Ancienne journaliste à Jeune Afrique, Yasmina est journaliste freelance et travaille pour plusieurs magazines parisiens et marocains. Venue à Nouakchott pour participer au festival les «Traversées Mauritanides», Le Rénovateur Quotidien l’a rencontrée. Elle parle à cœur ouvert dans l’entretien suivant :
Le Rénovateur Quotidien : Après avoir dirigé la rubrique du «Cahier culturel» de l’hebdomadaire «Jeune Afrique». Vous n’allez pas nous dire que vous ne connaissez pas la littérature mauritanienne ?
Yasmina Lahlou : Pour être honnête, je commence à peine à la connaître. Disons que j’avais entendu parler des grands auteurs mauritaniens avant de venir à Nouakchott pour le festival «Traversées Mauritanides». Mais c’est une connaissance qui est, je dirai, assez superficielle. La vraie connaissance se fait maintenant pendant ces «Traversées Mauritanides»
Le Rénovateur Quotidien : Depuis peu de temps, vous êtes dans nos murs et, certainement, vous jetez un coup d’œil dans les journaux locaux tous les jours ou presque. Quels conseils donneriez-vous ?
Yasmina : Effectivement, je jette un œil dans certains journaux de la place tous les jours depuis que je suis à Nouakchott. Et je n’ai aucun conseil à donner pour plusieurs raisons. Sachant que la situation de la presse mauritanienne est très différente de la situation que je connais de la presse française et également de la presse marocaine. Donc je ne peux pas donner des conseils, ça serait complètement artificiel. Parce que le contexte géopolitique, la réalité politique, le lectorat et l’environnement économique font que la presse ne peut pas travailler de la même manière d’un pays à l’autre. En conséquence, je m’abstiendrai de tout conseil.
Le Rénovateur Quotidien : «La presse ne peut pas travailler de la même manière d’un pays à l’autre». Comment est-ce qu’elle travaillait à Jeune Afrique à votre époque ?
Yasmina : Je l’avoue, Jeune Afrique a été ma toute première expérience dans le monde journalistique. C’est là que j’ai fait mes premières armes en tant que journaliste. Et je ne cesserai jamais de remercier Béchir Ben Yahmed de m’avoir donné la chance de rentrer, de découvrir et de pratiquer le métier de journaliste. Un métier qui est pour moi, le plus beau métier du monde. Et aujourd’hui, j’ai découvert une vraie vocation. Quant à mon expérience particulièrement à Jeune Afrique, c’est une expérience qui a été très enrichissante. Encore plus, je me rends compte avec le recul que Jeune Afrique est une très bonne école, mais une dure école. On y apprend énormément de choses d’un point de vue de métier du journalisme autant d’un point de vue humain, mais également d’un point de vue de la connaissance…
Rénovateur Quotidien : Si Jeune Afrique est votre toute première expérience journalistique, vous avez, à coup sûr, entendu vos premiers jours à Jeune Afrique ces mots très chers à Béchir Ben Yahmed : «Jeune Afrique est une piscine dans laquelle nous jetons les jeunes journalistes. Et ils n’ont que deux possibilités : nager ou se noyer»
Yasmina : Exactement, moi-même, quand je suis arrivée à Jeune Afrique, Béchir Ben Yahmed m’a dit exactement ces mêmes mots : «Vous allez être jetée dans la piscine soit vous nagez, soit vous vous noyez. Mais dans la piscine, il y a un maître-nageur qui est là juste pour vous donner les clés, mais c’est à vous de nager. Et personne ne pourra le faire à votre place». C’est vrai qu’il a utilisé exactement les termes que vous venez de dire. Oui, Jeune Afrique est une piscine, ça peut être même un fleuve ou un océan tumultueux, mais les jours calmes, c’est une piscine (Rires, rires).
Le Rénovateur Quotidien : A quoi ressemble votre nouvelle vie de journaliste indépendante ?
Yasmina : C’est une autre vie qui est différente de celle que j’ai connue lors de mon passage à Jeune Afrique. Maintenant, je suis journaliste indépendante. C’est un choix que j’ai fait que je ne regrette pas du tout. Je suis contente d’avoir appris le métier à Jeune Afrique. Mais aussi, je suis contente maintenant de le pratiquer à ma manière, à mon rythme avec les médias pour lesquels je collabore. Cela me permet également d’entrevoir de nouvelles ouvertures. Voilà je suis collaboratrice de plusieurs magazines panafricains basés à Paris et pour les magazines marocains basés à Casablanca. Cette activité me permet un peu petit de toucher à différents sujets, de découvrir, d’apprendre sans cesse des choses nouvelles et de faire des nouvelles rencontres. Aujourd’hui, (le vendredi 14 décembre 2012), je suis à Nouakchott, la semaine dernière, c’était le Sénégal. Voilà, c’est un très beau métier. Et vive les voyages au Sénégal, en Mauritanie, au Maroc…
Le Rénovateur Quotidien : Pourquoi pas vive à la presse écrite dont la mort est tant annoncée depuis des années ?
Yasmina : Je suis effectivement tendance alarmiste. Et je m’inquiète pour la disparition du papier au profit de la presse électronique. Mais quand je fais part de mon inquiétude à d’autres personnes- qui sont également dans la presse, surtout dans l’audiovisuel ou dans le journalisme radiophonique- disent que ce n’est pas une fatalité. Donc, il ne faut pas être pessimiste : le journalisme change, la manière de le pratiquer aussi, mais il faut s’adapter seulement. Et le journalisme ne mourra pas quel qu’en soit la situation et suivra l’évolution. Peut-être que le papier a encore des beaux jours devant lui. Pour ma part, la presse qui se développe sur l’internet est une presse qui fonctionne différemment de la presse papier surtout en fonction de la périodicité, parce qu’un quotidien ne fonctionne pas de la même manière qu’un hebdomadaire, qu’un trimestriel. La presse électronique, de mon point de vue, est complètement de la presse papier. La différence est que la presse électronique travaille dans l’instantanéité et est trop rapide. Il y a quand même un accès immédiat à l’information, qui vient de partout dans le monde entier. Ce qui ne permet pas forcément la presse papier. C’est parce qu’elle a ses propres contraintes d’imprimerie, d’impression et de distribution, etc. Mais la presse papier a quand même sa légitimité. J’espère qu’elle ne la perdra pas. On a besoin de cette presse papier pour mener des analyses, des réflexions pas uniquement des événements. Mais des contextes qui nous apportent le recul nécessaire par rapport à l’instantané. Pour moi, les deux font la main dans la main.
Propos recueillis par Camara Mamady
Le Rénovateur Quotidien