbouya, Président de la Transition, Président du CNRD (Comité National du Redressement pour le Développement) ?

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Je ne le connais pas bien, c’est peut-être trop tôt de le juger. Il y a une lueur d’espoir qui se fait remarquer, mais laissons le temps faire son chemin et on verra. Reposez-moi la question dans 10 mois.

Ses premiers discours sont-ils rassurants ou pas ?

Absolument, ce qu’il a posé jusqu’ici comme actes suscitent beaucoup d’espoir. Je pense qu’il est sur la bonne trajectoire et avec l’appui de tous les Guinéens, il permettra à la Guinée de jeter les bases de son rassemblement et de son développement démocratique et économique.

 Il y a aussi fait un clin d’œil à la diaspora guinéenne n’est-ce pas?

Ah oui, c’est très salutaire de penser à associer la diaspora à l’édification d’une Guinée unie et prospère. Je suis convaincu que le progrès de la Guinée sera la résultante d’une saine mise en symbiose des facteurs et ressources endogènes et exogènes. C’est vrai qu’au sein de la diaspora, tout comme en Guinée, il ne faut surtout pas se leurrer, il y a aussi beaucoup d’opportunistes mus par la seule volonté de trouver un point de chute en Guinée et qui n’ont aucune compétence singulière à mettre au service de la Guinée. C’est l’occasion pour moi d’attirer l’attention de la junte sur le fait que la qualité de « Diaspo » ne rime pas forcément avec compétence. Il faut que les gens qui aspirent occuper des fonctions pour servir la Guinée montrent en amont leurs capacités avérées et non supposées à aider la Guinée à avancer. La parole, à elle seule, n’a jamais rien construit !

Joyeux et bel anniversaire la république de Guinée, qui fête le 63ème anniversaire de son ascension à l’indépendance. Avez-vous un souhait à formuler voire un vœu pieux à faire pour les prochaines années ?

Je voudrais souhaiter au peuple de Guinée que ce coup de force-ci soit le dernier de ce genre en Guinée et que le pays, ad vitam aeternam, retrouve irréversiblement le chemin de l’unité, de la démocratie et du développement . Je souhaite que les Guinéens se réunifient et coexistent pacifiquement en frères et sœurs partageant par la force divine un destin commun.

Je souhaite que cette transition qui s’ouvre donne l’opportunité aux Guinéens de mettre en places des mécanismes qui lui permettront de jouir d’une démocratie réelle, apaisée et adaptée à ses propres réalités sociologiques.

Que retenez-vous de ces années de souveraineté nationale et internationale en tant que citoyen guinéen et homme politique ?

Je suis très triste de noter que la colonisation a été malheureusement, jusqu’ici, remplacée, en Guinée, par le néocolonialisme guinéo-guinéen. L’oppresseur n’a fait que changer de nom, du colon au libérateur.

La Guinée aurait dû être aujourd’hui une grande puissance économique sous-régionale. Mais, grâce à la mauvaise gouvernance, nous continuons de ne pas profiter de nos énormes richesses.

Nous ne sommes malheureusement toujours pas indépendants. Nous devons continuer à y travailler, tous et toutes et tous les jours qui passent.

La CEDEAO a suspendu la Guinée et sanctionné la junte. Qu’en dites-vous ?

Je suis tout simplement désappointé. C’est dommage que la CEDEAO (Communauté Economique des Etas de l’Afrique de l’Ouest) soit devenue une structure transformée en syndicats de chefs d’Etats. Après tout ce que le peuple de Guinée a subi ces dernières années, nos partenaires de la sous-région auraient dû être solidaires du peuple de Guinée et se ranger du côté du peuple de Guinée. Je voudrais les rappeler que la Guinée est constituée d’un peuple digne et fier, qui a toujours su et le saura cette fois aussi, être mettre de son propre destin. Personne n’a le pourvoir d’empêcher la Guinée d’avancer vers son bonheur.  Les Guinéens ne se plieront au dictat de personne.

J’invite le CNRD à ne pas céder au chantage institutionnalisé. Il doit garder le cap et donner à la Guinée la chance de progresser. Les Guinéens les soutiennent et c’est tout ce qui compte.

Avançons ! Avançons lentement mais sûrement ! Prenons tout notre temps !

Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens.

Je vous remercie !

Camara Mamady